Enjambant plusieurs aspects, certains délégués au Dialogue national inclusif (DNI) ont indiqué deux orientations : «un régime plus présidentiel» et, une «séparation rigide pouvoirs». Le Comité constitutionnel national ne pourra faire l’économie d’un débat de fond.
Durant le Dialogue national inclusif (DNI), certains délégués se sont prononcés sur la prochaine Constitution. Se présentant en relais des contributeurs, ils ont indiqué deux orientations : «un régime plus présidentiel que ce que nous avons connu jusque-là» et, une «séparation rigide des pouvoirs». N’empêche, ils ont enjambé plusieurs aspects, notamment les modes de désignation des responsables d’institutions, leurs compétences respectives et, les relations entre les différents pouvoirs. Le Comité constitutionnel national étant désormais au travail, ces questions prennent plus de résonance, semant le doute sur les intentions de la sous-commission «Régime et institutions politiques» : en les éludant, elle n’a pas fait le choix d’un type de régime précis. Comme si elle avait une idée derrière la tête, elle s’est contentée d’un effet d’annonce.
Concevoir un système endogène de poids et contrepoids
Tout en prenant acte de certaines suggestions, on doit le rappeler : depuis au moins 1964, année de la publication de l’essai de François Mitterrand, «Le Coup d’État permanent», le régime semi-présidentiel est critiqué, présenté comme déséquilibré. De l’avis général, il accorde trop de pouvoirs et aucune responsabilité au président de la République, décrit comme un «monarque républicain». Or, s’inspirant de la Constitution française de 1958, notre pays vit, depuis 1991, sous un régime semi-présidentiel. Pis, au fil des révisions constitutionnelles, le Premier ministre a été dépouillé de tout pouvoir. Entre janvier 2018 et août 2023, l’exécutif gabonais n’était plus dyarchique, le président de la République étant le «détenteur suprême du pouvoir exécutif «. Dès lors, on peine à comprendre cette requête d’un «exécutif pleinement assumé par le président de la République».
De quels pouvoirs supplémentaires les membres de la sous-commission «Régime et institutions politiques» voulaient-ils doter le président de la République ? Que voulaient-ils corriger ? Le déséquilibre unanimement constaté et dénoncé ? À quoi voulaient-ils mettre fin ? À l’hyperpuissance du président de la République ou à sa mainmise sur les autres institutions ? Que recherchaient-ils ? La garantie d’une réelle séparation des pouvoirs ? Ou la clarification des rôles et responsabilités ? Sur ces questions, leur réflexion semble être restée au milieu du gué : non seulement, ils n’ont rien dit du statut juridictionnel du président de la République, mais en plus, ils se sont montrés peu diserts sur sa collaboration avec les autres institutions, éludant le débat sur la dissolution parlementaire. Or, il ne faut ni assujettir les institutions à l’une d’entre elles, ni établir des cloisons étanches. Il faut plutôt concevoir un système endogène de poids et contrepoids. Dans le respect de notre histoire, de notre culture et de nos attentes, il faut établir des institutions s’équilibrant les unes les autres.
Nulle rigidité dans le système américain
Des délégués ont parlé d’en finir avec un prétendu flou au sein de l’exécutif. D’autres ont glosé sur la nécessité d’établir un «président fort». Mais, il faut aller se garder d’instiller la confusion : en régime semi-présidentiel, la concordance majoritaire est la règle, la cohabitation l’exception. Dans le premier cas, le président de la République assume pleinement le pouvoir exécutif, le Premier ministre jouant un rôle de bouclier voire de fusible. Dans le second, le président de la République s’efface mais conserve d’importants pouvoirs, notamment celui de promulguer les lois ou d’orienter les politiques en matière de défense et de relations internationales. Pourquoi la sous-commission «Régime et institutions politiques» a-t-elle fondé son raisonnement sur l’exception et pas sur la règle ? Pourquoi a-t-elle fait fi de notre histoire récente, marquée par des dérives nées de la concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul homme ? Pour mieux vendre son idée de passage au régime présidentiel ?
Contrairement à une idée reçue, le régime présidentiel ne consacre pas l’impérium du président de la République. Quant à la «séparation rigide des pouvoirs», elle est trop souvent galvaudée. Dans la réalité, elle oblige les différents pouvoirs à une collaboration permanente afin de ne pas se neutraliser ou de ne pas créer de blocage. À l’analyse, il n’y a nulle rigidité dans le système américain, chaque pouvoir ayant la capacité de faire intrusion dans le champ d’action des autres ou de se défendre contre d’éventuelles immixtions. D’où les incessantes négociations entre le président des Etats-Unis et le Parlement. D’où aussi la place particulière de la justice, arbitre du jeu institutionnel. Les délégués y ont-ils seulement songé ? Dans tous les cas, le Comité constitutionnel national ne pourra faire l’économie de ce débat de fond.
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