Mali, puits sans fond ! [La palette afrikaine de Philippe Doucet]

Le Mali s’enfonce dans la crise ! Eviction expresse
du sélectionneur, grève des internationaux A, suspension du
capitaine Hamari Traoré… La dernière trêve internationale
catastrophique des Aigles a laissé des traces indélébiles. Combien
est loin le « Mali puissanci »…

« Dans un football
africain de plus en plus professionnalisé, le Mali régresse au
contraire dans son organisation et dans ses comportements. Le
résultat s’en fait forcément sentir. 
» En une phrase,
Cédric Kanté, l’ancien international malien, a résumé
le
sentiment général de gâchis associé au football malien. Le mirage
d’une génération grandiose est passé. Et on se demande bien si
l’excellence de la formation malienne pourra être mise en avant aux
prochains J.O. à Paris !  

Car les nuages noirs
s’amoncellent. Revenons sur les faits. Après les promesses de la
CAN 2019 et l’échec de 2022 contre la Guinée Equatoriale, le
Mali avait cru pouvoir
mettre son football sur le chemin de la méthode et de
l’organisation. Les grands anciens Seydou Keita, Frédéric Kanouté
et Cédric Kanté étaient conviés à mettre sur orbite le football
malien et sa génération dorée.

Arrive un nouveau sélectionneur,
un staff organisé et complet, chose rare au Mali. Lors de la CAN au
Cameroun, la Fédération
avait ainsi réduit la voilure juste avant le tournoi. Un kiné et un
intendant en moins !
Il avait fallu que l’adjoint
Fousseni Diawara paie finalement lui-même l’intendant pour garder
un minimum de compétence autour de l’équipe. 

Bref, Eric Chelle débute dans de
bonnes conditions et les résultats suivent. Mais pas les glorieux
anciens, laissés sur le côté par la Fédération dès après le premier
rassemblement. Frédéric Kanouté insiste quelques temps (à ses frais
!) dans son rôle autour des attaquants. Puis finit par renoncer,
découragé… Le soutien des anciens aurait pourtant bien aidé Eric
Chelle dans la période actuelle… 

© Iconsport

Un Président de la FEMAFOOT réélu en prison…

Le premier accroc notable
survient autour de la personnalité atypique du Président de la
Fédération. Incarcéré depuis août 2023 pour faits de corruption
présumés lorsqu’il était Directeur Financier de l’Assemblé
Nationale, Mamoutou Touré “Bavieux” sera pourtant réélu à la tête
de la FEMAFOOT alors même qu’il est en prison ! Il n’hésitera pas à
jouer de son siège pour essayer d’améliorer sa situation
personnelle.
Il insiste ainsi pour que les joueurs
viennent lui rendre visite en prison. Trois joueurs sont alors
délégués pour s’y rendre. Jusqu’à ce qu’ils apprennent que les
journalistes sont conviés au rendez-vous pour cette opération de
comm’ qui a surtout pour but d’obtenir une libération
conditionnelle. Les joueurs zapperont le
rendez-vous
… 

Dès lors, les rapports changent
quelque peu et le Président n’hésite pas à jouer un rôle
déstabilisant. Durant la CAN, de sa cellule
, il prend son
téléphone pour appeler quelques joueurs. Et toujours les
remplaçants mécontents
 !
L’échec malheureux contre la Côte d’Ivoire (1-2 après
prolongation après avoir mené 1-0 à l’entrée du temps additionnel…)
achèvera de condamner le sélectionneur. Certes, il a sans doute mal
géré la fin de match, autant pris par l’émotion que ses joueurs et
le peuple malien. Et le rêve de battre le voisin ivoirien et de
retrouver les demi-finales s’est envolé…

Hamari Traoré, Mali
© Imago

Le départ d’Eric Chelle pourrait coûter cher !

Toutefois, le Ministre des
Sports soutient Eric Chelle qui sauve sa place. Après tout, il est
le sélectionneur qui a le meilleur ratio de victoires depuis bien
longtemps avec les Aigles. Mais la défaite dans les éliminatoires de la Coupe du
monde 2026
à Bamako devant le Ghana (encore au
bout du temps additionnel…) entraîne le licenciement le plus
rocambolesque
de la saison.
A ce jour
encore, Eric Chelle n’en a reçu aucune notification. Il l’a appris
par des amis ayant consulté les réseaux sociaux ! Le
jour même de son retour d’Afrique du Sud après le périple pour
affronter Madagascar.
On a
rarement vu aussi indélicat. Certes, le Ministre s’était résolu à
la décision de la FEMAFOOT. Mais en demandant expressément à ce que
tout soit fait dans la clarté. On doit pouvoir faire mieux en la
matière… 

Depuis, des membres de la
Fédération se sont répandus à la télévision pour dénigrer Eric
Chelle, traité de « caractériel » et d’ami zélé
du Ministre chez qui « il va boire le thé ». A
force de taper fort et maladroitement, la FEMAFOOT se prépare des
lendemains difficiles au TAS. D’autant que le contrat du
sélectionneur n’est, comme d’habitude, pas très clair.

Les juristes peuvent en jouer et lire la fin de son contrat en
avril 2025… ou en avril 2028. Ce qui peut singulièrement modifier
le montant des indemnités à verser
. Pas forcément habile non plus de se brouiller
avec un ex-sélectionneur qui est en train de monter une structure
de formation au pays. 

D’autant que la FEMAFOOT n’a
guère de moyens pour solder un tel dossier. A preuve, le
dernier voyage
apocalyptique
à Johannesburg pour affronter
Madagascar, toujours en qualification Coupe du monde. Pour gratter
quelques sous sur l’organisation du voyage, la FEMAFOOT a fait
arriver les Aigles seulement quelques heures avant le match. Pour
un modeste, mais
compréhensible, 0-0
au bout… 

« Je comprends la frustration des joueurs »
(Cédric Kanté)

Avec un retour qui s’annonçait
tout aussi épique, les joueurs ont fini par prendre des billets
directement pour l’Europe pour s’éviter deux jours de voyage pour
rentrer au pays. A l’arrivée, le communiqué des
joueurs
a été cinglant. Cédric Kanté
approuve : « J’avoue que je ne sais pas comment notre
génération aurait réagi à un voyage aussi calamiteux. Mais, à
l’époque, on acceptait pas mal de choses. Pour autant,

j’approuve totalement les joueurs actuels qui se révoltent.
Ils se sont déjà battus pour obtenir des primes en retard. Là, ils
font grève. Je trouve qu’ils montrent du caractère et je comprends
totalement leur frustration.
Ils avaient envie de construire quelque
chose, d’aller loin. Or, l’environnement de la sélection ne cesse
de régresser. Il n’y a pas de volonté d’aller vers le haut niveau à
la FEMAFOOT. 
»

Les jeunes olympiques pour sauver les Aigles ?

Ce qu’on risque encore de voir à
l’occasion des prochains Jeux
Olympiques
à Paris. Le visage offert par la
Fédération n’incitera certainement pas les clubs à lâcher leurs
joueurs maliens pour cette épreuve qui n’est pas protégée par une
date FIFA. Les négociations menées avec Red Bull Salzbourg et
l’Atalanta s’avèrent difficiles.
Au stage de Kabala, El
Bilal Touré, Nene Dorgeles ou Kamory Doumbia brillent par leur
absence. Et tout apport de sélectionnés A est d’ores et déjà
condamné par la grève des joueurs.
Le sélectionneur olympique Alou Badra Diallo
s’est donc résolu à convoquer quelques joueurs de plus de
23 ans
… parmi des anciens internationaux des
catégories jeunes qui n’ont pas passé le cap des
A. 

Alors, quel avenir immédiat pour
les Aigles ? Le sélectionneur olympique assurera un intérim
chez les A après les JO. Avec quels joueurs ?
Selon
quelques indiscrétions, la FEMAFOOT a dressé une liste de 10
joueurs dont elle ne veut plus en sélection. Mais les talentueux
demi-finalistes de la CAN U23 sont-ils vraiment déjà prêts à
prendre le relais ?
Cela parait bien tôt. Mais le sélectionneur aura-t-il le
choix ? 

La grève des joueurs n’est plus
une simple menace. Le capitaine Hamari Traoré, pourtant suspendu et
absent à Joburg, a été convoqué sous 48 heures pour venir
s’expliquer en tant que capitaine.
S’il est suspendu comme la rumeur
le dit déjà, de nombreux joueurs pourraient prolonger leur absence,
voire arrêter la sélection. Et sonner ainsi la fin d’une génération
qui a fait rêver le Mali à des lendemains généreux
, sans pourtant offrir de résultat fort à la
CAN, ni
qualification à la Coupe du monde. Pour 2026, c’est déjà mal
parti…


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