Sept candidats veulent succéder à l’Allemand Thomas Bach pour devenir le 10e président du Comité international olympique (CIO), pour les huit prochaines années, dont l’élection se tiendra à Athènes, en Grèce, jeudi 20 mars. Directeur de recherche à l’Iris, en charge du programme Sport et géopolitique, Lukas Aubin analyse ce scrutin et ses enjeux.
Rarement une élection à la présidence du CIO aura attiré autant de candidatures avec pas moins de sept prétendants venant de zones géographiques très différentes…
Lukas Aubin
Directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) en géopolitique du sport
Pas uniquement occidentale, l’origine des candidats aurait pu refléter le monde multipolaire actuel, mais cela reste insuffisant. Aux côtés des quatre Européens, on peut noter la présence d’une femme, Kirsty Coventry, une ancienne nageuse multimédaillée, ministre des Sports du Zimbabwe, issue de la minorité blanche, ou celle du prince Feisal Al Hussein, frère du roi Abdallah II de Jordanie, membre du CIO depuis 2010. Il y a aussi le Japonais Morinari Watanabe, président de la Fédération internationale de gymnastique, qui se distingue en proposant l’organisation simultanée des JO d’été dans cinq villes sur chaque continent… Il faut savoir qu’en 131 ans d’existence, le CIO a toujours été dirigé par un Européen ou un Américain.
Trois favoris semblent émerger : le Français David Lappartient, le Britannique Sebastian Coe et l’Espagnol Juan Antonio Samaranch Junior…
Le système d’élection du CIO, c’est de la géopolitique, si bien qu’il est difficile de dire qui est le mieux placé. Néanmoins, ces trois candidats ont les auras politico-sportives les plus importantes. Président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et de l’Union cycliste internationale (UCI), David Lappartient peut surfer sur la réussite de l’organisation française des JO de Paris 2024 et l’obtention des JOP 2030 dans les Alpes françaises. Juan Antonio Samaranch Junior est le fils de l’ancien président du CIO (1980-2001), qui a contribué à faire entrer le CIO dans le monde moderne du sport en ouvrant la porte aux nouvelles sources de revenus tout en rendant les Jeux véritablement planétaires, mais sa gouvernance a été controversée en raison de son passé franquiste.
Son fils, membre du CIO depuis 2001 et actuellement vice-président, connaît très bien les arcanes olympiques. Il est favorable à un retour de la Russie dès qu’elle ne contreviendra plus aux règles de la charte olympique. Une vision qui tranche avec celle de Sebastian Coe, le président du Cojop (comité d’organisation) des Jeux de Londres 2012, qui, depuis le début de la guerre en Ukraine, a adopté une position sans concession en prônant le bannissement des athlètes russes. En tant que président de World Athletics, il se refuse d’ailleurs à leur retour dans les épreuves d’athlétisme…
Kirsty Coventry fait partie des outsiders. Peut-elle créer la surprise après les premiers Jeux paritaires de l’histoire de Paris 2024 ?
Si elle était élue, ce serait une petite révolution. Le CIO est une institution historiquement très masculine. On sait que Pierre de Coubertin était opposé à la participation des femmes aux jeux Olympiques, il considérait que le sport amateur devait être avant tout masculin tant au niveau de la pratique que de l’organisation. Les temps ont changé mais le CIO a toujours été dirigé uniquement par des hommes et, aujourd’hui, cela peut paraître anachronique quand on voit les messages d’inclusion du CIO et les premiers Jeux paritaires de Paris 2024. C’est le sens de l’histoire qu’une femme soit un jour élue mais la candidature de Kirsty Coventry arrive probablement encore un peu tôt…
Quels sont les enjeux auxquels le CIO devra faire face dans les prochaines années ?
Son objectif est de garder sa suprématie sur le monde du sport ou du moins une forme de monopole. Un certain nombre de nouveaux sports apparaissent régulièrement (MMA, compétitions organisées par Red Bull…) avec de nouveaux publics jeunes à conquérir et le CIO doit sans cesse s’adapter. Il doit aussi proposer un sport plus soucieux de l’environnement avec des Jeux plus inclusifs et durables, moins de gigantisme, la fin des éléphants blancs (équipements sportifs à l’abandon après les JO)…
Il doit également être en phase avec son temps et la nouvelle génération, née dans le numérique, qui n’utilise plus les médias traditionnels. Pour appâter ce nouveau public, le CIO a annoncé les premiers jeux Olympiques de l’e-sport, en 2027, en Arabie saoudite. Enfin, il doit faire face à une raréfaction des candidatures. Depuis une dizaine d’années, beaucoup de projets ne sont plus soutenus par les populations locales, car ils sont considérés comme des gouffres financiers et des désastres écologiques et sociaux. Le risque, c’est que seuls des pays riches ou qui possèdent déjà des infrastructures, car ils ont déjà organisé les Jeux, puissent candidater, excluant de fait les pays émergents.
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