J’aurais normalement utilisé ma première chronique comme président-directeur général du Conseil économique du Nouveau-Brunswick (CÉNB) pour me présenter. Cependant, la crise des tarifs douaniers me fait plutôt entrer dans le vif du sujet.
Le CÉNB a analysé les impacts potentiels de ces tarifs de façon documentée pour contribuer à la réflexion stratégique de notre province. Une étude d’impact des tarifs douaniers sur l’emploi au Nouveau-Brunswick a été réalisée par Pierre-Marcel Desjardins, économiste à l’Université de Moncton et membre de notre conseil d’administration. Les résultats de cette étude ont été partagés fin février avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick, après une consultation avec la première ministre. L’étude estime le nombre d’emplois à risque dans la province à 21 700.
En 2021, les principaux secteurs d’exportation vers les États-Unis sont : pétrole et charbon (8 G$), aliments (1,75 G$, dont les fruits de mer : 1,55 G$), produits en bois (1,2 G$), papier (925 M$), et élevage-aquaculture (340 M$).
La part des secteurs des exportations vers les États-Unis varie entre 50 % et 100 %. Les plus élevés sont l’extraction de pétrole et gaz (99,8 %), la fabrication de meubles (98,7 %), les produits du pétrole et du charbon (97,9 %), les produits minéraux non métalliques (97 %), les appareils, matériels et composants électriques (95,9 %) et les produits en bois (95,11 %). Seul le secteur de fabrication de produits informatiques et électroniques est inférieur aux 70 % (49,5 %). La moyenne de la part d’exportation aux États-Unis, toutes industries confondues, est de 88 %.
Au prorata des secteurs d’exploitation, les emplois à risque se trouvent en majorité dans les secteurs de la fabrication d’aliments (8 609), l’exploitation forestière (2 118), le papier (1 499), le pétrole et le charbon (1 144), la pêche, la chasse et le piégeage (855). Les régions les plus exposées seraient principalement les comtés de Westmorland (3 402), Gloucester (3 076), Kings (2 164), Charlotte (1 888) et Carleton (1 847). En examinant la part des emplois à risque dans l’emploi total, les comtés les plus exposés seraient ceux de Charlotte (14,8 %), Carleton (13,6 %), Kent (9,7 %), Madawaska (9,1 %), Victoria (8,6 %) et Gloucester (8, 5 %). Finalement, 5,6 % de l’emploi sur l’ensemble du Nouveau-Brunswick serait à risque.
À court terme, la prudence et la raison nous poussent à prendre au sérieux la menace, car notre seule certitude est que les relations commerciales avec les États-Unis sont entrées dans une ère d’incertitude, pour au moins quatre ans, peut-être même au-delà. En dépit du jeu psychologique que semble affectionner le président Trump, de son goût pour le bluff et les annonces sans lendemain, il a fait appliquer, par ses décrets signés, des tarifs de 25 % depuis le 4 mars sur certains produits, sur l’acier et l’aluminium depuis le 12 mars, puis une série de tarifs réciproques et sectoriels, à compter du 2 avril. De plus, il y a déjà eu des précédents lors de son premier mandat, même s’ils avaient été seulement sectoriels et temporaires. Les gouvernements, fédéral et provincial, doivent poursuivre les négociations, et, en cas d’impasse, mettre en place des mesures d’aide aux entreprises, aux travailleuses et aux travailleurs adaptées à la situation. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a proposé son plan pour traverser les durs mois à venir.
À moyen terme, le Canada continuera probablement à subir des tarifs douaniers. Réduisons donc les barrières, règlementations et freins au commerce interprovincial. Explorons dès maintenant la diversification des marchés alternatifs au marché américain, en collaborant avec Opportunités Nouveau-Brunswick. Mon prédécesseur, dont je salue la vision, a impliqué le CÉNB dans deux réseaux d’intérêt pour nos membres, soit l’Alliance pour la francophonie économique canadienne (AFEC) et l’Alliance des Patronats Francophones (APF). Des missions économiques sont prévues en Afrique en juin et le CÉNB peut les relayer à ses membres intéressés. Un événement pour les entreprises francophones est également prévu le 15 mai à Sudbury (Ontario).
À long terme, il est raisonnable de penser que les relations commerciales avec les États-Unis se normaliseront à nouveau. Mais le Canada, particulièrement le Nouveau-Brunswick, ne devrait pas revenir à la situation actuelle (92 % des exportations totales aux États-Unis). L’objectif de baisser notre niveau de dépendance à une clientèle unique devrait nous obséder, autant qu’une entreprise vise toujours à servir une diversité de clientèle. Nous bâtirons une stratégie et un plan d’action adaptés et évolutifs. Même si les efforts ne porteront pleinement leurs fruits que dans plusieurs années, nous devons entamer dès aujourd’hui la route pour réduire cette part à 80 %, 65 %, ou même 50 % de nos exportations !
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