Pendant ce temps-là… l’économie française décroche-t-elle ?

Croissance à la traîne, inflation sans fin, stagnation des salaires et explosion de la dette : comment expliquer l’écart qui se creuse entre la France et ses partenaires sur le plan économique, notamment avec les États-Unis ? Pour élucider les tenants et les aboutissements de ce décrochage, nous recevons Antoine Bouët, professeur à l’Université de Bordeaux et directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) ainsi que l’économiste Stéphanie Villers, spécialiste de la zone euro et conseillère économique du cabinet PwC.

Les bons points de l’économie française

Avant de revenir sur les difficultés de l’économie française, Antoine Bouët revient sur ce qui fonctionne, à l’instar des inégalités, qui, sur les trente dernières années, ne progressent pas dans le pays. Il y a par ailleurs en France une bonne couverture des risques des difficultés que peuvent rencontrer les individus au cours de leur vie : chômage, maladie et retraite. Stéphanie Villers ajoute qu’en dépit d’une croissance relativement faible, l’épargne française est colossale. Il y a selon un elle : « un support macro économique rassurant ». En revanche, le chômage, certes bas, n’est pas au niveau des standards d’autres partenaires de l’OCDE.

Le décrochage : une question de productivité …

Stéphanie Villers souligne que si l’on prend comme indicateur la productivité du travail, « c’est à dire noter capacité à produire avec noter niveau de main d’œuvre, l’Europe est à la traîne par rapport aux Etats Unis. Et la France serait l’une des plus mauvaises élèves de l’Union Européenne en la matière. Le pouvoir d’achat est aujourd’hui l’une des principales préoccupation des Français, or, pour améliorer le pouvoir d’achat il faut augmenter les salaires, et l’augmentation des salaires passe par l’amélioration de la productivité.

... et d’investissements stratégiques

Antoine Bouët acquiesce, la productivité est l’indicateur le plus pertinent à surveiller aujourd’hui pour mesurer le décrochage de l’économie française. Si on décompose l’évolution du PIB, on s’aperçoit que c’est la productivité horaire du travail qui stagne en Europe alors qu’aux Etats-Unis, elles progressent. Il n’y a pas assez d’investissement, en France et en Europe, dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication, dans la robotisation et puis dans l’intelligence artificielle. Ces nouvelles capacités ne sont pas acquises, que ce soit au niveau de l’entreprise ou de l’individu. La France n’investit pas assez en recherche et développement, ne dépense pas assez dans l’innovation. Par ailleurs, il y a un investissement en éducation au niveau de la formation initiale et au niveau de la formation permanente  qu’il faut renforcer en France, dans le primaire, et puis dans le supérieur. On forme en France selon Madame Villers, environ 50 000 ingénieurs, or il en faudrait au moins 10 000 de plus pour répondre aux besoins de développement industriel du pays.

Ceci dit, Stéphanie Villers insiste pour rappeler que la baisse de la productivité française est également la conséquence d’un choix, le développement de l’apprentissage, à travers notamment le million de contrats d’apprentissage qui a permis aux jeunes de s’insérer sur le marché du travail.

Comment rattraper le retard ?

A l’instar des préconisations d’Enrico Letta dans le rapport qu’il a publié au mois d’avril 2024 sur l’avenir du marché commun européen, Antoine Bouët souligne qu’il faut encore construire en Europe une union bancaire, avancer dans l’intégration du marché des capitaux et surtout innover dans les nouvelles technologies. L’Europe a construit le marché commun il y a 20 ans mais c’est loin d’être suffisant pour Madame Villers, il faudrait selon elle créer un marché unique qui puisse récupérer l’ensemble de l’épargne au sein de la zone euro pour pouvoir financer ces enjeux technologiques.

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