Mort de Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature et soutien de l’extrême droite en Amérique du Sud
Mario Vargas Llosa a toujours voulu être écrivain. Depuis sa plus tendre enfance, peut-être même avant de savoir lire, il savait qu’il serait écrivain. Lorsque son père apparaît dans sa vie, il a 10 ans. « Écrivain, c’est bon pour les ivrognes et les pédés », dit-il à son fils. Pour lui faire passer l’envie, il l’inscrit à l’Académie militaire de Lima.
Expérience douloureuse, son passage dans ce collège formera le corpus de la Ciudad y los perros (la Ville et les chiens) qui paraît en 1963. Mario Vargas Llosa a 27 ans. Il a déjà écrit los Cachorros (les Chiots) en 1959. Avec la Ciudad y los perros, il prend sa place dans la génération du boom de la littérature sud-américaine aux côtés de l’Argentin Julio Cortazar, du Mexicain Juan Rulfo, du Panaméen Carlos Fuentes, de l’Uruguayen Juan Carlos Onetti et du Colombien Gabriel Garcia Marquez.
Une œuvre protéiforme et une plume ravageuse
C’est en débarquant à Paris, en 1959, que Vargas Llosa mesure l’importance d’être un écrivain sud-américain. Ses études universitaires à Lima lui avaient permis d’étudier Jean-Paul Sartre, dont il se sent, alors, très proche. C’est une citation du philosophe qui figurera en tête de la Ciudad y los perros : « On joue les héros parce qu’on est lâche et les saints parce qu’on est méchant ; on joue les assassins parce qu’on meurt d’envie de tuer son prochain, on joue parce qu’on est menteur de naissance. » Avec le recul, cette épitaphe laisse songeur…
C’est à Paris qu’il découvre Flaubert. Coup de foudre pour Madame Bovary. Il fait sienne cette phrase du romancier : « Le seul moyen de supporter l’existence, c’est de s’étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle. » Vargas Llosa, boulimique comme Balzac, publiera 25 romans, autant d’essais, une dizaine de pièces de théâtre et de très nombreuses chroniques dans les colonnes d’El Pais.
Dès son premier roman, la prose de Vargas Llosa fait des ravages. Ses héros sont débarrassés de toute caractéristique psychologique et les paysages sont dépeints chirurgicalement, avec des aplats de couleurs primaires qui les délimitent comme la société sépare les pauvres de cette bourgeoisie qu’il honnit, dénonçant par là une société figée, paralysée par des dictatures qui n’en finissent pas de se reproduire.
Vargas Llosa construit une œuvre protéiforme, où le narrateur joue à cache-cache avec les autres personnages, se démultipliant ainsi à l’infini avec des combinaisons narratives et des niveaux de langage où se croisent une langue érudite et une triviale parsemée d’américanismes piochés dans les langues vernaculaires du continent. Jouant des contrastes ville/nature, la violence surgit au détour d’une phrase, d’un dialogue, d’un paysage.
Ses œuvres sont liées les unes aux autres, se répondent par la présence de personnages récurrents qui portent le même nom, apparaissant parfois au premier plan, d’autres dans des seconds rôles ou même simples silhouettes. On est happé par cette écriture vertigineuse, cruelle qui provoque des chocs ascensionnels à vous couper le souffle.
Une fin de vie marquée à l’extrême droite
Jusqu’aux années 1990 du siècle passé, le lecteur trépignait d’impatience à l’idée de se plonger à corps perdu dans le dernier roman de l’auteur péruvien. Au fil des ans, sa verve frondeuse et irrévérencieuse s’est raréfiée au fur et à mesure que, auréolé de gloire, l’écrivain croule sous les distinctions, les prix littéraires à ne plus savoir qu’en faire dont le Nobel en 2010.
Son entrée à l’Académie française en 2021 n’apaisera pas les controverses qu’il aime à provoquer. Lui qui se revendiquait du communisme dans ses jeunes années opérera progressivement un virage à 360 degrés, passant d’une rupture à une adhésion au libéralisme, de Jean-Paul Sartre à Raymond Aron.
Avec Garcia Marquez, son ami à qui il avait consacré un essai impressionnant en 1971, Histoire d’un déicide, la rupture sera terrible. Vargas Llosa lui flanquera son poing dans la figure. Officiellement, une querelle « de femmes » maintiendra Vargas Llosa. Officieusement, c’est le soutien et la fidélité de Marquez à la révolution cubaine que Llosa ne supporte pas.
En 1990, il se présente à la présidentielle du Pérou. Son programme est inspiré des doctrines thatchériennes. Il est battu par Fujimori. En 2021, devant le risque d’une victoire de la gauche péruvienne, il apporte tout son soutien à Keiko Fujimori, la fille de son ancien rival, accusée de corruption et, la même année, au candidat chilien qui se revendique de Pinochet. Espagnol d’adoption, il fréquente assidûment la droite espagnole et, à la toute fin de sa vie, le parti de l’extrême droite espagnole Vox.
Une évolution politique déroutante, déconcertante. On ne reconnaît plus l’écrivain qu’il fut. Ces dernières années, on trouvait son nom dans les magazines people ou dans les listes des Panama Papers. Plus l’homme affichait sa dérive ultradroitière, plus sa littérature s’en trouvait altérée. À l’opposé du parcours d’un Victor Hugo…
Face à l’extrême droite, ne rien lâcher !
C’est pied à pied, argument contre argument qu’il faut combattre l’extrême droite. Et c’est ce que nous faisons chaque jour dans l’Humanité.
Face aux attaques incessantes des racistes et des porteurs de haine : soutenez-nous ! Ensemble, faisons entendre une autre voix dans ce débat public toujours plus nauséabond.
Je veux en savoir plus.
Crédit: Lien source