Victoire pour le Rassemblement Pour la Protection des Ressources et des Peuples Afro-Caribéens (RPPRAC), l’organisation indépendantiste à l’origine de la contestation contre la vie chère à la Martinique. Pour la première fois, ce lundi 17 mars, le groupe a obtenu un entretien avec un membre du gouvernement. Manuel Valls, en déplacement aux Antilles dans le cadre de sa tournée ministérielle, achevée ce mercredi 19 mars, a rencontré ses leaders ainsi que des élus indépendantistes. Une entrevue inattendue, absente de l’agenda officiel, qui interroge sur les intentions du ministre, alors même que le RPPRAC, impliqué dans les débordements de l’hiver dernier, a bénéficié d’un soutien médiatique d’associations azerbaïdjanaises, signe d’une ingérence manifeste de Bakou dans nos départements d’Outre-Mer.
La complaisance face au « groupe de Bakou »
« On remercie cette ouverte d’esprit », s’est félicitée la trésorière du RPPRAC à l’issue de l’entretien. De l’ouverture d’esprit, il en fallait, en effet, pour qu’un ministre d’État tende la main à une association dont le leader, Rodrigue Petitot, multirécidiviste condamné pour trafic de drogue, a appelé à kidnapper des patrons de la grande distribution, alimentant un discours racialiste et anti-blanc. Plus encore, ce même groupe, qui a encouragé les émeutes ayant secoué l’île pendant plusieurs mois, a vu ses actions largement relayées par le Baku Initiative Group (BIG), présenté par Viginum – le service de Matignon chargé de traquer les ingérences étrangères – comme une véritable officine de propagande contre la France.
Arrestation du leader du RPPRAC, Rodrigue Petito, Martinique.
L’Etat francais continue ses pratiques coloniales.#Martinique #FrenchColonialism #Arrestation pic.twitter.com/FweJoWmern— Baku Initiative Group (@bakuinitiative) November 15, 2024
Le BIG qui prétend « favoriser les partenariats internationaux dans les domaines de la décolonisation et des droits de l’homme », multiplie en réalité les attaques indirectes visant l’État français, en relayant et publiant du contenu prônant l’indépendance du département et accusant le gouvernement de colonialisme. En 2023, Marcellin Nadeau, député martiniquais du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, également leader du parti indépendantiste Payi A et proche du RPPRAC, était même invité à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, par cette organisation, tout comme d’autres élus locaux, pour participer à des conférences dénonçant le « colonialisme français actuel ». La même année, Rodrigue Petitot apparaissait dans un documentaire diffusé par CBC-TV, une chaîne russophone basée à Bakou, accusant le gouvernement français de n’avoir « fourni aucune aide à la Martinique pour l’aider à se débarrasser des effets de l’esclavage ».
Paris dénonce… puis tend la main
Le phénomène n’a rien d’un secret pour Paris, qui alerte depuis plusieurs mois sur les manœuvres d’ingérence azerbaïdjanaises en Nouvelle-Calédonie et aux Antilles. En janvier dernier, Manuel Valls dénonçait lui-même ces « opérations de déstabilisation de l’Azerbaïdjan dans nos territoires d’Outre-Mer », affirmant qu’elles « méritent une condamnation unanime de tous » et appelant les élus locaux à « refuser toute complaisance avec le régime de Bakou ». Le ministre était appuyé en ce sens par son homologue aux affaires étrangères, Jean-Noël Barrot qui accusait sur X le « groupe de Bakou » de « déstabiliser » la politique nationale. Un rapport du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, publié en décembre, alertait déjà sur des « contenus résolument hostiles à la France, dont les auteurs exploitent délibérément la situation politique et économique des Outre-Mer ». Il n’est donc plus à prouver que Bakou instrumentalise les crises locales et les revendications indépendantistes pour affaiblir la résonnance de l’État français sur ces territoires.
Alors pourquoi une telle complaisance vis-à-vis de ces milieux indépendantistes, que le nouveau ministre des Outre-Mer semble traiter avec tant d’égards ? L’ancien candidat malheureux du Parti socialiste, chercherait-il à redorer son blason auprès d’une frange de la population martiniquaise en quête de reconnaissance ? En tendant la main à ces leaders indépendantistes controversés, tout en feignant d’ignorer leur proximité avec Bakou, le ministre semble jouer une partition bien calculée : se donner une image d’homme de dialogue, quitte à flatter ceux qui, hier encore, appelaient à l’insurrection, au plus près de puissances étrangères.
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