Pris pour cible par les gangs et confrontés à une chute de leurs revenus, les médias haïtiens se battent pour exister et informer

Selon l’UNESCO, les attaques répétées contre les médias du pays par les bandes armées qui contrôlent la quasi totalité de Port-au-Prince, ont pour objectif d’intimider les journalistes et de semer le chaos.

La semaine dernière, les locaux de trois médias haïtiens ont été attaqués et pillés par des gangs armés. Selon l’ONU, il s’agit d’un « changement de tactique de la part des gangs afin d’isoler la population ».

Car, ces attaques impactent directement la façon dont les journalistes effectuent leur travail et la manière dont ils fournissent des informations aux Haïtiens sur la crise qui sévit dans le pays.

En décembre 2024, deux journalistes ont été tués lors d’une fusillade provoquée par des gangs alors qu’ils couvraient la réouverture d’un hôpital dans le centre-ville de Port-au-Prince.

Pour Frantz Duval, rédacteur en chef du journal Le Nouvelliste, interrogé par ONU Info, la presse est depuis longtemps prise pour cible. Les locaux du journal ont d’ailleurs été vandalisés, il y a un an, les archives détruites, rappelle le professionnel.

Tout cela fait partie de la prise de contrôle totale de la capitale haïtienne par des bandes armées, qui a touché toutes les institutions ainsi que les particuliers.

Frantz Duval, rédacteur en chef du journal Le Nouvelliste

Frantz Duval insiste sur la gravité de la situation actuelle. Durant son Histoire, Haïti a connu des heures sombres, mais « c‘est la première fois que nous subissons une crise de cette ampleur. Il y a eu par le passé des situations politiques difficiles qui ont perturbé la publication, mais seulement pendant une semaine ou deux. Même lorsque nous avons été frappés par le tremblement de terre de 2010, nous avons repris la publication quelques mois plus tard » explique-t-il.

La plupart des zones de Port-au-Prince sont dangereuses. Il est donc plus périlleux pour les journalistes de se rendre sur le terrain. En conséquence, il y a moins de photos, moins d’images, moins de reportages. 

Dans la capitale, les conditions de travail dangereuses vont de pair avec les difficultés pour les patrons de presse d’obtenir des revenus pour subsister. La plupart fonctionnent grâce à la publicité « qui a été réduite à peau de chagrin parce qu’il n’y a pratiquement pas d’entreprises qui marchent assez bien pour pouvoir faire de la publicité » expose le rédacteur en chef du Nouvelliste.

Pour faire tourner ses organes de presse, Hervé LeRouge, PDG du journal Le National et de Radio Télé Pacific compte sur ses autres entreprises. Seul moyen de subsister, a-t-il confié à ONU Info.

51 personnes travaillent pour ma chaîne de télévision et mon journal, et les recettes ne couvrent même pas les salaires. Mes autres entreprises me permettent de payer leurs salaires et je ne veux pas les laisser partir parce qu’il n’y a pas de travail pour eux ailleurs en ce moment. De plus, je considère cette carrière comme un service social pour la communauté.

Hervé LeRouge, PDG du journal Le National et de Radio Télé Pacific

Tous les deux s’accordent sur la nécessité, pour la population, d’être informés et d’avoir des nouvelles fiables. 

L’UNESCO travaille de concert avec le ministère de la Communication pour restructurer le radiodiffuseur public (Radio Télévision Nationale d’Haïti), en fournissant des formations et de nouveaux équipements, a annoncé l’ONU. 

Il est important que le pays ait accès à une information de qualité, précise Eric Voli Bi, chef du bureau de l’UNESCO en Haïti.

L’accès à des informations fiables peut être une question de vie ou de mort. Elles peuvent aider les gens à identifier les zones de sécurité, à éviter les dangers et à prendre les bonnes décisions pour se protéger et protéger leurs familles.

Eric Voli Bi, chef du bureau de l’UNESCO en Haïti

L’année dernière, le Comité pour la protection des journalistes a classé Haïti parmi les pays condamnant peu les meurtres de journalistes. Au moins sept homicides restent non résolus depuis 2019.

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