Publié le 12 mars 2025
Une fois de plus, la République démocratique du Congo (RDC) est en proie à une crise tragique.
Les combattants du M23, soutenus par plus de 3 500 soldats rwandais, ont pris le contrôle de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, après un siège de plusieurs jours. Comme si cela ne suffisait pas, les rebelles ont également étendu leur emprise à Bukavu, ville stratégique du Sud-Kivu. Cette avancée éclaire l’inefficacité criante de l’armée congolaise et met en lumière l’impunité avec laquelle le Rwanda poursuit son expansion sur le territoire congolais.
Face à cette violation flagrante de la souveraineté congolaise, le Conseil de sécurité de l’ONU et l’Union européenne ont condamné l’agression et exigé le retrait immédiat des forces étrangères. Mais cette indignation internationale masque mal une hypocrisie chronique : les grandes puissances, en soutenant des accords qui profitent au Rwanda au détriment de la RDC, participent à la perpétuation du pillage et du chaos.
Un conflit aux racines profondes : entre manipulations identitaires et convoitise minière
Si ces condamnations officielles sont nécessaires, elles ne sauraient suffire sans une analyse des causes structurelles du conflit. Le drame qui se joue à l’Est de la RDC dépasse de loin une simple opposition entre Kinshasa et Kigali.
Le premier facteur aggravant est la manipulation identitaire. Le régime rwandais justifie son intervention en RDC par la nécessité de protéger les Tutsis congolais, notamment les Banyamulenge. Mais cette rhétorique dissimule mal un dessein plus stratégique : l’exploitation des ressources minières congolaises. Les évènements récents ont montré que le gouvernement rwandais, sous couvert de préoccupations humanitaires, instrumentalise la question identitaire pour légitimer son ingérence.
La guerre à l’Est du Congo est en réalité une économie de guerre qui enrichit à la fois les groupes armés, certaines factions de l’armée congolaise et des acteurs étrangers. Le coltan, la cassitérite et l’or extraits des mines congolaises transitent illicitement vers le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, avant d’être revendus sur les marchés internationaux sous des labels « propres ». Ce pillage industriel se fait avec la complicité de multinationales occidentales, qui ferment les yeux sur l’origine de ces minerais stratégiques.
L’hypocrisie des puissances occidentales : entre condamnations et complicité économique
Les condamnations diplomatiques des États-Unis et de l’Union européenne relèvent d’un cynisme insoutenable. En février 2024, Bruxelles et Kigali ont signé un accord de coopération sur les matières premières. Ce texte, censé garantir un approvisionnement sécurisé en métaux stratégiques pour l’industrie européenne, entérine en réalité un mécanisme de recel institutionnalisé : nombre des minerais inclus dans cet accord ne sont pas extraits au Rwanda, mais bel et bien en RDC.
En d’autres termes, l’Europe achète des ressources volées, tout en condamnant publiquement l’agression dont la RDC est victime. L’attitude des États-Unis n’est guère plus reluisante : Washington, sous prétexte de stabilisation régionale, continue de traiter le Rwanda comme un partenaire clé dans la région des Grands Lacs, malgré des preuves accablantes de son rôle dans le conflit congolais.
Pendant ce temps, les populations de l’Est du Congo vivent l’enfer : massacres, viols, déplacements massifs… Le conflit en RDC est le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale, avec des millions de morts et une misère abyssale. Pourtant, il reste relégué aux marges de l’agenda international, sacrifié sur l’autel des intérêts économiques.
Soutenir les forces progressistes et exiger justice
Face à cette tragédie, il est impératif de soutenir les forces progressistes et démocratiques du Congo, notamment celles incarnées par Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018. Ce dernier réclame, avec d’autres acteurs de la société civile, la création d’un tribunal pénal international pour la RDC et la mise en place de chambres mixtes afin de juger les crimes commis depuis 1993.
Le rapport Mappingdes Nations unies, qui documente les atrocités perpétrées en RDC, reste lettre morte en raison du manque de volonté politique internationale. Il est temps d’y remédier en mettant fin à l’impunité des criminels de guerre, qu’ils soient chefs rebelles, officiers de l’armée congolaise ou dirigeants étrangers.
La France doit rompre avec sa politique d’attentisme
Au-delà des déclarations creuses, la France a un rôle à jouer. Paris doit exiger des sanctions claires contre les dirigeants rwandais impliqués dans cette guerre de prédation. Il faut une rupture avec la politique ambiguë qui a longtemps prévalu : celle qui consiste à ménager Paul Kagame au nom d’une prétendue stabilité régionale.
De plus, la politique française en matière de matières premières doit être profondément réformée. La France et l’Europe ne peuvent pas continuer à nourrir indirectement les conflits africains en fermant les yeux sur la provenance des ressources qu’elles importent.
L’heure n’est plus aux demi-mesures. Il faut des actes concrets pour mettre un terme à l’hypocrisie criminelle qui permet à des multinationales, des puissances étrangères et des élites locales de prospérer sur le dos du peuple congolais.
Le respect des droits de la personne, de la souveraineté des peuples et du droit international doit enfin prévaloir. Sans cela, l’Est de la RDC continuera d’être un terrain de jeu pour les prédateurs économiques et un cimetière pour ses habitants.
Collectif Afrique du secteur international PCF
Article publié dans CommunisteS, numéro 1033 du 12 mars 2025.
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