Préserver la culture immatérielle dans une région du Cameroun

Un projet mené par le professeur du Département d’informatique Roger Nkambou figure parmi les six projets de recherche collaboratifs soutenus financièrement par le Fonds de recherche du Québec (FRQ) et l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) dans le cadre du concours sur les savoirs traditionnels.

Son projet, intitulé «L’intelligence artificielle et la réhabilitation d’un savoir traditionnel de culture immatérielle: cas des Ndab du sud-est bamiléké au Cameroun», sera réalisé en collaboration avec Edith Belisle Kenmogne, professeure à l’Université de Dschang, au Cameroun.

Ce financement fait suite à un appel de propositions diffusé en mai 2024, dont l’objectif principal était d’accroître la collaboration entre les communautés scientifiques du Québec et de la Francophonie pour favoriser la réalisation de projets de recherche sur les impacts des savoirs traditionnels.

Les savoirs traditionnels de la culture immatérielle

Au pays bamiléké, une région dans l’Ouest du Cameroun, des savoirs traditionnels très anciens issus de la culture matérielle locale sont aujourd’hui en sursis, souligne Roger Nkambou. «Sérieusement menacés de relégation, voire de disparition par le désintérêt collectif, par la faible demande du secteur marchand et le rétrécissement démographique frappant les métiers de l’artisanat villageois, ces savoirs traditionnels s’éteignent peu à peu.»

Dans les anciens foyers où ces savoirs étaient fabriqués, plusieurs spécialités de la culture matérielle – poterie, forge, sculpture sur bois, vigne, etc. – ne subsistent plus que dans les mémoires, illustre-t-il. «Les artisans sont désormais incapables d’assurer la transmission intergénérationnelle des savoirs hérités, leurs descendants étant happés par l’exode rural ou d’autres métiers urbains, lorsqu’ils ne sont pas rejoints  sur les sites mêmes de leurs villages par des objets connectés issus d’autres cultures matérielles, qui les raccordent à des univers importés.»

Paradoxalement, au pays bamiléké et dans les milieux diasporiques, plusieurs savoirs traditionnels relevant de la «culture immatérielle» résistent à cette crise de la culture matérielle. «Les savoirs traditionnels immatériels – langues, musique, éthique et mots d’adresse, etc. – sont très souvent forgés par des communautés aux prises avec des conjonctures historiques spécifiques, pour exprimer une culture  locale ou en contrer une autre, dominante ou rampante», explique le chercheur.

La recherche que Roger Nkambou compte réaliser avec sa collègue de l’Université de Dschang repose sur le postulat suivant: ces réalités et ces produits immatériels sont des gisements de savoirs traditionnels susceptibles d’être explicités et étudiés par la recherche ethnographique.

«Notre recherche a pour ambition de dresser un inventaire des significations d’un savoir traditionnel immatériel précis, de collecter et de catégoriser des données ethnographiques afférentes, de façon à en faire l’objet d’une modélisation informatique par l’IA, explique le professeur. L’enjeu est de répertorier les sens sociaux et techniques de cette culture immatérielle, pour les stabiliser et les préserver au-delà du temps immédiat.»

Avec cette étude interdisciplinaire qui mobilise l’ethnographie et la recherche en IA, les communautés d’usagers de ces savoirs traditionnels et les chercheurs spécialisés auront un regain d’intérêt pour la richesse de la culture immatérielle du pays bamiléké, espère Roger Nkambou.

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