Odou Sangaré est un artisan dans l’âme. Il manie depuis sa tendre enfance le fer. Avec plus d’une trentaine d’années d’expériences, ce jeune natif de la ville de Sya, Bobo-Dioulasso, ne cesse de surprendre. Il est l’exemple parfait de l’autodidacte. Pas un seul jour dans une école de formation de métier. Mais ce qu’il conçoit avec le fer sort de l’ordinaire. Sa détermination force respect et allégeance. En 2022, il a dépeint son savoir-faire à travers les lignes de Burkina 24. Depuis lors, il ne fait qu’aller crescendo dans son domaine. Ses maîtres-mots : évolution, création, innovation, mais aussi adaptation, puisqu’il arrive que Odou Sangaré remette sur pied des machines de conception étrangère notamment chinoise. Trois nouvelles machines viennent d’être mises au point par ce génie burkinabè… Eh oui ! Allons prendre de ses nouvelles.
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Dans une société en pleine mutation, l’industrialisation est de mise. Tout évolue ! Les machines remplacent lentement mais surement l’Homme. Il faut déléguer les tâches pour que l’Homme gagne en temps et en énergie.
Les changements climatiques avancent à grands pas avec leur corollaire de famine. Mais plus urgent, il faut atteindre l’autosuffisance alimentaire. Pour cela, le paysan doit être dans les conditions optimales pour travailler peu mais récolter gros. Des machines pour aider le paysan existent ailleurs et peuvent être importées.
Mais, sous nos cieux, certaines personnes se battent pour que le Burkina Faso consomme ce qu’il produit. Depuis notre visite à l’Atelier Nature Forge, les choses bougent véritablement pour Odou Sangaré et son équipe. Dans cet atelier qui fait sa fierté, il a imaginé, et son génie créateur a libéré trois nouvelles machines. Il s’agit d’une machette motorisée, un broyeur composteur et un motoculteur.
Des coups de marteaux pour ramollir le fer, des machines en plein montage, des vices et des écrous disposés un peu partout. L’intérieur de l’ANF est un vrai master class. Même pas le temps pour la distraction, l’hivernage pointe le bout de son nez et le matériel de culture doit être prêt.
Dans un tout autre décor, c’est-à-dire dans son bureau, le génie derrière les créations est imperturbable. Assis, faisant face à l’aurore, il est stoïque. Les bras croisés, un sourire au coin pour exprimer sa fierté, il est focus sur l’objectif.
Il explique être en perpétuel questionnement sur comment faire pour soulager les vaillants cultivateurs. En d’autres termes, alléger leurs charges de travail, qu’ils puissent travailler convenablement, efficacement et produire suffisamment. Dans sa quête, il commence les recherches. Sur les réseaux sociaux, il obtient satisfaction. Il fait partie de ceux qui profitent au mieux des avantages de l’internet.
« Le monde évolue et les réseaux sociaux sonnent comme une bénédiction quand on l’utilise à bon escient. Certes je ne suis pas allé à l’école mais quand je vais sur YouTube, j’apprends beaucoup des réalisations chinoises et indiennes. Étant sur place ici, on regarde attentivement tout ce qu’ils font et on essaie de reproduire cela en fonction de nos réalités.
Ce qui m’aide aussi c’est que je suis fils d’artisans, donc j’ai beaucoup de notions sur tout ce qui concerne les machines. Quand je vois ces derniers fabriquer un outil, on trouve que c’est très simple. Étant donné qu’on a tout ce qu’il faut ici pour réaliser le produit, on peut fabriquer exactement la même chose qu’eux. C’est YouTube qui nous forme et c’est ça qui nous inspire le plus », révèle-t-il.
Après des jours et des nuits à s’autoformer sur YouTube, il se retranche dans son laboratoire pour éclore ce qui vise à révolutionner l’agriculture. C’est ainsi que naissent le motoculteur, le broyeur composteur et une machette motorisée. Selon les explications de Odou Sangaré, le motoculteur est une machine polyvalente.
Il est multifonctionnel car il assure à la fois le sarclage, l’émiettage de la terre et le labour. Concernant le broyeur composteur, son concepteur indique que celui-ci est utilisé dans le processus de traitement des déchets. Avec une capacité de cinq tonnes par jour, il est destiné à broyer les tiges pour le bétail. Pour la troisième machine sortie, à savoir la machette motorisée, elle découpe toutes les herbes qui pourraient entraver la semence.
« Nous avons créé de nouvelles machines afin de toujours aider nos vaillants agriculteurs. Nous avons remarqué que l’agriculture manuelle, c’est-à-dire avec les animaux comme à l’ancien temps fatigue beaucoup nos vaillants cultivateurs. Avec ces trouvailles, le cultivateur peut faire plusieurs choses à la fois de façon efficace et sans grand effort », explique-t-il.
Dans sa quête de perfectionnement et de recherche, Odou Sangaré s’appuie sur le bon vouloir de ses collaborateurs. Une jeunesse acquise à sa cause qui se forme auprès de lui. Ils sont une dizaine de jeunes en quête de renforcement de capacités à l’Atelier Nature Forge (ANF).
Odou Sangaré notifie qu’il faille inculquer la notion de formation professionnelle dans les curricula. Son avis sur la scolarisation est clair. « Oui, il faut envoyer les enfants à l’école, mais l’école ne fait pas tout. Il faut que les enfants aient certaines connaissances de leurs dix doigts pour s’en sortir en cas de difficultés », clame-t-il.
Pour apporter sa contribution à cette politique, Odou Sangaré fait de la formation pratique son cheval de bataille. « J’ai envie de dire à mes frères qui basent tout sur l’école que le travail que nous faisons ne nécessite pas de longues études.
Il est temps qu’on inculque la formation professionnelle aux enfants-là, le temps qu’ils grandissent, ils connaissent déjà un métier et peuvent s’en sortir. Notre travail ne nécessite pas de longues études. Quand on apprend un métier étant jeune, cela nous évite beaucoup de stress par rapport à l’âge adulte », insiste-t-il.
Tout fier de son parcours, il soutient que son centre totalise une dizaine d’apprenants venus du Burkina et de la sous-région. Abdoul Aziz Ouédraogo fait partie des stagiaires de l’ANF. Après trois ans de formation théorique dans un centre à Ouagadougou, il peine d’abord à trouver un centre de perfectionnement pour la formation pratique. Dans ses recherches, il tombe sur les réalisations de Odou Sangaré et de son équipe. Dès lors, il décide de lui confier la suite de sa destinée. Il est hébergé au sein du centre et y suit sa formation.
« Quand je suis rentré en contact avec lui, il m’a fait comprendre qu’il n’avait pas fait la technique mais qu’aujourd’hui par la grâce de Dieu, il arrive à réaliser beaucoup de machines agricoles. Il m’a dit qu’il voulait me donner l’opportunité de venir dans son établissement à Bobo pour apprendre la confection des machines. Quand je venais à Bobo, je m’étais fixé deux mois de formation. Arrivé, j’ai changé d’avis. En théorie, ils ne sont pas trop forts, mais en pratique, ce sont des génies » affirme-t-il.
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Mariam Tiendrébéogo fait également partie de l’écurie ANF. Bien que le milieu ne soit pas très commun aux femmes, elle exprime sa gratitude et sa volonté d’apprendre. Elle explique qu’à cause de la situation sécuritaire que traverse le pays, elle abandonne son village natal pour se retrouver à Bobo-Dioulasso.
Elle est accueillie avec une soixantaine de femmes dans la même situation qu’elle au sein d’une association qui milite pour l’autonomisation de la femme. Ainsi, elles sont redirigées vers des centres de formation professionnelle et elle seule finit par choisir la soudure.
La quarantaine bien sonnée Mariam Tiendrébéogo dit avoir choisi ce domaine par passion. A l’ANF, elle soutient apprendre beaucoup et cela dans le respect, la considération et sans distinction de sexe. « Où je suis, j’aime bien ce que je fais et j’apprends bien. L’équipe m’a vraiment adoptée et ça se passe bien. Je veux vraiment me spécialiser dans la conception des machines agricoles. J’ai commencé mon apprentissage en décembre et je suis vraiment satisfaite car j’arrive à fabriquer des portes, fenêtres, et certaines machines », souffle-t-elle toute joyeuse.
Nonobstant, le patron des lieux, Odou Sangaré, dit déplorer le manque de soutien de la part des grandes firmes du Burkina Faso malgré l’ingéniosité dont certains Burkinabè font montre. A l’en croire, les clients apprécient fortement ses machines.
Cependant, il dénonce le fait que le Consommons local prôné par le gouvernement ne soit pas forcement pris en compte souvent. Il explique ce désaveu par le fait que l’État même importe du matériel agricole au détriment de ce qui est fabriqué au pays. Peut-être par manque d’information. Mais M. Odou n’a pas la réponse.
« C’est sur place que nous fabriquons et comme nous sommes ensemble ici, si toutefois la machine a un problème, on pourra arranger facilement. Nous souhaitons que l’État nous fasse confiance et nous sollicite des machines que nous allons fabriquer sur place. Cela pour aider les paysans. L’année passée, la direction régionale de l’agriculture avait sollicité des motoculteurs chinois pour les agriculteurs.
Beaucoup avaient des difficultés techniques. Et c’est nous qui avons réglé les imperfections. Certes, les motoculteurs n’ont pas quitté chez moi, mais on a pu régler le problème. Mais pourquoi ne pas commander simplement avec nous ? », questionne-t-il.
Pour l’heure, avec la saison pluvieuse qui se profile lentement mais surement, Odou Sangaré est au four et au moulin. En attendant des jours meilleurs, il ne perd pas espoir. Il est confiant qu’à force de persévérer, la reconnaissance et le mérite se profileront incessamment…
Aminata Catherine SANOU
Burkina 24
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