Alors que le Mali, aux côtés du Burkina Faso et du Niger, clame haut et fort sa volonté de rupture avec l’ancienne puissance coloniale française, un détail fait sourire ou grincer des dents : c’est une entreprise française, IDEMIA, qui fabrique les nouveaux passeports biométriques souverainistes de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Officiellement lancé le 29 janvier 2025, ce passeport, symbole de la nouvelle ère souverainiste prônée par les régimes militaires de l’AES, peine encore à remplir pleinement sa fonction. Près de deux mois après sa mise en circulation, il ne permet toujours pas aux citoyens des trois pays membres de voyager librement dans l’espace Schengen. En cause : des retards administratifs et diplomatiques qui freinent la reconnaissance de ce document par les chancelleries européennes.
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Le comble dans cette affaire, c’est que la fabrication de ce précieux sésame a été confiée à IDEMIA, un géant français de la biométrie et de la sécurité numérique. Présente dans plus de 180 pays, l’entreprise se targue de collaborer avec plus de 600 gouvernements et de sécuriser chaque année des milliards d’interactions essentielles à travers le monde.
« Notre leadership technologique fait de nous le partenaire privilégié de centaines de gouvernements dans le monde », affirme IDEMIA. Spécialiste des documents d’identité hautement sécurisés, la société française n’en est pas à son premier contrat sur le continent africain. Elle produit déjà cartes d’identité et passeports pour plusieurs États africains.
Un document encore peu reconnu à l’international
Malgré la volonté affichée d’émancipation des pays de l’AES, la réalité sur le terrain diplomatique est tout autre. Plusieurs demandes de visa ont essuyé des refus ou subi d’importants retards en raison de la non-reconnaissance immédiate du nouveau passeport par certains consulats européens basés à Bamako.
Des sources diplomatiques indiquent que ces blocages s’expliquent notamment par l’absence ou le retard dans la réception des spécimens physiques du passeport AES, indispensables à la validation technique et sécuritaire des documents par les services consulaires.
Le gouvernement malien tente de rassurer
Face à la polémique naissante, le ministère malien de la Sécurité et de la Protection civile a publié un communiqué le 16 février 2025. Il assure que toutes les missions diplomatiques ont bien été informées du lancement du passeport AES et que des exemplaires physiques ont été transmis aux chancelleries concernées.
« Nous avons respecté toutes les procédures en transmettant les spécimens aux missions diplomatiques. Cependant, certains consulats accusent encore des retards dans leur réception. Nous travaillons activement à résoudre cette situation », a déclaré un représentant du ministère.
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En attendant un dénouement, les anciens passeports maliens, portant le logo de la CEDEAO, restent valides jusqu’à leur expiration. Ils permettent aux citoyens maliens de voyager sans trop d’encombre, notamment en Europe et dans l’espace Schengen. Cette situation met en lumière les paradoxes de la quête de souveraineté engagée par les régimes de l’AES, qui peinent encore à se libérer de certaines dépendances techniques et économiques vis-à-vis de partenaires occidentaux.
Prince Beganssou
Mali : L’AES crée un passeport confédéré mais plaide pour la libre circulation dans l’espace CEDEAO
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