On a discuté avec Pamela Anderson du film The Last Showgirl

Le soleil se couche sur Las Vegas, une danseuse (Pamela Anderson) se prépare pour sa soirée de travail.Image: www.imago-images.de

Il y a des films après lesquels on se sent comblé. The Last Showgirl, déclaration d’amour aigre-douce à Las Vegas avec Pam Anderson, est de ceux-là.

Simone Meier

Plus de «Divertissement»

On connaissait autrefois Pamela Anderson pour ses compétences de réanimation. Elle campait alors une sauveteuse dans la série télé Baywatch. Elle réussit aujourd’hui un tout autre sauvetage: le sien. Et peu de choses nous ont fait autant plaisir ces derniers mois que d’écrire sur la nouvelle PamAn et son magnifique The Last Showgirl, à la fois léger comme un rêve et profondément triste. Pas le dernier des films sur une Amérique abîmée, en somme.

Mais attaquons l’histoire par un autre bout: les femmes du clan Coppola ont une obsession claire, les paillettes. Leurs bons comme leurs mauvais côtés. L’envoûtement et le désenchantement. La réalisatrice Sofia Coppola les a déclinées sous toutes leurs formes dans Marie-Antoinette à Versailles, et dans chacun de ses autres films.

Sa nièce, Gia Coppola, lui emboîte désormais le pas avec The Last Showgirl, dont le titre dit déjà tout. Elle est la dernière de son espèce. Shelly Gardner, 57 ans, a appris le métier durant sa jeunesse à Paris. Il ne lui a pas fallu grand-chose: un corps parfait, un visage rayonnant, de la grâce et un minimum de talent en danse. Sa principale mission: porter des costumes scintillants pesant jusqu’à 30 kilos, comme s’il s’agissait des ailes d’un papillon. Et montrer allègrement sa poitrine. Une forme de burlesque sage et ultra kitsch. Pour Shelly, c’est le summum de l’élégance et du bon goût.

The Last Showgirl – Trailer 👇

Vidéo: youtube

Depuis de nombreuses années, elle se produit à Las Vegas. Mais son spectacle, Razzle Dazzle, va s’arrêter. Trop démodé, tout simplement. Ce que le public réclame, désormais, ce sont des «artistes» qui ont l’air d’avoir 18 ans et capables de faire jongler des assiettes avec leur vagin. Pour Shelly, qui a toujours caché son existence précaire derrière son travail glamour, tout s’effondre: sa vie en dehors de la scène est aussi pathétique que Las Vegas en plein jour.

Trash esthétique

Qui d’autre que Pamela Anderson pour incarner Shelly? Dans Baywatch, elle n’avait autrefois pas grand-chose d’autre à faire que de vivre sa passion, constamment à la plage, devant la caméra. A l’époque, elle ne se prenait pas pour une vraie actrice et personne ne la considérait sérieusement comme telle. Elle représentait plutôt le trash esthétique. Comme Shelly.

Pamela Anderson confie, à propos de son premier «vrai» rôle:

«Shelly est vulnérable, romantique, nostalgique, elle est profondément attachée à son art et à l’histoire de celui-ci. Elle a des problèmes avec son rôle de mère et des relations très compliquées avec les hommes. Tout cela m’a attirée.»

This image released by Roadside Attractions shows Pamela Anderson in a scene from "The Last Showgirl." (Zoey Grossman/Roadside Attractions via AP)

Image: keystone

Comment se sent-elle, aujourd’hui encensée par la critique? Prend-elle une revanche sur ceux qui ne l’ont pas prise au sérieux pendant tout ce temps?

«J’ai adoré faire partie de la culture pop, mais c’était aussi limitant. M’en libérer a été un défi et cela a pris du temps. Mais je suis là maintenant – au pays du pardon. Ça ne ressemble pas à une seconde chance, mais bien au début de ma carrière».

Elle raconte tout cela à une poignée de journalistes venus du monde entier à l’hôtel Dolder Grand. Un rideau de strass est accroché derrière elle, une coïncidence parfaite, en cette journée quelconque et maussade d’octobre 2024. Le rire de Pamela Anderson ressemble au tintement de clochettes lumineuses.

Le Festival du film de Zurich a démarré et elle en est la superstar captivante, une femme solaire, pleine de vie, heureuse, toujours vêtue de blanc. Ses cheveux d’un blond scandinave, rappellent la petite-fille d’un émigré finlandais qu’elle est. Elle apparaît presque sans maquillage, comme quasiment tout le temps, désormais. Sauf quand Shelly monte sur scène, bien sûr.

«The Last Showgirl» mit Pamela Anderson und Jamie Lee Curtis, Regie Gia Coppola

Dave Bautista joue l’un des hommes qui malmènent Shelly.Image: Filmcoopi

«J’ai réalisé tout le maquillage pour la Shelly privée moi-même et sans miroir», raconte-t-elle, «je le voulais aussi brut et léger que possible. Pour les spectacles, il faut par contre, bien sûr, quelque chose de lourd, puissant et bien visible jusque dans les derniers rangs de la salle. Ces deux aspects ont été un plaisir. Pour en revenir à la question: je n’ai rien contre le maquillage, mais je me sens davantage moi-même sans».

«C’est justement à un certain âge qu’il est important pour nous, les femmes, d’abandonner ce train fou. Rien ne sert de courir après une jeunesse éternelle»»

Pamela Anderson

Enfin libre

Elle semble totalement détendue et réconciliée – avec son âge, avec le temps qui passe, avec le monde que son moi plus jeune désirait, chassait et vendait. Regrette-t-elle de ne pas avoir choisi plus tôt une voie plus sérieuse?

«Non, regretter serait une perte de temps. Lorsque mes enfants étaient encore petits ou lorsque je me trouvais dans une de mes relations tumultueuses, je n’aurais jamais pu faire preuve de la même concentration que maintenant. Aujourd’hui, je suis libre! Et je peux tout donner. J’aimais mon ancienne vie, elle était colorée et non conventionnelle. Mais j’aime encore bien davantage le présent. Je suis tellement reconnaissante envers Gia d’avoir cru en moi, je ne peux pas simplement dire que je suis une actrice, il faut aussi des gens qui croient en moi, il faut le scénario, le montage, l’ensemble, tant d’éléments pour que je sois capable d’une bonne performance».

epa11642538 Canadian-American actress Pamela Anderson (C) poses on the Green Carpet with ZFF Artistic Director Christian Jungen (L) and US film director Gia Coppola (R) before the screening of her mov ...

Pamela Anderson et Gia Coppola en 2024 au Festival du film de Zurich.Image: keystone

Assise à côté de Pamela Anderson, Gia Coppola l’adore. Elle a exactement vingt ans de moins que sa star. Timide et réservée, elle paraît encore plus jeune.

«Pamela est une Marilyn Monroe moderne»

Sauf que Marilyn est morte à 36 ans. Il n’en demeure pas moins que Monroe et Anderson rayonnent avec le même éclat. Et leur voix, tout aussi lumineuses, se ressemblent étrangement.

Emotions de Vegas

Quelques heures avant l’interview, Jude Law déclarait dans un cinéma zurichois que les films étaient une «manifestation de nos rêves». De quoi rêvait donc Gia Coppola en réalisant The Last Showgirl? De Las Vegas, répond-elle: «J’ai toujours voulu raconter une histoire de Vegas. C’est une ville très belle et très triste. Elle donne l’impression de pouvoir réellement ressentir beaucoup d’émotions». «Oui», abonde Anderson, «Las Vegas est une manifestation de toutes sortes de rêves».

Le tournage a eu lieu dans la ville du péché. Pendant 18 jours seulement. Tous les costumes et accessoires proviennent de la revue Jubilee!, présentée pour la dernière fois en 2016, après 35 ans, sur la scène de l’hôtel-casino Horseshoe. Le matériel prenait tellement de place qu’il est resté stocké dans le théâtre désaffecté. Il ne disparaîtra que lorsqu’il faudra démolir le bâtiment pour qu’il laisse sa place à un nouveau casino. Aujourd’hui, le Horseshoe est un mausolée de sa propre gloire passée.

C’est l’artiste burlesque Dita Von Teese qui a ouvert la caverne aux trésors: soutiens-gorge en strass, ailes en soie et coiffes en plumes – pour Gia Coppola. Et qui a mis plusieurs de ses danseuses à disposition pour le tournage.

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Dita van Teese se prélasse dans sa coupe de champagne préférée lors de la Paris Fashion Week.Image: keystone

«Pour me plonger dans le rôle, je me suis concentrée sur les activités diurnes de Las Vegas: j’ai accueilli d’autres showgirls chez moi, elles m’ont raconté leurs histoires, nous sommes allées ensemble au salon de manucure, je me suis coupé les cheveux comme elles, ce genre de choses», raconte l’actrice.

Quand il faisait très froid, elle a aussi préparé une soupe de légumes avec des légumes de son jardin sur l’île de Vancouver et a distribué des chaussettes qu’elle avait tricotées. Pendant cette longue tournée de préparation pour le film, sa maison lui manque. «Ma mère m’envoie toujours des photos du jardin et de mes chiens».

Les Coppola, ces fans d’Hollywood

Gia Coppola n’est pas seulement la nièce de Sofia, mais aussi la petite-nièce de Francis Ford Coppola. Le père du clan, le Godfather, l’homme qui incarne sept décennies de l’histoire d’Hollywood. The Last Showgirl serait-il alors aussi un film sur le cinéma lui-même? Faut-il voir dans le monde de Shelly, avec ses décors glamour et son univers artificiel de Vegas, des vestiges du vieil Hollywood? «Oui, bien sûr», répond Gia, qui reste toutefois diplomate.

«Je suis une grande adepte des vieilles traditions, mais je salue aussi toutes les innovations et les nouvelles voies qu’elles nous montrent»

Gia Coppola

Shelly a une meilleure amie prénommée Annette (Jamie Lee Curtis). Elle est alcoolique, accro aux sprays autobronzants et au jeu. Un vice fatal pour qui travaille comme «bever-tainer» dans un casino, c’est-à-dire comme animatrice vendant des boissons. Un job qui ne doit exister que dans cette ville.

Shelly elle-même n’a presque pas d’argent, son salaire dépend directement du nombre de spectateurs, en chute libre. C’est comme ça à Las Vegas, et le simple achat d’un citron la désespère. Annette, elle, est complètement sur la paille et vit dans sa voiture.

«The Last Showgirl» mit Pamela Anderson und Jamie Lee Curtis, Regie Gia Coppola

Jamie Lee Curtis dans le rôle d’une Annette excentrique mais tragique.Image: Filmcoopi

«J’avais tellement peur de Jamie Lee Curtis, elle est si puissante et venait de gagner son Oscar pour Everything Everywhere All at Once, c’est une légende» raconte Pamela Anderson. «Mais ensuite j’ai eu l’impression de la connaître depuis toujours. Elle m’a regardée, a écarté les bras et m’a dit: « OK, allons-y ». Tout avec elle n’était que sororité et soutien, sincère et authentique».

Des femmes sauvages et merveilleuses

Annette noie ce qu’il lui reste de dignité dans des margaritas. Sa prestation sur Total Eclipse of the Heart dans son uniforme rouge est tragique et nous plonge dans un embarras grotesque. Jusqu’à avoir honte de ce clown orange. Pourtant, c’est bien de cela dont il s’agit: Pamela Anderson a 57 ans, Jamie Lee Curtis 66, leurs nouveaux rôles – tout comme le retour de Demi Moore – dépassent toute forme de bienséance. Ils sont sauvages et merveilleux. Un renouveau des figures féminines d’âge mûr au cinéma.

«Oui», lâche Pamela, «les femmes comme nous sont pleines de couleurs. J’avais une tante, Auntie Vie, elle portait toujours des faux cils, des perruques et des perles, elle passait ses journées à cueillir des légumes. Elle a écrit A Life of Pickles and Pearls. C’était un personnage haut en couleur. C’est mon modèle pour la vie après 50 ans». Elle termine sa phrase, assise là, et une lueur colorée envoûtante semble s’élever de tout ce blanc et ce blond, tout comme des costumes étincelants de Shelly.

The Last Showgirl sort dans les cinémas romands à partir du 26 mars

Le meilleur du Divertissement cette semaine

(Traduit et adapté par Valentine Zenker)

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