«On dirait que ça nous frappe en plein visage», dit un pêcheur de la Péninsule

L’ombre des tarifs potentiels en provenance des États-Unis a plané sur la première journée du congrès annuel de l’Union des pêcheurs des Maritimes (UPM), lundi à Moncton.

Éric Dufour, un capitaine de bateau de Pigeon Hill, se dit très inquiet du contexte actuel.

«C’est sûr que la situation est très inquiétante présentement. On ne sait pas à quoi s’attendre. On dirait que ça nous frappe en plein visage», explique-t-il.

«On va espérer que monsieur le président change d’idée et n’impose pas de tarifs. Mais je pense qu’il a l’air pas mal décidé.»

Celui qui est capitaine depuis 2012 parle d’un impact potentiellement catastrophique sur toute l’industrie de la pêche.

«On parle peut-être de perdre des emploisainsi que d’une perte de profit à la fin de la saison. Peu importe la région, je pense que c’est pas mal unanime. C’est de l’inconnu pour tout le monde. Avec près de 80% de notre produit qui s’en va aux États-Unis, c’est quelque chose de très inquiétant.»

Marie-Hélène Plourde, qui pêche aussi à partir de Pigeon Hill, voit cette menace comme un gros nuage noir qui plane au-dessus de la tête de tout le monde.

«C’est une grosse inquiétude pour tout le monde. On se bat toujours pour avoir un bon prix. Quand on commence à pêcher, on ne sait même pas ce qu’on aura», mentionne celle qui est capitaine du Marie-Hélène Cathy depuis deux ans.

«Si on ajoute un tarif, ça va créer encore plus d’incertitude. Tout augmente, le prix de l’essence, les appâts et tout le reste. On attend de voir ce qui va se passer.»

Martin Brun, directeur de l’UPM, estime que cette incertitude est en train d’ébranler toute cette industrie.

«La menace du président Donald Trump d’imposer un tarif de 25% sur tous les produits importés du Canada inquiète beaucoup de monde dans l’industrie de la pêche», avance-t-il.

Certains pensent qu’il faut faire preuve de patience et éviter de réagir trop rapidement, alors que d’autres suggèrent au contraire d’adopter des mesures fortes rapidement.

«Les menaces brandies par Trump depuis son arrivée au pouvoir sont effectivement venues ébranler notre industrie au point qu’on se pose toutes sortes de questions sur l’avenir de notre prix payé aux pêcheurs, mais aussi pour nos usines de transformation», précise-t-il.

«Une des choses qui a été mentionnée pendant le panel, c’est que si au moins on avait un tarif précis sur la table, un peu comme c’est le cas avec la Chine (25%), on serait capable de s’organiser en conséquence.»

Ils sont de plus en plus nombreux à suggérer de trouver de nouveaux marchés pour le homard.

«Si les pêcheurs (ce sont surtout ceux de la Nouvelle-Écosse qui exportent en Chine) ne réussissent pas à envoyer leur homard en Chine, il va se retrouver dans la transformation qui est ensuite envoyée dans le marché américain», explique-t-il.

L’industrie de la pêche risque donc de se faire frapper financièrement par ses deux principaux partenaires commerciaux.

«On a débuté la diversification de nos marchés dans divers pays (le Canada exporte déjà du homard et d’autres produits de la mer dans une cinquantaine de pays). Comme la porte est déjà ouverte, y a-t-il moyen d’augmenter nos exportations, ne serait-ce que de 15% vers ces marchés en attendant de trouver une solution avec la Chine et les États-Unis?»

 

Incertitude des deux côtés

Martin Brun précise que l’incertitude se vit des deux côtés de la frontière.

«Ce qui ressort des conversations que nous avons eues avec nos collègues américains, les pêcheurs et les importateurs, c’est qu’on a une industrie qui est complètement intégrée. Ce qui nous fait mal à nous leur fait aussi extrêmement mal», souligne le directeur général de l’UPM.

«Je pense qu’il y a vraiment moyen de travailler avec les Américains pour s’assurer que les gens autour du président Trump réalisent qu’ils doivent exclure cette industrie d’éventuels tarifs. C’est en cours et on verra ce qui sera le résultat dans les prochaines semaines.»

Comme presque 100% du homard qui traverse la frontière du sud-est une fois transformé, l’impact risque d’être gigantesque, croit Martin Brun.

«Je ne pense pas que nos usines canadiennes vont pouvoir acheter du homard américain avec un tarif de 25% pour le transformer ici et l’envoyer de nouveau vers les États-Unis avec un autre 25%. Ça viendrait automatiquement couper la relation», affirme-t-il.

«On souhaite une réponse le plus vite possible, parce que si on entre dans une saison de pêche au mois de mai et qu’on ne sait pas encore où on se situe, comment les acheteurs pourront-ils mettre un prix à nos pêcheurs pendant la saison? Il faut que ça se règle dans les prochaines semaines.»

Une inquiétude partagée

Le directeur général de l’Association des transformateurs de homard, Nat Richard, avance que tous ses membres nagent aussi dans l’incertitude.

«J’ai arrêté d’essayer de deviner quelle est la position du gouvernement américain sur les tarifs. On dirait qu’elle change d’heure en heure. C’est complètement erratique et douloureux pour nous et, en plus, je suis en train de perdre ce qui me reste de cheveux!», blague-t-il.

Sauf qu’il estime qu’il y a des raisons pour afficher un optimisme prudent

«J’ai espoir qu’on va se retrouver quelque part qui ne sera même pas proche des 25% annoncés. On verra. Mais c’est certain qu’il s’agit d’un chiffre énorme, qui pourrait avoir un impact considérable sur nous tous», convient-il.

Rappelons qu’une décision du gouvernement américain concernant les tarifs est attendue le 2 avril.

«Ce qui me fait le plus peur, c’est qu’on commence à pêcher et à transformer le homard sans savoir quels secteurs les tarifs vont toucher, quel sera le chiffre final et quand ils entreront en vigueur. Ça, c’est très inquiétant pour moi», confie le directeur général.

«Je cite Warren Buffet (un puissant financier américain) quand il a dit que les tarifs seront épouvantables et douloureux pour tout le monde et que personne ne gagnera en fin de compte. Il y a de plus quelqu’un, quelque part, qui va payer pour ces tarifs. Ce n’est certainement pas la fée des dents qui va les payer.»

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