l’OGDH réclame la lumière sur les disparitions de Foniké Mengué et Billo Bah (Entretien) – Ouestaf.com
Ouestaf News – (en collaboration avec Wadr) – Cela fait huit mois que les familles de Foniké Mengué et Mamadou Billo Bah n’ont toujours aucune nouvelle d’eux. Enlevés le 9 juillet 2024 à Conakry, les deux militants du Front national pour la Défense de la Constitution (FNDC) restent introuvables, malgré les multiples interpellations de la société civile guinéenne dont ils ont membres. Dans cet entretien accordé le 10 mars 2025, à nos confères de West Africa Democracy Radio (Wadr), Alseyni Sall, chargé de communication de l’Organisation guinéenne de Défense des Droits de l’Homme et du Citoyen (OGDH), réclame plus de transparence sur les enquêtes et des actions concrètes.
Q – Cela fait huit mois que Foniké Mengué et Mamadou Billo Bah, deux militants du Front national pour la Défense de la Constitution (FNDC), sont portés disparus. Aujourd’hui, que connaît l’OGDH sur l’état d’avancement de ce dossier ?
Alseyni Sall – Comme vous avez dû le constater, il n’y a aucune information sur la suite de la procédure en dépit de l’indignation que cela avait suscitée. Après l’indignation, il y a eu l’ouverture d’une information judiciaire. Mais plus de huit mois maintenant, il n’y a pas eu de suite. Ce qui est encore plus préoccupant, c’est qu’à la suite de Fonike et Billo, il y a également eu d’autres cas similaires.
Je parle notamment du cas du journaliste Marouane Camara qui est aussi (porté) disparu, dont on n’a pas de nouvelles. Il y a le cas de Sadou Nimaga, qui se trouve dans la même situation. Récemment, il y a Abdoul Sakho (Coordinateur du Forum des Forces sociales de Guinée (FFSG), qui a été aussi enlevé et torturé.
Jusqu’ici, ni le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, ni le parquet général de Conakry, n’ont dit quelque chose par rapport à cette situation. Malgré la vague de dénonciations et les interpellations, il n’y a aucune communication officielle sur la suite judiciaire par rapport à ces dossiers.
Q – Le Premier ministre Amadou Oury Bah a récemment fait savoir que les enquêtes se poursuivent. Est-ce que vous avez les éléments sur ces informations judiciaires ?
A.S. – Pour le cas de Foniké, il y a eu une information officielle du parquet général de Conakry. Mais pour le cas les plus récents, il n’y a pas eu d’information. D’ailleurs, même les avocats de M. Abdoul Sakho l’ont confirmé. Ils avaient dit qu’ils allaient déposer une plainte contre X. Mais jusqu’à ce jour, il n’y a aucune information.
Le Premier ministre et le ministre porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, ont tous les deux fait des déclarations. Mais ces déclarations sont loin d’être rassurantes. Dans la pratique, c’est le ministère de la Justice qui prend le lead par rapport à ces dossiers, surtout le parquet général de Conakry qui a l’habitude d’informer l’opinion à travers un communiqué de presse.
Je pense qu’ils sont dans une communication politique qui ne dit pas son nom. Cela démontre aussi qu’il n’y a pas de volonté réelle d’éclairer l’opinion. On aurait souhaité que le Premier ministre, au-delà des regrets exprimés, qu’il nous dise qu’est-ce qui est fait concrètement.
Aucune personne n’a été appelée pour venir témoigner dans ce dossier. Toute cela nous laisse croire qu’il n’y a pas du tout d’enquête. Nous sommes dans une espèce de déni de justice. D’ailleurs, les enlèvements intervenus après l’enlèvement de Foniké et Billo, montrent que ces disparitions sont organisées, entretenues et soutenues.
Q – Aujourd’hui, comment se portent les familles et proches des personnes enlevées et portées disparues ?
A.S. – Ils se portent très mal dans la mesure où c’est très difficile de vivre cette épreuve sans savoir où se trouvent les parents portés disparus. Cela fait plus de huit mois que vous ne savez pas s’ils sont en vie, s’ils sont morts ou malades. C’est une épreuve que personne n’aimerait subir.
Quand je prends le cas de Marouane Camara qui a été enlevé par la suite, sa femme a récemment donné naissance à un enfant et le baptême vient de se tenir en l’absence du père. Ces familles vivent aujourd’hui dans des situations très difficiles.
Malheureusement, il y a un manque d’empathie des autorités par rapport à cette situation, dans la mesure où elles n’ont jamais rendu visite à ces familles et ne communique non plus sur les procédures judiciaires.
Q – Récemment, la France a réagi sur ces dossiers, appelant les autorités à mener des actions. Est-ce que, selon vous, cette sortie peut changer la donne en Guinée ?
A.S. – Nous pensons que c’est une très bonne chose en dépit du retard de cette sortie. Les États-Unis aussi ont fait une déclaration à la suite de l’enlèvement d’Abdoul Sakho. Ils avaient profité de l’occasion pour demander aussi qu’il y ait une communication sur les procédures judiciaires concernant Foniké Mengué et toutes les personnes se trouvant dans la même situation.
Nous devons croire quand même que cela pourrait contribuer à faire avancer la procédure, mais nous attendons les actes concrets. Aujourd’hui, il est du devoir du parquet général de Conakry de communiquer pour informer l’opinion et les familles de ces personnes. C’est un devoir du ministère de la Justice.
Q- Au sein de l’OGDH, concrètement, qu’est-ce que vous êtes en train de faire pour permettre de retrouver ces personnes enlevées ?
A.S. – Nous continuons, non seulement à rester en contact avec les familles et à les entretenir, mais nous continuons aussi à faire des actes de plaidoyer auprès du ministère de la Justice mais surtout après des partenaires importants de la Guinée, tels que les Etats-Unis et l’Union européenne.
Nous rappelons aussi régulièrement au bureau du Haut-commissariat des Droits de l’Homme, la nécessité de communiquer par rapport à ces dossiers.
Je pense c’est ce que nous pouvons faire à ce stade face à cette pratique humiliante et avilissante d’enlèvements qui n’honore pas la Guinée.
Propos recueillis par Demba Amar Anne (WADR), retranscription Ouestaf News.
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