Oligui Nguema : Métamorphose militaro-civile
L’itinéraire politique de Brice Clotaire Oligui Nguema, transfiguré de commandant militaire en prétendant civil à la magistrature suprême, suscite une perplexité légitime quant à l’authenticité de la transition démocratique gabonaise. Tandis que sa rhétorique esquisse un « nouveau Gabon » aux contours idylliques, l’examen méticuleux de ses actes révèle une dichotomie flagrante entre discours et pratique.
Le plébiscite référendaire de 2023, ratifié par une proportion quasi-soviétique de 91,64 % des suffrages, est présenté comme le parangon d’une renaissance démocratique. Néanmoins, cette statistique pharaonique évoque davantage l’héritage autoritaire « Bongoïste » qu’une véritable consultation populaire. « Nous avons restauré la voix du peuple« , clame-t-il, alors même que la centralisation décisionnelle post-putsch contredit frontalement ses promesses participatives. Les dialogues citoyens, bien qu’ostensiblement célébrés, pâtissent d’une opacité chronique, leurs conclusions subissant une alchimie administrative qui les dénature avant publication officielle. Le citoyen gabonais se retrouve ainsi confronté à un abîme vertigineux entre les engagements solennels et leur traduction législative exsangue.
L’assertion selon laquelle ce changement s’est opéré « sans effusion de sang » constitue un euphémisme dissimulant mal la nature coercitive de cette transition. L’événement du 30 août 2023 a certes mis un terme à la dynastie Bongo, mais a simultanément inauguré l’hégémonie militaire sur la sphère politique. « Notre légitimité vient du peuple« , affirme Oligui Nguema, tandis que le scrutin anticipé de 2025 semble orchestré pour sanctifier un pouvoir issu d’un pronunciamiento plutôt que pour incarner un retour aux principes constitutionnels.
La réhabilitation des institutions républicaines – chambre haute, chambre basse, législation partisane – s’apparente davantage à une manœuvre de façade qu’à une volonté authentique de revitaliser l’édifice démocratique. « Nous rebâtissons les fondations institutionnelles« , proclame-t-il, mais sans l’instauration de contre-pouvoirs véritablement autonomes, ces réaménagements risquent de perpétuer les dysfonctionnements endémiques qui ont débilité la république gabonaise durant plusieurs décennies.
Décentralisation
« L’autonomie locale est notre priorité absolue« , martèle Oligui Nguema. Toutefois, sa conception décentralisatrice demeure nébuleuse et lacunaire. L’allocation de 5 % d’une enveloppe hypothétique de 2000 milliards aux entités territoriales paraît arbitraire et dérisoire face aux besoins colossaux des provinces. « Nous redistribuerons équitablement les richesses nationales« , assène-t-il. Cette promesse, dépourvue de mécanismes probants de vérification, risque de se volatiliser dans les brumes de la réalité administrative.
Les instances indépendantes censées superviser les financements locaux, quoique conceptuellement séduisantes, souffrent d’une absence criante de garanties quant à leur imperméabilité vis-à-vis du pouvoir exécutif. « Chaque franc dépensé sera minutieusement justifié« , assure-t-il avec aplomb. Pourtant, les précédents historiques, notamment les célébrations itinérantes sous l’ère bongoïste, démontrent que la prévarication et le détournement pécuniaire constituent des périls obstinément présents.
La formation d’administrateurs territoriaux compétents nécessiterait des investissements considérables en matière d’éducation et d’infrastructures, étrangement absents de ses allocutions. « Nous bâtirons des compétences locales inégalées », proclame-t-il. Néanmoins, sans une distribution équitable des dividendes générés par l’exploitation des ressources naturelles, la décentralisation risque d’exacerber inexorablement les disparités entre zones métropolitaines et contrées rurales.
Nonobstant le renversement du 30 août 2023 et les serments de restaurer la dignité populaire, les prestations familiales stagnent à 7 000 FCFA mensuels par enfant, indépendamment de la progéniture (5 000 FCFA pour les foyers catégorisés « Gabonais économiquement faible »). « Nous placerons les familles au cœur de notre projet », déclare-t-il, mais l’équité sociale demeure, à ce jour, une chimère lointaine.
Économie
« Nous allons diversifier l’économie avec ambition« , annonce emphatiquement Oligui Nguema. Cependant, cette proclamation dissimule une réalité plus alarmante. L’exploitation des gisements miniers et le développement agraire, bien que potentiellement fructueux, requièrent des capitaux colossaux et une expertise technique dont le Gabon est actuellement dépourvu.
L’acquisition d’entités telles qu’Assala Energy, présentée comme une reprise en main stratégique, masque difficilement la dépendance chronique aux hydrocarbures. « Nous renforçons notre souveraineté économique de façon inédite« , prétend-il. Toutefois, l’absence de transparence concernant les partenaires financiers suscite davantage de méfiance que d’optimisme quant à la viabilité de ces initiatives.
Les allocations budgétaires – 20 milliards pour l’entrepreneuriat émergent et cinq milliards pour le secteur agricole – s’avèrent manifestement insuffisantes pour générer les 160 000 emplois promis. « Nous mettons les jeunes et leur créativité au cœur de notre vision nationale« , claironne-t-il. Néanmoins, la numérisation administrative, quoique pertinente, ne saurait résoudre les défaillances structurelles héritées des administrations antérieures. « Notre révolution numérique transformera l’État« , affirme-t-il, mais sans éradication systématique de la corruption, ces initiatives demeurent vaines.
Infrastructures modernes
« Nous construirons un Gabon moderne et rayonnant« , s’engage solennellement Oligui Nguema. Ses projets titanesques semblent toutefois déracinés des préoccupations quotidiennes des citoyens. L’édification de centrales thermiques et du barrage hydroélectrique de Boué, quoiqu’attrayante conceptuellement, souffre d’une indigence manifeste en matière de spécifications techniques et financières.
Sur le front hydraulique, le partenariat public-privé de 200 millions d’euros paraît audacieux, mais nébuleux. « Nous assurerons l’accès universel à l’eau potable », promet-il avec assurance. Les modalités précises de cette entreprise demeurent cependant opaques, alimentant les conjectures quant à sa faisabilité. « Notre plan hydraulique révolutionnera l’accès aux ressources vitales« , déclare-t-il, tandis que la construction annoncée de 3 000 salles de classe illustre une approche réductrice face aux défis éducatifs polymorphes.
La disjonction des services hydriques et électriques, quoique théoriquement judicieuse, pourrait engendrer des inefficiences additionnelles en l’absence d’une refonte globale de l’administration publique. « Nous optimiserons les performances des services essentiels », soutient-il. Les estimations arrondies et simplistes qui émaillent ces déclarations trahissent néanmoins une légèreté préoccupante dans la planification stratégique nationale.
Gouvernance
« Nous instaurerons une gouvernance transparente et irréprochable« , proclame Oligui Nguema. Cette ambition demeure cependant vaporeuse et dépourvue de substance. La refonte du code pénal et l’établissement d’un organisme autonome de contrôle budgétaire restent des velléités imprécises, dénuées de chronogramme rigoureux et de dispositifs de surveillance.
L’auto-certification d’intégrité d’Oligui Nguema, fondée sur l’allégation d’un remboursement de 2485 milliards de dettes en 19 mois, soulève légitimement des interrogations. « Nous avons prouvé notre sérieux et notre engagement financier« , affirme-t-il péremptoirement. Les circonstances exactes de cette transaction et l’identité des créanciers demeurent toutefois nébuleuses, nourrissant les hypothèses quant à la provenance des capitaux mobilisés.
Ce programme politique, nonobstant son apparente audace, peine à convaincre par son irréalisme patent et son manque flagrant de transparence. « Notre vision transformera définitivement le Gabon« , conclut-il, mais l’édification d’un État gabonais moderne et équitable nécessitera davantage que des formules grandiloquentes – elle exigera des réformes structurelles profondes et véritablement inclusives.
Par Anne-Marie DWORACZEK-BENDOME| Journaliste indépendante | 10 avril 2025
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