Niger : cette femme produit chaque jour entre 160 et 180 litres de lait de chamelle et possède un cheptel de plus de 200 chameaux
Crédit photo, Wouro Habsatou Aboubacar
- Author, Ousmane Badiane
- Role, Digital Journalist BBC Afrique
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- Reporting from Dakar
Au Niger, l’élevage est pratiqué par près de 87% de la population active soit en tant qu’activité principale, soit comme activité secondaire après l’agriculture.
C’est une activité essentielle qui représente une part importante de l’économie nationale. Les femmes y jouent un rôle fondamental, bien que souvent sous-estimé.
Certaines entrepreneures comme Wouro Habsatou Aboubacar, se sont spécialisées dans la production et la commercialisation du lait de chamelle, valorisant ainsi un produit à forte demande pour ses bienfaits nutritionnels et médicinaux.
A la tête d’un cheptel de plus de 200 chameaux dans un univers fortement masculin, Madame Wouro incarne la résilience et l’innovation des femmes africaines dans le secteur agro-pastoral, un rôle clé pour la sécurité alimentaire et le développement économique du Niger.
Fondée en 2011, son entreprise, « Habsatou Lait de Chamelle », produit quotidiennement entre 160 et 180 litres de lait, qu’elle écoule sans difficulté sur le marché local.
L’élevage, une affaire culturelle et familiale
Lorsqu’elle a commencé la production du lait de chamelle en 2011, avec une trentaine de bêtes issues du cheptel familial, Madame Wouro Habsatou Aboubacar n’imaginait sans doute pas qu’elle allait se retrouver à la tête d’un cheptel de plus de 200 chameaux.
Le parcours de Wouro Habsatou Aboubacar illustre la capacité des femmes nigériennes à innover et à contribuer significativement au développement économique local, notamment dans le secteur agro-pastoral.
Mariée et mère de quatre enfants, Mme Wouro est une éleveuse de chameaux et productrice de lait vivant dans la région de Niamey, capitale du Niger. Issue d’une famille d’éleveurs, elle a grandi entourée de bétail et a appris très tôt l’art de l’élevage.
Dès son plus jeune âge, Habsatou caressait un rêve, créer sa propre entreprise spécialisée dans le domaine de l’élevage.
« Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours aimé les chameaux, et j’avais l’idée de bâtir une entreprise unique et rentable afin de pouvoir contribuer aux besoins de ma famille », confie-t-elle à BBC Afrique.
Très tôt, elle a commencé à extraire le lait d’une seule chamelle qu’elle allait vendre de porte à porte.

Crédit photo, Wouro Habsatou Aboubacar
Des débuts difficiles
Mme Wouro Habsatou a commencé avec un chameau et a décidé de réaliser son rêve d’élever un troupeau. Elle a vu une opportunité dans le lait de chamelle nutritif, très demandé et à bon prix.
« J’ai commencé la production du lait de chamelle en 2011. Au début je visais une clientèle d’origine nomade vivant à Niamey mais ma grande surprise était de voir que le lait de chamelle était aussi beaucoup recherché par toutes les autres communautés pour ses vertus thérapeutiques. A partir de là, il me fallait trouver d’autres fournisseurs pour satisfaire la demande croissante des consommateurs. C’est comme ça que j’ai approché les éleveurs des dromadaires aux alentours de Niamey pour leur proposer de se joindre à moi pour développer cette filière », nous a-t-elle confié.
Aujourd’hui, elle tire son principal revenu grâce à la vente de lait frais et de dérivés laitiers comme le yaourt et le fromage local, connu sous le nom de « wagashi ».
Pourtant ses débuts n’étaient pas évidents dans un environnement plutôt hostile.
« Nos débuts ont été très difficiles. Déjà que c’était tabou de vendre du lait, chez nous le lait se donne, il ne se vend pas. Mon père qui était devenu après mon plus grand soutien s’y était auparavant beaucoup opposé. Alhamdulillah aujourd’hui ma plus grande joie est de voir tous ceux qui travaillent et qui vivent de ce commerce de lait de chamelle, les jeunes collecteurs, les familles qui vivent de cette activité, les alimentations qui attirent de plus en plus des clients avec ce produit », dit-elle avec fierté.

Crédit photo, Wouro Habsatou Aboubacar
Un engagement pour la production locale
Dans de nombreuses communautés pastorales et agro-pastorales, les femmes sont responsables de la traite des animaux et de la transformation du lait en produits dérivés comme le yaourt, le beurre et le fromage.
A la tête d’une PME spécialisée dans la transformation de lait de chamelle, cette mère de 4 enfants, qui incarne la réussite entrepreneuriale féminine, s’active dans la production et la commercialisation de produits laitiers depuis 2011.
« Le lait est un produit qui rentre dans tous les régimes alimentaires et qui est très recherché pour ses vertus nutritionnelles et thérapeutiques », déclare la productrice.
Partie de loin, avec juste une volonté tenace de réussir et une détermination à toute épreuve, elle mesure aujourd’hui tous les efforts consentis pour en arriver là.
« Ce qui m’a motivée, c’est que personne n’en fait; la demande est très forte car à chaque fois que j’allais sur le terrain, les gens me demandaient de leur ramener du lait et donc je me suis dit pourquoi pas en faire une bonne source de revenus », déclare Mme Wouro.
« Au-delà de la passion, cette activité m’a permis de connaître de grandes femmes et de grands hommes qui se battent dans le domaine de l’agriculture et de l’élevage en particulier, de découvrir des pays et des producteurs qui œuvrent aussi dans le même secteur. Le chameau est connu et est utilisé pour sa viande, dans le transport et dans le tourisme et je suis fière de montrer qu’on peut l’exploiter pour son lait ».

Crédit photo, Wouro Habsatou Aboubacar
Les défis du métier
Malgré leur importance dans le secteur, les femmes éleveuses au Niger font face à plusieurs obstacles : accès limité à la terre, au bétail et au financement, manque d’infrastructures de conservation et de transformation, insécurité, défaut de structuration entre autres.
« Les défis sont énormes car le secteur du lait de chamelle n’est pas très développé et les producteurs ne sont pas organisés . Nous ne sommes pas répertoriés et nos bassins laitiers ne sont pas cartographiés, c’est nécessaire pour développer la filière pour une meilleure prise en compte de notre santé, de la santé des bêtes et un meilleur suivi de notre business et aussi pour notre sécurité. Vous n’êtes pas sans savoir que nos zones sont très touchées par l’insécurité. Malheureusement nous avons perdu beaucoup de bêtes et j’ai fini par réduire leur nombre et mis l’accent sur la collecte de lait et la transformation. »
« En tant que femme, le plus difficile pour moi c’est le terrain. Je ne peux plus y aller comme je veux et quand je veux afin de suivre les activités. Mes deux sites se trouvent à 35 et 60 km de Niamey. Et je suis aussi dans un secteur où il n’y a que des hommes », explique Mme Wouro.

Crédit photo, Wouro Habsatou Aboubacar
Une femme modèle dans sa communauté

Crédit photo, Wouro Habsatou Aboubacar
Au-delà de son activité, Mme Wouro Habsatou est une source d’inspiration pour les femmes de sa communauté.
Elle organise régulièrement des formations sur l’hygiène et la transformation du lait pour d’autres productrices et porte le plaidoyer en faveur d’une autonomie financière des femmes.
« Sans être modeste, je pense que oui je peux être un exemple car je dis toujours que les femmes ne sont pas toutes obligées de faire les mêmes choses telles que le commerce de pagnes, chaussures, voile… j’ai amené les femmes à produire des produits laitiers tels le lait, les fromages et yaourt et elles gagnent bien leur vie et je continue à sensibiliser d’autres autour de moi car je crois à la rentabilité de l’affaire.»
Les femmes nigériennes sont particulièrement actives dans l’élevage de petits ruminants (chèvres, moutons), de volaille et dans certaines régions, dans l’élevage de bovins et de chameaux, notamment pour la production laitière.
En dépit d’avancées notées sur leurs droits et leurs conditions de vie, elles font encore face à de nombreux défis qui entravent leur épanouissement et les exposent à une plus grande vulnérabilité.
« Beaucoup reste à faire mais je pense que dans mon pays, la femme est bien considérée donc à nous aussi de nous battre ensemble pour une meilleure position et cela sur tous les plans. »

Crédit photo, Wouro Habsatou Aboubacar
Même s’il était inhabituel pour une femme de se lancer dans l’élevage de chameaux, Mme Wouro Habsatou a réussi à bâtir l’une des plus grandes unités de production laitière au Niger.
Son prochain objectif est d’ériger un empire industriel au delà des frontières nationales et contribuer à la réduction de la pauvreté et du chômage au Niger.
« Mon rêve est de voir ma société dans la liste des géants du lait en Afrique, de voir la satisfaction totale chez mes clients en terme de quantité et de quantité, développer toute la filière caméline car nous avons au Niger ce potentiel animal. Enfin j’aimerais que toutes les femmes soient indépendantes financièrement et épanouies pour leur bien et celui de leurs familles, et faire en sorte que le taux de chômage du pays soit le plus bas possible. »

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