Nous sommes à un tournant historique. Malgré des richesses naturelles incomparables, nous faisons face à des crises persistantes : conflits armés, pauvreté généralisée, et une gouvernance centralisée qui, malgré les promesses de décentralisation de 2006, n’a pas su transformer la vie de nos concitoyens. Je vous propose une vision audacieuse mais impérative : une République Fédérale du Congo, structurée autour de six grandes régions historiques – Orientale, Équateur, Kongo, Kasaï, Kivu et Katanga. Plus qu’un simple redécoupage, cette transformation repense notre gouvernance en s’appuyant sur nos réalités culturelles, historiques et économiques.
Bien entendu, si d’aucuns appellent avec insistance au retour des 11 provinces, un débat doit être organisé et une large consultation menée afin d’expliquer la nécessité de rompre avec le passé et de favoriser le regroupement dans des Etats viables.
À travers ces lignes, je vous expose les raisons qui rendent ce système fédéral indispensable, distinct de la décentralisation actuelle, ainsi que les mécanismes concrets pour préserver et consolider notre unité nationale.
Il est temps pour nous, Congolais, de reprendre en main notre destin, de bâtir un Congo uni dans sa diversité, prospère grâce à l’autonomie de ses régions, et fort d’une gouvernance véritablement partagée. Ensemble, réinventons notre nation.
Un géant aux pieds d’argile
La République Démocratique du Congo est un colosse fragilisé. Nos ressources – 70 % des réserves mondiales de cobalt, 10 % du cuivre, des gisements d’or, de diamants, de coltan et de lithium – devraient faire de nous une puissance économique africaine. Notre potentiel hydroélectrique pourrait illuminer le continent, nos terres nourrir un milliard d’âmes. Pourtant, la réalité est sombre : plus de 7 millions de déplacés internes, des conflits incessants dans l’Est, une pauvreté touchant près de 70 % de la population, et un développement humain parmi les plus faibles au monde.
La centralisation excessive, héritage colonial consolidé sous Mobutu, freine notre essor. Malgré les avancées constitutionnelles auxquelles j’ai contribué, la décentralisation reste lettre morte. Kinshasa, éloignée des réalités locales, peine à gérer un pays aussi vaste et divers. Les provinces, bien que multipliées par le découpage territorial, dépendent toujours du pouvoir central pour leurs ressources et leurs choix stratégiques, étouffant l’initiative locale et creusant les inégalités. L’article 175 de notre Constitution, qui promet 40 % des recettes nationales aux provinces, n’a jamais été pleinement appliqué. Nos provinces demeurent des coquilles administratives sans réelle autonomie.
Je propose une rupture audacieuse : une République Fédérale articulée autour de cinq régions – Orientale, Équateur, Kongo, Kasai et Katanga. Contrairement à la décentralisation actuelle, qui se limite à déléguer dans un cadre unitaire, ce système offrirait une autonomie constitutionnelle, avec des pouvoirs clairs, des ressources propres et des institutions régionales robustes. Ce choix s’ancre dans notre histoire : ces régions reprennent les contours des anciennes provinces coloniales et post-indépendance, avant leur fragmentation par Mobutu. Chacune porte des dynamiques uniques – le Katanga minier, l’Orientale et les Kivu carrefours commerciaux, le Kongo maritime, l’Équateur agricole, le Kasai riche en diamants et culture.
Valoriser notre diversité exceptionnelle
Avec 250 groupes ethniques, 400 dialectes et quatre langues nationales – Kikongo, Lingala, Tshiluba, Swahili – en plus du français, notre pays est un trésor culturel. Cette diversité, mal gérée par des politiques uniformes imposées depuis Kinshasa, devient un fardeau. Un système fédéral permettrait à chaque région d’adapter ses politiques éducatives, culturelles et administratives à ses spécificités. Le Kikongo rayonnerait dans la région Kongo, le Swahili dans l’Orientale, le Tshiluba au Kasai, le Lingala en Équateur, le français restant notre lien commun. Cette approche renforcerait l’attachement des citoyens à leurs institutions et célébrerait notre patrimoine pluriel.
La taille de notre pays rend la centralisation inefficace, voire contre-productive. Comment Kinshasa peut-elle répondre aux besoins d’un village minier à Kolwezi, d’une communauté rurale à Mbandaka ou d’une zone frontalière à Goma ? Un système fédéral doterait chaque région d’un gouvernement autonome, porté par des leaders élus, ancrés dans les réalités locales. Ces autorités auraient les moyens et le pouvoir de décider en matière d’éducation, de santé, d’infrastructures et de développement, offrant une gouvernance de proximité, réactive et responsable face aux citoyens.
Une gestion équitable des richesses
Nos ressources naturelles, gérées de manière centralisée, sont devenues une malédiction, leurs revenus rarement redistribués équitablement. Dans une République Fédérale, chaque région administrerait ses richesses selon un partage clair : 60 % des revenus resteraient localement, 10 % alimenteraient un fonds d’égalisation pour les régions moins dotées, et 30 % iraient au gouvernement fédéral pour ses missions – défense, diplomatie, monnaie. Inspiré de modèles comme le Canada ou l’Allemagne, ce système garantirait que le Katanga, l’Orientale ou le Kongo bénéficient de leurs atouts tout en soutenant la solidarité nationale, tout en réduisant la corruption par un contrôle citoyen accru.
Les fruits d’une République Fédérale
L’autonomie régionale libérerait le potentiel économique de chaque région : le Katanga deviendrait un hub industriel, l’Orientale un pôle commercial transfrontalier, le Kongo moderniserait ses ports, l’Équateur valoriserait son agriculture et sa biodiversité, et le Kasai diversifierait son économie. Des fédérations comme l’Allemagne ou le Nigeria montrent que cette dynamique stimule l’innovation et la croissance.
Dans l’Est, où les conflits perdurent, une gouvernance fédérale investirait dans la sécurité et le développement, avec des autorités locales capables de négocier, réintégrer les ex-combattants et stabiliser les zones troublées. La proximité du pouvoir apaiserait les frustrations exploitées par les groupes armés. Enfin, des services publics – écoles, hôpitaux, routes – seraient adaptés aux besoins locaux, rendus plus efficaces par des administrations responsables et accessibles.
Une unité consolidée dans la diversité
Loin de fragmenter, un fédéralisme bien conçu renforcerait notre unité. En valorisant les identités régionales dans un cadre national solide, il réduirait les tensions et la marginalisation. Des institutions fédérales fortes – présidence, parlement, armée, monnaie – coexisteraient avec des régions autonomes, incarnant une unité dans la diversité, clé de la stabilité pour un pays comme le nôtre.
Les piliers d’une transition réussie
Cette transformation exige des fondations solides. Une Constitution Fédérale, issue d’un dialogue national inclusif, définirait les compétences du fédéral et des régions, garantissant l’intégrité territoriale et l’autonomie régionale. Une Cour Constitutionnelle Fédérale veillerait à l’équilibre entre les niveaux de pouvoir et aux droits des citoyens. Une Conférence des Gouverneurs harmoniserait les politiques nationales, tandis qu’un Fonds d’Égalisation Interrégional réduirait les disparités, géré avec transparence.
Répondre aux inquiétudes
Certains affirment qu’un fédéralisme issu d’un Etat unitaire faible est le pire des choses, d’autres craignent la sécession, rappelant le Katanga des années 1960. Ces crises venaient d’une décolonisation chaotique et d’ingérences extérieures, non du fédéralisme. Une constitution claire et une armée nationale forte préviendront ce risque. D’autres redoutent une influence accrue des voisins, comme le Rwanda, dans une Orientale autonome. Au contraire, une région dotée de moyens serait mieux armée pour sécuriser ses frontières. Enfin, la fédéralisation ne créerait pas plus de bureaucratie, mais regrouperait les 26 provinces actuelles en onze (11+1) entités viables, optimisant la gouvernance et la réduction du train de vie de l’Etat.
Un appel au renouveau
La République Fédérale du Congo n’est pas une utopie, mais une réponse pragmatique, enracinée dans notre histoire et inspirée des réussites mondiales. Elle libérera nos régions tout en consolidant notre unité autour de valeurs et d’institutions communes. À l’aube d’un nouveau dialogue national, j’appelle tous les Congolais – leaders, société civile, jeunesse, diaspora – à s’unir pour ce renouveau. Bâtissons un Congo fédéral, uni, prospère et pacifique, où chaque communauté contribue à notre grandeur collective.
L’histoire nous regarde : répondons avec courage et vision.
Olivier Kamitatu
Avril 2025
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