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Est-il possible de remplacer les substances per- et polyfluoroalkylées, PFAS ou « polluants éternels » qui s’accumulent au fil du temps dans les sols ou l’eau ? L’AFP a interrogé des industriels qui en produisent ou qui en utilisent, et des scientifiques.
Où trouve-t-on des PFAS ?
Les PFAS irriguent la vie moderne depuis les années 1940. On trouve ces éléments fluorés dans les vêtements sportifs, les textiles imperméables, farts de ski, poêles antiadhésives, emballages alimentaires, mousses d’extinction d’incendie, détergents, cosmétiques, médicaments, prothèses, enduits et peintures, membranes de filtration d’air ou d’électrolyse, mais aussi sur des durites de sondes spatiales ou dans la micro-électronique.
Il en existe des milliers, sous forme gazeuse, liquide ou solide. Leur résistance à la corrosion, à la chaleur ou à la lumière explique leur attrait. Mais une fois dans la nature, ils ne se désagrègent pas.
Les plus dangereux sont « les plus petits, les plus mobiles », solubles dans l’eau, indique à l’AFP Mehran Mostafavi, directeur adjoint scientifique du CNRS Chimie.
Les PFAS polymériques, inertes et stables, comme les produits utilisés pour les revêtements anti-adhésifs des poêles, ne sont pas problématiques en condition normale d’utilisation, dit-il.
« En effet, sans surchauffe des poêles, le polytétrafluoroéthène (PTFE) ne pénètre pas dans l’organisme, mais sa fabrication peut générer des tensioactifs fluorés potentiellement toxiques. De même, lors de sa destruction ou de son recyclage, il y a la possibilité de générer des PFAS problématiques« , complète Pierre Labadie, directeur de recherche au CNRS en chimie de l’environnement.
Est-il possible de s’en passer ?
« Il faut tordre le cou à l’idée que les polluants éternels sont indispensables« , estime Martin Scheringer, professeur de chimie environnementale à l’Ecole polytechnique de Zurich et président du groupe d’experts internationaux sur la pollution chimique (IPCP), qui souligne néanmoins les travaux en cours au niveau européen visant à définir le concept dérogatoire « d’usage essentiel » pour des PFAS dont on ne peut se passer.
« Il y a des applications dont on peut se passer, d’autres pour lesquelles existent des alternatives, pour le secteur des médicaments c’est très compliqué », détaille M. Mostafavi.
Côté industriel, pour Benoit Lavigne, délégué général de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC), qui représente 6.500 entreprises, il « n’y aura pas de transition énergétique sans PFAS« , présents dans les pompes à chaleur ou les batteries et « partout où il y a des échanges thermiques importants ».
« Pour des usages qui exposent le plus les consommateurs« , la démarche « doit être axée sur la substitution » des substances problématiques via l’innovation, « comme pour les emballages à contact alimentaire » qui viennent d’être réglementés au niveau européen, estime Magali Smets, directrice générale de France Chimie qui représente 3.000 entreprises.
A condition que le remplacement ne soit pas pire.
Sur les 58 alternatives possibles aux PFAS pour contact alimentaire répertoriées par l’OCDE, seules 10 ont été jugées acceptables pour leurs profils de risque.
Les industriels de la chimie souhaitent le maintien des PFAS dans les processus de fabrication, dès lors « que l’industriel prouve qu’ils sont utilisés de manière responsable » pour les consommateurs, les salariés et l’environnement « notamment via les études sur les rejets dans l’eau« , souligne Mme Smets.
D’une manière générale, beaucoup d’industriels « sont déjà sortis des PFAS ou sont en train de le faire » note M. Scheringer.
Substitution: le cas des cosmétiques, des farts de ski et des mousses incendies
L’OCDE a identifié 36 PFAS, émulsifiants, stabiliseurs, agents hydrofuges, ajoutés dans les produits de beauté. L’association des industriels du secteur Cosmetics Europe s’est engagée en octobre à les remplacer d’ici 2026.
La fédération internationale de ski a interdit le fart au fluor au début de la saison 2023-2024.
En France, « des mousses incendie de substitution sans PFAS viennent d’être qualifiées au terme de deux ans de travail avec le ministère de l’Environnement« , indique Mme Smets. Cette « initiative française » a besoin d’un temps d’adaptation pour s’installer, car il va falloir « rincer » les équipements utilisant ces mousses et définir de « bonnes pratiques ».
Détruire les PFAS ?
« La particularité de ces molécules est de présenter une liaison très forte entre un atome de carbone et un atome de fluor (…) Pour casser cette liaison, quatre méthodes expérimentales sont identifiées« , explique Mehran Mostafavi, du CNRS Chimie.
« Une méthode +enzymatique+ développée par les biochimistes, une méthode dite de +sono-chimie+ créant des bulles à très haute température où les liaisons C-F se cassent, une méthode par +plasma-froid+ utilisant un arc électrique dans une solution de PFAS, et une approche dite +radiolytique+ » via un rayonnement ionisant.
« Elles ont prouvé leur efficacité« , dit M. Mostafavi, « le défi serait maintenant de passer à l’échelle industrielle« .
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