Que cache l’offensive diplomatique de l’Amérique du sud en Chine ?

Le cas le plus emblématique de cet intense ballet diplomatique sud-américain en Chine demeure celui de l’Argentine, dont le président ultralibéral Javier Milei n’a jamais caché son alignement total et sans équivoque avec les Etats-Unis. Cette profession de foi pro-américaine n’a pas empêché sa ministre des Affaires étrangères, Diana Mondino, sur la photo avec Le vice-président chinois, Han Zheng, à avoir un agenda intense à Pékin

Par Rachid MAMOUNI – (MAP – Pole Amérique du sud)

Buenos Aires – Fait inédit en ce début de semaine dans les sphères diplomatiques d’Amérique du sud : les ministres des Affaires étrangères de trois pays du sous-continent américain ont entamé, à quelques heures d’intervalle, des visites en Chine pour « consolider les relations bilatérales » et « renforcer les mécanismes de dialogue » avec le géant asiatique.

Le séjour concomitant à Pékin des ministres des Affaires étrangères d’Argentine, du Pérou et de la Bolivie n’est pas passé inaperçu dans les médias de la région et aux yeux des observateurs politiques.

Il est vrai que chacun de ces trois pays entretient des relations différenciées avec la Chine, mais il n’en est pas moins vrai que les échanges économiques et commerciaux de ces trois pays, et de toute l’Amérique du sud, avec la Chine sont en plein essor.

Toutefois, le cas le plus emblématique de cet intense ballet diplomatique sud-américain en Chine demeure celui de l’Argentine, dont le président ultralibéral Javier Milei n’a jamais caché son alignement total et sans équivoque avec les Etats-Unis.

Cette profession de foi pro-américaine n’a pas empêché sa ministre des Affaires étrangères, Diana Mondino, à avoir un agenda intense à Pékin, notamment des rencontres officielles avec le vice-président chinois et le président du parlement populaire de Chine.

Un communiqué de son département affirme sans ambages que les deux pays poursuivent le même objectif : « augmenter les opportunités de commerce et d’investissements réciproques ».

La même source fait savoir que Mondino a pris le temps d’exposer la portée des réformes promues par le nouveau gouvernement argentin et d’exprimer l’intérêt de son pays à développer la coopération dans les domaines des investissements, de l’énergie et des infrastructures, entre autres.

Le volet économique du séjour de Mondiano en Chine ne laisse aucun doute sur son objectif. Ses rencontres aux ministères des finances et du commerce et à la Banque centrale de Chine visent à drainer davantage d’investissements chinois à la faveur du climat propice aux affaires que l’Argentine met en place depuis l’investiture de Milei en décembre dernier.

Les chiffres étant têtus, l’Argentine semble être consciente de l’étendue et de la profondeur des échanges commerciaux entre les deux pays : la Chine est le deuxième pays d’origine de ses importations et la troisième destination de ses exportations, un statut qui devrait se renforcer après les mesures de « dérégulation » économique impulsées par le gouvernement Milei.

Le ministre péruvien des Affaires étrangères, Javier González-Olaechea, est marché le même jour sur les pas de Mondino à Pekin, en rencontrant séparément le vice-président et son homologue chinois.

Les deux parties ont mis l’accent sur « le renforcement des relations bilatérales à travers la coopération et l’intensification des investissements », selon la presse péruvienne.

Le diplomate péruvien a transmis à ses hôtes les expectatives de son pays en relation avec la visite du président chinois à Lima en novembre prochain, dans le cadre du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC). A cette occasion, la Chine passera le témoin de la présidence de l’APEC au Pérou.

Les deux parties ont évoqué une « feuille de route » conjointe avec des mécanismes de coordination et de coopération dans les domaines commercial, agricole, scientifique, technologique, énergétique, minier, d’intelligence artificielle et de télémédecine, entre autres.

Les deux pays sont liés depuis 2016 par un « partenariat stratégique global » qui touche à tous les domaines de coopération.

Le troisième haut responsable sud-américain à séjourner en ce début de semaine à Pékin est la ministre bolivienne des Affaires étrangères, Celinda Sosa Lunda, dont le pays considère la Chine comme « un partenaire stratégique important ».

Selon le compte rendu de la réunion de Luanda avec son homologue chinois Wang Yi, les deux pays s’engagent à « promouvoir la coopération bilatérale et la coordination multilatérale ».

La presse bolivienne rapporte que la Chine voudrait mettre à profit le 40e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques sino-boliviennes, qui sera célébré l’année prochaine, pour « porter le partenariat stratégique entre les deux pays à un niveau supérieur ».

Vues depuis Pékin, les visites simultanées des chefs de la diplomatie de trois pays d’Amérique du sud ne manqueront pas de « donner un nouvel élan » aux relations entre la Chine et cette région, théâtre d’un affrontement sourd entre le géant asiatique et les Etats-Unis.

S’il y a un domaine dans lequel ce « nouvel élan » sera déployé de manière évidente, c’est celui du lithium. De grandes compagnies chinoises ont multiplié les acquisitions de vastes gisements dans le triangle du lithium que partagent l’Argentine, la Bolivie et le Chili.

La stratégie de communication groupée adoptée par la Chine à l’égard de ces visites met l’accent sur la « croissance constante » des relations bilatérales avec ces pays et la « confiance » qui règne avec eux.

Le non-dit dans cette stratégie va au-delà des discours de circonstance et des mots enveloppés dans le velours de la diplomatie. Il signifie à qui de droit que grâce à son soft power économique, la Chine est bien présente en Amérique du sud et elle a bien l’intention d’y rester.

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