Obésité : « Agir sur le mode de vie au sens large est au cœur de la prise en charge », selon la professeure Karine Clément
Plus de la moitié des adultes dans le monde seront en surpoids ou en situation d’obésité en 2050, selon une nouvelle étude publiée par la revue scientifique The Lancet. La France n’est pas épargnée. « On estime qu’il y a 8 millions de personnes, 17% de la population française, qui est en situation d’obésité » actuellement, indique ce mardi sur France Inter Karine Clément, médecin, professeure de nutrition à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre l’obésité. Il y a des « disparités régionales assez importantes, en particulier dans le nord et l’est de la France, avec près de 20% » d’habitants en situation d’obésité, et cela grimpe à « plus de 20% » en outre-mer.
« C’est une maladie très complexe », souligne la spécialiste. Les causes de l’augmentation de l’obésité dans le monde sont nombreuses : « changements des modes de vie, de l’alimentation, sédentarité, moins d’activité physique, exposition aux polluants, stress, prédisposition génétique, etc. ». Les conséquences liées à ce surpoids sont aussi importantes : l’obésité est « un facteur de risque d’énormément de pathologies cardiovasculaires, diabète, cancer mais c’est aussi une pathologie en tant que telle, avec une augmentation du tissu graisseux qui va affecter nos organes, nos tissus et la façon dont ils fonctionnent », explique Karine Clément.
Face à cela, des outils sont en développement. « On est en face de nouveautés, avec des choses qui avancent, et donc les enjeux, c’est quel patient, à quel moment de son histoire, est à bon escient« , indique la professeure de nutrition. « Aujourd’hui, on peut être aidé et donc il faut continuer sans cesse à agir sur les causes. Agir sur les comportements, l’alimentation, l’activité physique, le mode de vie au sens large est au cœur de la prise en charge pour les patients en situation d’obésité. »
Des manquements dans la prise en charge des patients
Or, selon une enquête commandée par le Collectif National des Associations d’Obèses (CNAO) et la Ligue nationale Contre l’Obésité (LCO), révélée en exclusivité par France Inter ce mardi, la majorité des patients en situation d’obésité n’entrent pas dans un parcours de soin dédié à leur maladie. Cette enquête pointe un manque de formation des médecins aux questions liées à l’obésité. Ainsi, selon cette étude, 56% des adultes en situation d’obésité sont allés voir un médecin pour discuter de leur poids, mais au terme de cette consultation, moins d’un tiers des patients sont entrés dans un parcours de soin dédié.
Une situation que déplore Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif National des Associations d’Obèses, qui dénonce notamment un manque de formation des médecins. « Les médecins ne sont pas formés car l’obésité n’est toujours pas reconnue comme une pathologie », soupire-t-elle, au micro de France Inter. « On se retrouve face à des professionnels désarmés, qui ne savent pas comment gérer, ou quoi faire et certains en arrivent à être stigmatisants », explique-t-elle.
Au final, lorsqu’un patient obèse va consulter, le médecin aborde lui-même la question du poids dans seulement 21% des cas. Un « non-sens » pour Anne-Sophie Joly, qui réclame « que l’obésité soit reconnue comme une maladie » pour que soit inscrite une « formation au cursus initial, pour tous les professionnels de santé, médicaux et paramédicaux. Il faut que ça soit obligatoire« . Les médecins n’ont actuellement que trois heures facultatives sur l’obésité lors de leur formation de près de 10 ans.
Dans les patients obèses qui entrent dans un parcours de soin, la prise en charge reste parfois « inadaptée ou insatisfaisante« , en raison d’un « accès limité aux solutions support que sont le parcours pluridisciplinaire et le programme d’éducation thérapeutique (ETP)« , qui permet aux patients d’acquérir des compétences pour mieux gérer leur maladie chronique. Selon cette enquête, seuls 13% des patients en situation d’obésité ont eu accès à un parcours pluridisciplinaire. Autre insatisfaction dans la prise en charge de l’obésité pour les patients, « la difficulté à être orienté vers des spécialistes de l’obésité« . Selon l’enquête, « pour 26% des patients, le professionnel de santé en charge du suivi n’a pas facilité l’accès à d’autres interlocuteurs ou professionnels dédiés et pour 36% d’entre eux, il ne les a pas informés sur les différentes options du parcours de soin ».
Les associations appellent donc à « favoriser une prise en charge précoce pour éviter le développement de complications en lien avec l’obésité, assurer une meilleure connaissance de l’obésité, y compris par les médecins généralistes, assurer un meilleur accès aux spécialistes, lutter contre la grossophobie et accéder à des options thérapeutiques efficaces« .
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