Effacer les traces du passé colonial pour affirmer une souveraineté pleine et entière : tel est le cap assumé par le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye. Début avril, le chef de l’État a annoncé, via un communiqué officiel, le changement de nom du boulevard Charles de Gaulle à Dakar, qui portera désormais celui de Mamadou Dia, figure majeure de l’indépendance.
Ce boulevard, lieu central du défilé de la fête nationale, mène à l’obélisque géant symbolisant la libération du pays. La décision, entérinée lors de la célébration du 4 avril, s’inscrit dans une volonté plus large de rebaptiser édifices, rues et monuments hérités de la colonisation, au profit de héros nationaux ou africains. Mamadou Dia (1910-2009), premier chef de gouvernement du Sénégal indépendant, est considéré comme un pilier du nationalisme souverainiste sénégalais. Il fut emprisonné à vie en 1963 après une rupture avec Senghor, avant d’être gracié en 1974.
L’initiative sénégalaise a trouvé un écho particulier dans la presse française, notamment dans les colonnes du Figaro, qui a relayé l’information. Si l’article en lui-même se veut factuel, la section des commentaires, elle, est devenue un déversoir de propos racistes et condescendants à l’égard du Sénégal et, plus largement, des peuples africains. Le plus préoccupant n’est pas seulement la teneur de ces commentaires, mais le fait qu’ils aient été publiés sans modération visible, ce qui interroge sur la responsabilité du journal dans la propagation de discours de haine.
Parmi les réactions relevées, un certain Jlacan écrit : « Comme ces gens-là nous détestent ! », illustrant une logique de victimisation inversée. Lou Clapas, lui, attaque frontalement : « Résolument incapables de se gérer depuis leur indépendance, tous ces pays africains sont l’illustration de l’incurie de leurs dirigeants corrompus dont la seule façon de se mettre en valeur auprès de leurs populations à moitié analphabètes est de débaptiser une rue ou une avenue rappelant la colonisation. »
D’autres, comme Darkface, basculent dans un racisme quasi-déclaré : « Je leur suggère la Russie ou la Chine ! » à propos des migrants sénégalais. Des anonymes vont encore plus loin : « Qu’ils retournent à la préhistoire », « Il faudrait aussi qu’ils arrêtent de parler notre langue », « Cette couleur est bizarre… ».
Un commentaire lie même cette affaire à la polémique autour du joueur Idrissa Gana Gueye, accusant le Sénégal de défendre une religion « homophobe » et concluant : « Nous avons raison d’éloigner les noms de nos illustres compatriotes défunts de ce pays africain aux mentalités rétrogrades ».
Ces propos, qui n’ont pas été filtrés, témoignent d’une hostilité persistante envers toute volonté de réappropriation post-coloniale. Ils montrent aussi à quel point certaines franges de l’opinion publique française perçoivent toujours l’Afrique à travers un prisme paternaliste, voire raciste, dès lors qu’elle affirme sa souveraineté.
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