Les résultats des travaux de recherche ayant conduit au développement de nouveaux médicaments comme l’Ozempic viennent d’être reconnus comme la percée scientifique de l’année 2023 par la revue Science (1). En effet, ces molécules peuvent être utiles dans le traitement du diabète de type 2, mais également dans la prise en charge des obésités à risque. Compte tenu de leurs coûts élevés, de leurs effets secondaires non négligeables et de la nécessité de les prendre pendant des décennies, il serait judicieux, dans la plupart des cas, de considérer les approches ciblant le mode de vie puisqu’elles donnent des résultats tout aussi intéressants.
Le rôle de l’intestin dans le diabète de type 2 et l’obésité
La découverte relativement récente que l’intestin produit des hormones (incrétines) affectant non seulement le contrôle de la glycémie, mais aussi l’appétit a conduit l’industrie pharmaceutique à développer des molécules – le sémaglutide, connu sous le nom commercial Ozempic – aux propriétés similaires à ces hormones, mais qui se dégradent beaucoup moins rapidement
Les premiers résultats de recherche étaient très encourageants puisqu’ils démontraient leur efficacité dans le contrôle glycémique chez les patients avec un diabète de type 2 en plus d’induire une perte de poids passablement importante. Des études subséquentes ont révélé que cette nouvelle classe de médicaments réduisait également le risque de maladies cardiovasculaires chez des patients avec un diabète de type 2.
L’Ozempic réduit-il le risque cardiovasculaire ?
Ces médicaments ont par la suite été testés chez des patients avec obésité mais sans diabète. À nouveau, des pertes de poids non négligeables ont été rapportées. Est-ce que cette perte de poids est aussi associée à une diminution du risque de maladies cardiovasculaires?
L’étude SELECT, publiée le 11 novembre 2023 dans le New England Journal of Medicine, avait pour objectif de répondre à cette question (2). Plus de 17 000 patients aléatoirement assignés à recevoir le sémaglutide ou un placebo ont été suivis pendant une durée moyenne de 40 mois. Les patients avaient un surpoids ou une obésité et une maladie cardiovasculaire existante, mais pas de diabète. Cependant, les deux tiers avaient une condition appelée prédiabète et leur tour de taille était très élevé (plus de 110 cm), suggérant la présence d’une obésité viscérale et des éléments du syndrome métabolique cardiorénal.
Une réduction significative de 20 % du taux d’événements cardiovasculaires (infarctus, accident vasculaire cérébral, décès cardiovasculaire) a été observée, et ce, malgré le fait que ces patients recevaient déjà des médicaments pour traiter leurs facteurs de risque tels que l’hypertension ou leur cholestérol élevé.
Est-ce vraiment la solution ?
Les dernières données de 2020-2021 indiquent que 23 % de la population québécoise répondent aux critères de l’obésité (3). Devrait-on prescrire ce médicament à toute personne qui désire perdre du poids? L’Ozempic fait incontestablement perdre du poids et a le potentiel d’aider les patients à risque qui en auraient besoin, mais cela vient avec un coût associé à ce traitement, qui doit être pris sur une longue période, qui n’est pas sans effets secondaires, et dont les risques à long terme demeurent inconnus.
Cibler le mode de vie
Dans nos études réalisées à l’IUCPQ – Université Laval, nous avons accompagné des hommes avec obésité viscérale en ciblant leur alimentation et leur niveau d’activité physique. Après un an, nous avons observé des réductions du tour de taille essentiellement similaires (4) à celles rapportées avec le sémaglutide dans l’étude SELECT. Les participants étaient toutefois accompagnés de façon régulière par des kinésiologues et des nutritionnistes, ce qui implique certes des coûts, mais bien moindres que ceux associés à la prise de l’Ozempic. Ainsi, nous pourrions nous donner les moyens d’investir dans la prise en charge de centaines de milliers de patients à risque en ciblant, dans un premier temps, leur mode de vie.
Le développement de ces nouvelles molécules représente indéniablement un progrès remarquable. En investissant également dans des approches préventives et dans le développement de conditions socio-économiques qui limiteront la progression de l’obésité dans notre société, tout le monde en sortira gagnant et à moindre coût!
(1) Couzin-Frankel J. Obesity meets its match. Science 2023;382(6676):1226-1227.
(2) Lincoff AM et coll. Semaglutide and Cardiovascular Outcomes in Obesity without Diabetes. N Engl J Med 2023; 389(24):2221-2232.
(3) Camirand H et coll. (2023). Enquête québécoise sur la santé de la population 2020-2021 [En ligne], Québec, Institut de la statistique du Québec, 328 p. [statistique.quebec.ca/fr/fichier/enquete-quebecoise-sante-population-2020-2021.pdf].
(4) Borel AL et coll. Visceral and not subcutaneous abdominal adiposity reduction drives the benefits of a 1-year lifestyle modification program. Obesity (Silver Spring) 2012;20(6):1223-1233.
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