Mort d’un Humaniste. Pourquoi la mort de Robert Badinter est-elle une si grande perte. Par Dominique Itzkovitch

Il fut, au-delà d’être un avocat brillant, à l’éloquence superbe, un Ministre d’Etat important, mais aussi un grand humaniste. 

Et ce sont ses qualités d’humaniste, chevillées au corps, au cœur, qui l’ont amené à vouloir faire avancer la société, la rendre plus humaine.

Il s’attaqua à l’abolition de la peine de mort, parce que la valeur de la vie humaine ne lui paraissait pas pouvoir faire l’objet d’une erreur, d’un doute.

Et si le condamné était non coupable… condamné à tort, au nom de l’erreur possible, il fallait mettre fin au jugement inexorable.

C’est en tant qu’homme politique qu’il œuvra, mais un homme engagé et responsable, conscient de l’acte politique. Peu d’hommes politiques ont cette façon de lier l’acte à la conscience, à l’humain…

Était-ce parce qu’à 14 ans, Robert a vu son père périr dans les camps, innocente victime de la barbarie nazie ? Il alors compris la vanité d’une vie marquée d’une étoile jaune.

La mort est devenue une réalité… mais aussi un combat. 

Quand elle s’accompagne d’injustice, d’irraison, de folie meurtrière.

Il a su qu’il ne laisserait pas les choses se faire sans réaction : l’homme doit lutter… c’est son devoir, sa dignité, sa responsabilité. 

Être le défenseur de la liberté, de la justice, devint , alors, le parcours qu il choisirait.

Lutter contre l’antisémitisme qui a tué Simon, le père aimé, mais aussi 6 millions de juifs,…, fut un de ses combats.

Mais aussi s’insurger contre l’antisionisme, forme nouvelle de l’antisémitisme.

Il lutta contre toutes les formes de haines, de discriminations, en particulier pour la dépénalisation de l’homosexualité.

L égalité entre les hommes et les femmes, la parité nécessaire des salaires dans la vie politique lui fut commun avec sa femme, la philosophe Elizabeth.

Toujours l’humain au centre de ses pensées, de ses actions.

C’est cet humanisme profond qui me fit admirer cet homme unique si rare…

Peut-être parce qu’il développait des valeurs culturelles qui m’étaient chères. 

Du côté paternel, les Krzywkowski, fondateurs, avec d’autres, du MRAP et de la LICA.

Mon grand-père, Henri, fourreur comme le père de Robert, Simon… Tous deux amis et élevés dans la culture yiddish.

Henri cultivant un lien fraternel avec Lazare Rachline et Marcel Bleunstein … tous immigrés fuyant les pogroms et devenus des industriels prospères grâce à une volonté d’intégration et une rage de vivre.

Du côté maternel, c’est l’héritage de l’apport du Ministre Crémieux, fondateur du célèbre décret, franc-maçon à un degré élevé, et créateur de l’Alliance israélite universelle.

Robert Badinter fit partie de ces hommes intègres et courageux, décidés à faire avancer la société par cette même rage de vivre que celle d’un Bleunstein ou d’un Rachline, grand résistant.. 

L’idéal fut le même… faire triompher la justice, la liberté, l’égalité. 

C’est en cela que Robert Badinter fut un républicain, un démocrate engagé, durant sa vie, dans la défense de ses convictions. 

Intègre comme Léon Blum ou Mendes France, il fut, sans doute, gêné par l’amitié gênante de Mitterrand avec Bousquet.

Je le fus au point de refuser un poste de Conseiller qui m’était offert.

Mais c’est grâce à Badinter que la Mitterrandie a pu avoir son titre de noblesse, par l’acte définitif qu’il mena à bien.

Ce ne fut pas facile… il a fallu le courage, la ténacité et l’intelligence du ministre 

Il est ainsi… des hommes, des femmes, qui ont marqué une page d’histoire.

Alors la France doit beaucoup à ces êtres d’exception. 

10 février 2024 

© Dominique Itzkovitch 

Psychanalyste 

Fondatrice du Think Tank Devenir, Groupe de réflexions de spécialistes interdisciplinaires sur les questions de société et de lutte contre les discriminations


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