Politique et morale en Guinée : un divorce nécessaire ? (Lansana Wagué)

La politique est souvent perçue comme un monde sombre, où les intérêts personnels prennent le pas sur les valeurs et l’intégrité. Certains partisans de la realpolitik estiment qu’un homme politique doit être dénué de morale pour prospérer. Pourtant, l’histoire nous enseigne que ceux qui abandonnent leurs principes finissent par perdre la confiance et le respect de leur électorat.

Il est vrai qu’en politique, les compromis sont parfois indispensables. Toutefois, ces derniers doivent être dictés par des choix stratégiques en cohérence avec des valeurs et non par des intérêts personnels. Un homme politique sans morale, s’il peut prospérer temporairement, finit toujours par être rejeté par le peuple. La crédibilité en politique ne repose pas uniquement sur l’habileté à manœuvrer, mais aussi sur la constance et la fidélité à ses engagements.

L’exemple de Mohamed Béavogui, premier Premier ministre du président de la transition, illustre cette réalité. Son acceptation du poste relevait d’un choix stratégique. Travailler avec une junte militaire est souvent perçu comme une compromission, mais tant que ses valeurs étaient respectées, il est resté. Lorsqu’il a constaté une divergence profonde avec la trajectoire du pouvoir, il a préféré quitter le navire plutôt que de renier ses principes. Cet acte lui a valu une certaine crédibilité et un respect nouveau, renforçant son image auprès de l’opinion publique.

À l’opposé, d’autres figures politiques ont illustré le mépris de la morale en politique. Prenons le cas du Premier ministre actuel, Bah Oury. En 2009, il s’opposait farouchement à la candidature du capitaine Moussa Dadis Camara, dénonçait les dérives de la transition militaire et plaidait pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Ses prises de position lui conféraient une certaine crédibilité dans le paysage politique guinéen. Cependant, son retournement de veste est flagrant : lui qui critiquait les transitions militaires est aujourd’hui l’un des plus fervents défenseurs du régime du colonel Mamadi Doumbouya, allant jusqu’à soutenir une éventuelle candidature de ce dernier. Comment justifier une telle incohérence ?

En reniant ses valeurs démocratiques d’antan, Bah Oury s’est suicidé politiquement. Son choix, motivé par des intérêts personnels, l’a conduit à abandonner ses convictions. Il tente aujourd’hui d’expliquer que les réalités de 2009 et celles de 2025 sont différentes, mais cette rhétorique peine à convaincre. Son soutien à la junte actuelle, en totale contradiction avec ses anciens combats, expose les dérives d’un opportunisme politique qui détruit toute crédibilité.

Cette inconséquence alimente la méfiance des Guinéens envers leur classe politique. Le CNRD, conscient de cette défiance populaire, exploite cette situation à son avantage. Bah Oury s’est laissé piéger dans une dynamique qui l’affaiblit plus qu’elle ne le renforce.

Loin des clichés fatalistes, il est pourtant possible d’être un homme politique intègre, loyal à ses convictions tout en faisant preuve de pragmatisme. Un politicien sans intégrité finit toujours par perdre la confiance de son peuple. Oui, la politique repose sur des compromis, mais ces derniers ne doivent jamais être synonymes de reniement total de ses valeurs fondamentales.

En Guinée, plus que jamais, l’heure est à une nouvelle génération d’acteurs politiques capables de conjuguer stratégie et intégrité. Seule une classe politique crédible et moralement irréprochable pourra restaurer la confiance du peuple et ouvrir la voie à une véritable refondation démocratique.

Lansana Wagué

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