Pourquoi certains couples choisissent-ils de ne pas habiter ensemble ?


« Quand on se voit, c’est choisi et c’est une fête. Le fait de se marcher sur les pieds dans la salle de bains le matin ne m’a jamais semblé très constructif… », confiait l’animateur et producteur Thierry Ardisson, au micro du podcast « Dans le rétro », en mars 2022. L’homme de télévision, qui vit séparément de son épouse, la journaliste Audrey Crespo-Mara, déclarait alors voir la vie à deux comme « un tue-l’amour ». Et la distance physique comme la possibilité de « préserver un certain mystère… ».

Comme eux, de 7 % à 8 % des couples français font aujourd’hui le choix de ce mode de vie conjugal (selon l’Institut national d’études démographiques, 2019). On les appelle les « couples non cohabitants » ou « LAT », pour « living apart together  » (ensemble mais vivant séparément). À l’image de Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, ou de Françoise Hardy et Jacques Dutronc, en leur temps, ils préfèrent, à la vie à deux, la liberté de choisir quand se voir.

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Indépendance, refus de la routine, maintien de l’équilibre familial… Leur choix recouvre des réalités diverses : « Ces couples mettent généralement en avant l’importance qu’ils accordent à l’autonomie de chacun, leur volonté de “ne partager que le meilleur”, ou de ne pas perturber – s’il y en a – leurs enfants respectifs », précise Christophe Giraud, sociologue spécialiste du couple et professeur à l’Université Paris-Cité.

« C’est libre et sans contrainte ! On travaille tous les deux beaucoup, alors on se voit le week-end, pendant les vacances et généralement une fois dans la semaine, chaque fois que cela nous fait plaisir… », confie ainsi Véronique, 59 ans, psychothérapeute à Paris, en couple avec Jean-Louis, avocat de 67 ans.

Ce mode de vie, ils l’ont adopté il y a dix-huit ans, relate-t-elle. « À l’époque, nous étions divorcés, parents de cinq enfants (de 3 à 12 ans) et il craignait que changer d’arrondissement et d’école, en plus que d’imposer quelqu’un de nouveau dans leur vie, ne bouleversent leur équilibre… »

Une configuration que Véronique accueille, alors, bon gré mal gré. Avant d’y trouver, peu à peu, son intérêt : « Avec la maturité, j’ai appris à apprécier cette indépendance. Et je crois que s’il me proposait, aujourd’hui, de vivre ensemble, je lui dirais non ! »

La non-cohabitation en couple, un choix de « deuxième ou troisième vie »

De fait, environ la moitié des personnes séparées ou divorcées, ayant retrouvé un partenaire, sont en couple non cohabitant, souligne Christophe Giraud à l’évocation de cette histoire. Guidé par le souci de leurs familles respectives et/ou la quête d’une vie loin des contraintes inhérentes à une cohabitation déjà éprouvée, « c’est souvent un choix de “deuxième ou troisième vie” », observe-t-il.

Le profil de ces couples se démarque ainsi par l’âge des partenaires. Si les vingtenaires et jeunes trentenaires en représentent une part importante, c’est « moins par conviction que comme prélude à une vie commune ». Et leurs aînés demeurent, à terme, les plus séduits par ce mode de vie conjugal.

Il faut dire qu’« il exige une certaine flexibilité matérielle (habitations, charges, trajets…) et donc un certain niveau de vie », soulève Aurore Malet-Karas, docteure en neurosciences, sexologue et thérapeute de couple. Qui le rappelle : « Il était longtemps, jusqu’à la Révolution, un usage répandu de l’aristocratie, où madame et monsieur avaient chacun leur appartement. »

Des couples plus fragiles que la moyenne

Individualisme ou forme suprême du romantisme ? « Il y a sans doute un peu des deux… », concède Anne-Sophie, juriste de 45 ans et mère de deux ados, en couple avec Marc, chef d’entreprise du même âge, depuis sept ans. « On a, l’un et l’autre, besoin de nos moments de solitude. Mais je pense aussi qu’éviter de se retrouver autour des tâches domestiques aide à maintenir la flamme. »

« Plus qu’au temps passé ensemble, on privilégie sa qualité et le plaisir de se retrouver après plusieurs jours loin l’un de l’autre », résume ainsi la quadragénaire. « L’éloignement crée le désir… », abonde Véronique, dans un sourire. Mais « c’est aussi un bonheur, certains soirs, après une journée de travail, de tourner la clé dans la serrure de la porte en sachant qu’on va se retrouver seule », admet la Parisienne.

Dans cette configuration, parle-t-on encore de « couple », ou de « relation » ? « Le débat est ouvert mais c’est aux intéressés qu’il convient de répondre », soutient Christophe Giraud. De fait, poursuit-il, « l’enjeu de dénomination est celui de la définition et du futur de la relation ». Laquelle peut, parfois, cacher une peur de l’échec, de l’engagement, voire la frustration de l’un d’eux. Véronique, elle, n’en doute pas : « On traverse les aléas ensemble, main dans la main, depuis dix-huit ans… Nous sommes un couple ! »

Statistiquement, ces unions demeurent, toutefois, les plus fragiles, révèle l’Ined : 46 % des couples non cohabitants suivis durant l’enquête de l’institut (2019) étaient séparés trois ans plus tard – quand 94 % de ceux vivant sous le même toit étaient toujours ensemble. Un quart des couples vivant séparément choisissaient eux de s’installer à deux. « On va habiter ensemble, ça c’est le scoop ! » annonçait, ainsi, Thierry Ardisson sur le plateau de l’émission Quotidien, en décembre dernier.


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