Ouverte il y a quinze ans, l’enquête sur les «biens mal acquis» de la famille Bongo en France est terminée – Libération

Une histoire tentaculaire, quinze ans d’instruction, et vingt-quatre mises en examen, dont une personne décédée. Le juge d’instruction chargé de l’enquête ouverte en 2010 sur des biens gabonais acquis de façon frauduleuse en France a signifié ce vendredi 4 avril la fin des investigations, dans lesquelles sont visés onze descendants d’Omar Bongo, l’ancien président de la République gabonais, mais aussi BNP Paribas. Une source judiciaire a confirmé vendredi à l’AFP cette information apprise de source proche du dossier. Il appartient désormais au Parquet national financier (PNF) de prendre ses réquisitions avant la décision finale du magistrat instructeur sur la tenue éventuelle d’un procès. Parmi les personnalités mises en cause : Pascaline, fille aînée d’Omar Bongo et son ex-directrice de cabinet, l’ex-miss France Sonia Rolland, un notaire, un avocat ou encore plusieurs sociétés civiles immobilières. L’Etat gabonais a obtenu d’être partie civile.

Dans ce dossier foisonnant, plusieurs membres de la famille Bongo sont suspectés d’avoir bénéficié d’un important patrimoine immobilier «frauduleusement» acquis et évalué par la justice «à 85 millions d’euros». Les biens auraient été obtenus grâce à l’argent de la Françafrique, puissant système de corruption, de cooptation politique et de chasses gardées commerciales entre Paris et ses anciennes colonies du continent, qui a notamment donné lieu à l’affaire Elf en France. Ce vaste scandale politico-financier des années 1990 avait révélé un impressionnant réseau de corruption mêlant hommes politiques et grands patrons. L’instruction avait été menée par l’écologiste Eva Joly.

Selon des éléments de l’enquête obtenus par l’AFP, la justice française considère qu’Omar Bongo a remis à une société gabonaise, Atelier 74, au moins 52 millions d’euros en espèces pour procéder à des acquisitions immobilières et à des travaux de réfection. L’argent transitait ensuite sur le compte français de cette société. En août 2023, le renversement par des militaires du président Ali Bongo Ondimba, fils d’Omar Bongo, est venu remettre en cause son immunité de chef d’Etat et le menacer d’être à son tour poursuivi. «Il n’est pas mis en examen à ce stade», a indiqué la source judiciaire à l’AFP. Mais le débat sur la mise en examen de celui qui selon la justice «connaissait l’origine frauduleuse de la fortune de son père» pourrait être réglé par le PNF et le juge d’instruction à l’occasion de la clôture des investigations. Selon deux sources proches du dossier, son immunité pourrait malgré tout être retenue.

Au total, environ 70 millions d’euros de biens ont été saisis, indiquait fin 2023 une source judiciaire, notamment des propriétés dans des coins huppés de Paris, en Provence ou sur la Côte d’Azur. La banque BNP Paribas, elle, a été mise en examen en mai 2021 pour «au moins 35 millions d’euros» de blanchiment allégué. En interrogatoire, elle avait reconnu des «carences» mais contesté tout «dessein frauduleux». L’ex-miss France 2000, Sonia Rolland, est quant à elle poursuivie depuis mai 2022 pour recel de blanchiment de détournement de fonds publics, pour avoir reçu en 2003 un appartement parisien d’Edith Bongo, épouse d’Omar Bongo.

En défense, plusieurs de ces descendants ont contesté connaître l’origine frauduleuse des fonds, ou argué de leur jeune âge au moment de l’acquisition des biens. «On est certain que tout le clan Bongo et ses complices prestataires français vont être jugés, il va y avoir un procès, on peut l’espérer à l’horizon 2026», a réagi Me William Bourdon, avocat de l’association anticorruption Transparency International, à l’origine de cette procédure via une plainte en mai 2007. En juillet 2021, le Parlement français avait voté un dispositif de restitution aux populations des avoirs saisis dans les affaires de biens mal acquis.

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