OPINION. « Notre démocratie a besoin de ses forces vives en régions ! », par Dominique Vienne, président du CESER de La Réunion et président de CESER de France
Un amendement visant à la suppression des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) a été adopté le 24 mars en commission spéciale de l’Assemblée Nationale, sans concertation avec les 80 organisations des corps intermédiaires qui en sont membres, ni avec les Présidentes et Présidents de Région. Les CESER, institués par les lois de décentralisation de 1972, se retrouvent brutalement mêlés à une réforme de l’État à laquelle ils n’appartiennent pas puisqu’ils sont intimement liés au fait régional.
-Nous n’élevons pas la voix pour défendre une institution.
-Nous ne parlons pas ici pour nous défendre.
-Nous amplifions la voix de ce « fait régional » et des 23 CESER régionaux de l’hexagone, de Corse et d’Outre-Mer. La voix des organisations qui y siègent — entrepreneurs, agriculteurs, professions libérales, syndicats de salariés, associations, chambres consulaires, ONG, universités, mouvements de jeunesse, culture et sport… — expriment depuis 50 ans vécus, alertes et propositions. C’est la voix des territoires, là où la France du quotidien se réalise, là où la République prend corps. De nombreuses organisations, Présidentes et Présidents de Région l’ont rappelé depuis une semaine : « Le CESER est un espace rare, où l’on débat sans violence, où l’on construit sans exclure ». Aujourd’hui, alors que les élus appellent à une nouvelle étape de décentralisation, et que 67 % des Français souhaitent que la société civile soit davantage associée aux décisions publiques selon le dernier baromètre du Cevipof, comment comprendre qu’on envisage de supprimer les seules instances régionales où cette aspiration s’incarne déjà ? Depuis 50 ans, les CESER portent un projet clair voulu par Georges Pompidou et Jacques Chaban-Delmas : -Élargir la démocratie au-delà des élections, -Structurer un dialogue continu avec les forces vives des territoires, -Capter les signaux faibles et éclairer l’action publique. Alors que les lois NOTRe de 2015 et 3DS de 2022 ont renforcé leurs missions en matière de prospective et d’évaluation des politiques publiques, qu’ils sont désormais outillés pour faire remonter les attentes des citoyens par la voie de pétitions citoyennes, les CESER apportent une contribution riche au débat public régional. Ils contribuent à restaurer la confiance en offrant : Cet ADN permet de dépasser les intérêts catégoriels pour construire un intérêt collectif, proposé aux élus qui le transforment en intérêt général. C’est le principe même d’une démocratie efficace, fondée sur le dialogue et la concertation entre une assemblée consultative et une assemblée politique. Les CESER sont des assembleurs de solutions, des laboratoires d’idées réunissant toutes les composantes de la société civile. Ce n’est pas un statut que nous défendons, c’est une méthode démocratique. Dans quel autre type d’instance voit-on des propositions construites et votées à la fois par des employeurs et des syndicats de salariés, des agriculteurs et des représentants du monde de l’environnement, au service de l’intérêt régional ? Dans un contexte et un pays où les motifs de tensions et de fractures sont nombreux et où des visions contradictoires voire conflictuelles s’opposent, nous avons besoin d’écoute mutuelle et de consolider ce qui fait le « ciment » d’une société plutôt que de porter atteinte aux ponts existants entre les différentes parties prenantes ! Bien sûr, nous pouvons et devons progresser. Mais remettre en cause les CESER pour des raisons budgétaires alors qu’ils représentent moins de 0,1 % du budget des régions qui les financent serait une faute démocratique. Les CESER ne représentent pas un coût mais un investissement dans l’intelligence collective et la démocratie sociale, au service de l’intérêt général. Le paradoxe est cruel : alors que le Premier ministre appelle au dialogue sur les retraites et vient de saisir le CESE et les CESER sur sa proposition d’ouvrir un grand débat sur « qu’est-ce qu’être Français? », on tente de faire taire leur voix en région. Ce ne sont pas les CESER que nous défendons. Ce sont les citoyens qui s’engagent et la démocratie qu’ils incarnent dans la diversité, la co-construction, l’intérêt commun, en produisant chaque année plus de 400 avis, contributions et études qui portent leurs voix auprès des décideurs politiques en régions. Plutôt que de fragiliser le lien entre société et action publique, renforçons-le. Les CESER ont des propositions sur la table et sont prêts à en débattre, avec les Régions, le Parlement, et les citoyens, dans une concertation partagée et une évaluation objective, y compris financière. Nous n’avons pas besoin de moins de démocratie. Mais d’une démocratie plus vivante, plus partagée, ancrée dans la diversité des territoires. C’est la mission des CESER.
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Les CESER sont des assembleurs de solutions, des laboratoires d’idées réunissant toutes les composantes de la société civile.