- Alors que c’est plutôt la droite qui est au centre des débats sur la loi immigration actuellement en discussion, la gauche a décidé de se faire entendre.
- Sans penser aux sondages, qui disent les Français et Françaises sont très favorables à un durcissement des règles, les partis de gauche tentent d’assumer leur vision de la société.
- Petit tour d’horizon des arguments – nouveaux ou plus classiques – de la gauche pour porter sa vision d’une politique d’immigration différente.
« Ça fait bien longtemps qu’on n’avait pas vu ça ! », se réjouit le député Générations des Yvelines Benjamin Lucas : un meeting où toute la gauche parlementaire est là pour parler immigration. C’est Générations, donc, le parti créé par Benoît Hamon à son départ du PS, et ses quatre députés élus avec la Nupes, qui a réuni lundi soir les chefs de file des quatre groupes de l’ex-alliance sur le projet de loi immigration. Une manière pour ce petit parti de continuer à jouer les lutins de Noël de l’union de la gauche. Un autre meeting presque unitaire aura lieu ce jeudi soir à Saint-Ouen, à l’initiative du PS, avec des écolos, des communistes et quelques insoumis, mais opposants à la direction du mouvement.
Si cette effervescence dit beaucoup des efforts des uns et des autres pour montrer que la Nupes n’est pas totalement morte, elle dit aussi que la gauche parlementaire s’est réveillée sur l’immigration. Face à des sondages qui penchent pour un durcissement de la législation, « la gauche a organisé elle-même son impuissance sur ces sujets » ces quarante dernières années, plante Benjamin Lucas, qui mènera le groupe écologiste sur le projet de loi qui arrivera lundi en séance à l’Assemblée. « Ça a commencé dans les années 1980, quand Laurent Fabius disait »le Front national pose les bonnes questions sans y apporter les bonnes réponses ». Si nous sommes là, c’est pour dire que non, l’extrême droite ne pose pas les bonnes questions. » Mais alors, quels sont les arguments – anciens ou nouveaux, avancés par la gauche ?
L’argument contre-attaque : le mode de vie à la française
Commençons par l’argument le plus neuf et le plus marquant, qu’on entend de plus en plus à gauche. C’est Benoît Hamon, aujourd’hui patron de l’ONG Singa, qui œuvre pour l’accueil des personnes réfugiées ou demandeuses d’asile, qui l’a utilisé lundi soir. « On nous dit qu’il faudrait interrompre les migrations car elles remettent en cause notre mode de vie » Mais pour lui, « ces ingrédients de notre identité qui sont menacés », ce ne sont pas une tradition, une religion, mais « un haut niveau de service public qui garantissait que quel que soit l’endroit où l’on se trouvait sur le territoire français, on avait accès aux soins, à l’éducation et à la mobilité publique ».
« Si cette gare a fermé, est-ce la responsabilité des Syriens ? Si cette école a fermé, est-ce la responsabilité des Afghans ?…. », demande ironiquement Benoît Hamon. Bien sûr, d’après lui, la réponse est non. « Mieux », il considère que la migration est une potentielle solution pour conserver ce haut niveau de service public, en prenant l’exemple des retraites : la contribution des étrangers « au système est positive, ils apportent plus d’argent qu’ils ne vont en retirer sous forme de pension. (…) Quiconque veut stopper l’immigration doit dire de combien il repousse l’âge légal de la retraite. Sinon, il ne va pas au bout de son raisonnement. »
L’argument antiraciste :
Pour se prémunir comme l’accusation « d’utilitarisme » vis-à-vis de l’immigration, Benoît Hamon ajoute : son premier argument tient aussi parce que « la République n’a jamais été un projet ethnique, mais un projet politique ». C’est là qu’on bascule sur un argument plus antiraciste. Benjamin Lucas, souvent lyrique, assure que la gauche doit mener la bataille contre « un racisme d’atmosphère qui envahit la société ». C’est surtout Andy Kerbrat, chef de file du groupe LFI sur le projet de loi immigration, qui a porté le fer contre les arguments du RN et ce qu’il juge être le silence des macronistes.
« La question pour eux n’est pas de savoir qui est migrant, c’est de savoir qui est musulman. Ils affichent une islamophobie généralisée, dégoulinante. Leur seul et unique objectif, c’est de faire ce fameux amalgame délinquance-terroriste-étranger. » Le député de Loire-Atlantique conclue par un argument intersectionnel : « Lutter contre la loi Darmanin, c’est lutter contre le racisme, celui de LR, de Renaissance, du RN, mais c’est aussi lutter contre le capitalisme, car c’est lui qui utilise et maltraite tous les plus précaires. »
L’argument témoignage : l’immigration heureuse
Boris Vallaud, le président du groupe socialiste, choisit, lui, de raconter une histoire. « Celle d’un jeune landais, parce qu’il joue au rugby et va à la course landaise, qu’il commence à avoir l’accent. Mais la vérité m’oblige à dire qu’en réalité, il est né en Guinée. Il s’appelle Moussa. » Le député de Chalosse raconte qu’il l’a rencontré il y a quelques années et que Moussa, « le corps supplicié », avait sur son bras « gravé le chemin de son exil ». En France, Moussa a fait des études, obtenant d’abord le brevet des collèges, puis est devenu apprenti chez un peintre en bâtiment.
« Je l’ai vu participer au concours des Meilleurs apprentis de France et tomber dans les bras de son maître de stage, qui pleurait et le remerciait. » Boris Vallaud indique aussi l’avoir aidé à obtenir des papiers quand il est devenu majeur, ce que font d’ailleurs bien des parlementaires, même de droite. « Des parcours comme celui-là, il y en a plein. ce sont ces histoires heureuses que la droite et l’extrême droite nous refusent de regarder en face. »
L’argument amnésie : les lois sur l’immigration sont un échec
Cyrielle Chatelain, la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée, en a marre. Marre qu’on lui dise, à droite, chez les macronistes, qu’on ne fait rien sur l’immigration en France alors que « nous n’avons jamais autant légiféré sur l’immigration que ces dernières années. Nous n’avons jamais rendu la vie aussi dure à celles et ceux qui décident de construire leur vie en France ».
La députée de l’Isère a compté : depuis les années 1980, on a légiféré tous les 17 mois sur le sujet. « Et toujours dans le même sens. C’est-à-dire durcir les conditions d’entrée et d’installation. » Sous entendu, ces lois sont inefficaces. « Ce n’est peut-être pas nous qui sommes aveugles, mais eux qui sont pris d’amnésie. (…) Se persuader que rien n’a été fait, c’est plus facile que de s’opposer aux idées rampantes de l’extrême droite ».
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