« Poutine est en position de force », selon Jean-Dominique Merchet

Vladimir Poutine et Donald Trump ont annoncé qu’ils allaient « se parler » au sujet de de l’Ukraine. Invité de David Abiker dans la matinale de ce lundi, le journaliste et essayiste Jean-Dominique Merchet a livré son analyse d’une situation en forte évolution.  

Vladimir Poutine a appelé vendredi les soldats ukrainiens de la région de Koursk à déposer les armes. Est-ce qu’il a de bonnes raisons de s’estimer en position de force ?

Oui, il est en position de force. D’abord d’un point de vue militaire, parce que son armée est effectivement en train de reprendre la région de Koursk, que les Ukrainiens avaient réussi à conquérir en août dernier.

Il est aussi en position de force politique, puisque Donald Trump veut absolument trouver un accord pour terminer cette guerre. Le président américain a changé les paramètres du débat. Jusqu’à présent, c’était « est-ce que vous êtes pour ou contre l’Ukraine ? Pour ou contre la Russie ? »

Cette fois-ci le débat se pose de manière différente : « est ce que vous êtes pour la paix ou pour la poursuite de la guerre ? ». C’est un grand point qu’a marqué Donald Trump.

Le président américain et son homologue russe vont se parler. Les questions militaires et stratégiques seront-elles forcément au menu de la discussion ? 

Oui, bien sûr, mais peut-être encore plus que cela. Le projet de Vladimir Poutine est de parler d’égal à égal avec Donald Trump et surtout les États-Unis. Ils vont sans doute parler d’abord et avant tout de l’Ukraine, mais pas seulement.

Les doléances de Poutine

Les Russes rêvent d’être de nouveau l’un des deux grands. Les discussions pourraient peut-être porter sur l’économie, sur des crises régionales, sur l’Iran, ou la Chine. En tous cas, c’est le début d’un processus. Quelque chose est en train de s’engager, même si on ne sait pas jusqu’où ça ira.

Est ce que Poutine a un cahier de doléances, notamment militaire ? Il n’est pas question pour lui que l’Ukraine entre dans l’OTAN. Est-ce qu’il va parler de désarmement, de démilitariser la frontière entre l’Ukraine et la Russie ?

Les projets de Vladimir Poutine sont toujours les mêmes, il n’en a pas changé pour l’instant. Effectivement, la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN a été réglée par les Américains avant même l’élection de Trump. Ils disent non, tout comme les Allemands.

La question qui se posera sera celle de la démilitarisation de l’Ukraine. Kiev ne veut pas se démilitariser, car elle sait que si les combats s’arrêtent, ce ne sera pas la paix, mais une paix armée. Le pays devra continuer à se protéger contre d’éventuelles agressions russes.

Quel avenir pour Zelensky ?

La principale interrogation est celle-ci : « est-ce que l’Ukraine reste un pays militarisé avec une armée forte, soutenue par les Occidentaux ou pas ? ». Les Russes font pression pour que ce soit le plus démilitarisé possible, et les Occidentaux – notamment les Européens – voudraient conserver une Ukraine militarisée, voire avec des troupes européennes en Ukraine.

L’autre question, c’est celle de l’avenir personnel de Volodymyr Zelensky, le président ukrainien. Les Russes ne le reconnaissent pas, disent il n’a pas été réélu et les Américains sont un peu aussi sur cette ligne.

Ce week-end, Emmanuel Macron a encore évoqué la possibilité d’envoyer des troupes de maintien de la paix. Pourquoi s’accroche-t-il à cette idée d’envoyer des troupes sur place ?  

Le but de la France et des Européens est d’être autour de la table, de pouvoir participer, ne serait-ce que sur un strapontin. Parce que pour l’instant les Européens n’ont pas du tout participé aux discussions, ni à Riyad, ni à Djeddah ou Istanbul.

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Ils ne seront pas demain dans la discussion entre les Américains et les Russes. C’est ce qui explique ces propositions qui vont un peu dans tous les sens. Pour l’instant, ça ne débouche pas, mais c’est une manière de rester présent.