Nabil Ammar : « Le Cameroun est un pays à fort potentiel qui intéresse les investisseurs tunisiens »

Nabil Ammar, ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens de l’étranger

Nabil Ammar, ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens de l’étranger

Monsieur le Ministre, vous avez coprésidé avec votre homologue camerounais la 11ème Session de la Commission Mixte Tunisie-Cameroun à Yaoundé les 26 et 27 avril dernier. Quelle est la signification que vous donnez à un tel évènement ?

C’est un évènement important qui consacre la coopération entre deux pays africains qui entretiennent d’excellentes relations sous tous les plans depuis les années de nos indépendances. J’ai conduit à cette Commission Tunisie-Cameroun, une importante délégation d’investisseurs parmi lesquels le président du patronat tunisien. Notre coopération avec le Cameroun est multidimensionnelle. J’ai eu le privilège de rencontrer plusieurs membres sectoriels du gouvernement à qui j’ai confirmé tout notre intérêt à renforcer notre coopération bilatérale.

Initialement annoncée pour se tenir en octobre 2020, cette 11ème Session n’a jamais pu se tenir. Pourquoi ?

D’abord, il y a eu le Covid-19. Par la suite, il fallait s’arranger pour trouver une date. Chaque pays avait ses contraintes de calendrier. Mais dès que nous en avons eu l’occasion, nous avons fixé une date. Nous l’avons bien préparée du côté tunisien comme du côté camerounais. Nous espérons tous que nous arriverons à des résultats concrets. Nos relations sont excellentes mais nous devons davantage les booster parce que le potentiel est considérable entre nos deux pays.

La précédente rencontre de ce type a eu lieu en mars 2016 à Tunis. Elle avait abouti à la signature de quatre accords de coopération dans les domaines de l’enseignement supérieur, de la santé, du tourisme et de l’artisanat. Huit ans plus tard, quel bilan pouvez-vous faire de la mise en œuvre de ces accords ?

Nous avons mis en œuvre ces différents accords, même si cela n’a pas été fait de façon parfaite en raison de certains aléas comme le Covid-19. C’est une crise qu’il fallait gérée. Et donc, cette 11ème Session a été l’occasion de signer de nouveaux accords et de voir comment améliorer la mise en œuvre des accords qui ont déjà été signés. Le potentiel d’action et les projets concrets entre les deux pays sont très intéressants et méritent d’être mis en œuvre. Par exemple, la Tunisie est l’invitée d’honneur du Cameroun lors du prochain Forum national de l’artisanat qui se tient dans quelques semaines. Nous avons à cœur de marquer notre participation à cet évènement qui va certainement permettre de booster la coopération entre nos deux pays au niveau de l’artisanat, qui fait partie des secteurs porteurs.

Justement, monsieur le Ministre, quels sont les autres secteurs qui intéressent la Tunisie au Cameroun ?

L’économie tunisienne est très diversifiée. Le Cameroun est un pays immensément riche avec un fort potentiel qui intéresse les investisseurs tunisiens. Il est relativement très facile de trouver des secteurs d’intérêt commun partout où nous pourrons travailler ensemble et avancer, y compris pour tout ce qui concerne l’économie sociale, la formation professionnelle, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, et les transports. S’agissant des transports, il y a un accord qui va être concrétisé avant la fin de l’année 2024 avec l’ouverture d’une ligne aérienne Tunis – Douala. C’est un instrument très important pour rapprocher les Tunisiens des Camerounais et vis-versa, et aussi rapprocher notre communauté d’affaires pour qu’elle crée de la richesse dans des conditions beaucoup plus optimales. Tous les secteurs sont intéressants. Que nous parlions d’agriculture, de transport, de services, de santé… tous les secteurs sont porteurs d’une coopération accrue entre nos deux pays.

Quelle place occupe le Cameroun dans les relations commerciales que la Tunisie entretient avec ses différents partenaires économiques ?

Le Cameroun occupe une place de choix dans les relations qu’entretient la Tunisie avec ses partenaires économiques. C’est un partenaire très important pour la Tunisie au sein de l’Afrique centrale. C’est très important de nourrir des rapports sans nuage. Cela dynamise beaucoup les relations aux niveaux économique et commercial qui à leur tour, ne vont faire que renforcer les intérêts réciproques et le travail en commun dans l’intérêt de nos deux peuples et celui de l’Afrique. Aujourd’hui, nous sommes satisfaits de ce que le Cameroun apporte à la Tunisie et comme avec nos frères Camerounais, nous sommes ambitieux aussi ; nous voulons toujours faire davantage parce que nous voyons que le potentiel est important et que nous n’en avons pas fait assez depuis nos indépendances. Quand on regarde le contexte international, c’est le moment de prendre conscience de tout notre potentiel et de le développer. Il faut libérer les énergies, les initiatives dans nos deux pays respectifs, nous ouvrir les uns aux autres, prendre conscience de nos richesses. Il ne faut pas laisser autrui convoiter nos richesses naturelles et repousser nos populations.  

Le chef de l’Etat tunisien avait annoncé dans un communiqué publié le 21 février 2023, que « des mesures urgentes » étaient nécessaires « contre l’immigration clandestine de ressortissants d’Afrique subsaharienne ». Certains médias ont parlé d’une « chasse aux sorcières » contre les migrants subsahariens. Comment a-t-on réagi à ces accusations à Tunis ?

Ça, c’est le travail de certaines Organisations Non Gouvernementales qui ont un agenda politique caché contre la Tunisie. Elles ont vu que notre réponse a été ferme et constante, et elles ont tenté de réviser leurs manœuvres. Outre ces ONG, il y a également des Etats qui avaient le même agenda ; il fallait que la Tunisie accepte une situation qui n’est acceptable par aucun pays au monde. Il fallait que la Tunisie obéisse à ce qu’ils voulaient et qu’elle joue le rôle du gendarme de la Méditerranée. Nous avons dit haut et fort : non. Nous avons aussi dit que nous respectons toutes nos obligations internationales et que de même, il fallait respecter la loi tunisienne et dénoncer ce trafic d’êtres humains honteux qui est programmé souvent hors Afrique, par des bandes mafieuses qui profitent de la vulnérabilité de ces personnes et qu’ils en font de véritables esclaves modernes avec toutes sortes de dangers qui les guettent.

Nous avons dit qu’il fallait arrêter toute cette mécanique-là avec tous les pays qui sont concernés par ce fléau, mais nous n’avons pas trouvé beaucoup d’échos auprès de nos partenaires du Nord. Justement, parce qu’il y avait un programme qui consistait à pousser la Tunisie à faire seule ce qu’eux refusent de faire. Il ne faut pas s’étonner de faire ensuite face à des flux de migrants illégaux et en situation précaire. Forcément, il va y avoir des situations où des personnes vont souffrir.

Vous évoqué le manque de soutien de la part de vos voisins. Face à un tel silence, quelles sont les actions entreprises pour garantir une gestion efficace de l’immigration en Tunisie ?

Nous sommes en train de tirer la sonnette d’alarme pour dire que tous ensemble, nous devons trouver des solutions. Et la solution à moyen terme, c’est la création de richesses pour toutes ces populations dans leurs pays respectifs. Nous avons sur la table une session de travail prévue à Tunis pour nous pencher sur cette question. C’est au-delà des capacités de chaque pays de trouver des solutions seul, y compris la Tunisie. Malgré nos ressources limitées, notre marine est éreintée de pêcher quotidiennement des cadavres en mer. Nous le faisons en respectant les obligations internationales de la Tunisie. Il ne faut pas que les non Africains s’ingénient à créer de la zizanie entre nos Etats. L’Afrique est le continent de l’avenir, tout le monde le sait. Il a ce qu’il faut pour réussir avec ses filles et ses fils. C’est à nous de nous prendre en charge et d’avoir un dialogue et des actions responsables. Nous devons croire en notre potentiel. Il y a quelque chose à changer dans nos mentalités pour arriver à cela. Nous nous sommes libérés politiquement dans les années 1960, il faut maintenant nous libérer économiquement. Nous avons tous les moyens de le faire, surtout en tirant les leçons de tout ce qu’il n’a pas marché depuis nos indépendances.

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