Le Premier ministre, Raymond Ndong Sima, serait au cœur d’une tempête qui pourrait bien emporter son poste. Ses récentes déclarations, en contradiction flagrante avec la ligne du président de la transition Oligui Nguema, ont mis le feu aux poudres. Entre divergences idéologiques et luttes de pouvoir, le sort du gouvernement de transition semble suspendu à un fil, laissant planer l’ombre d’un remaniement imminent. Ce que Ndong Sima a dit de fâcheux.
Vraisemblablement dans les coulisses du pouvoir au Gabon se trame silencieusement un remaniement gouvernement. Raymond Ndong Sima, Premier ministre de la transition, parait dangereusement proche de la sortie, du moins selon ce qui se dit dans les salons feutrés de Libreville.
Au cœur de la crise en couveuse un profond désaccord entre le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, et son Premier ministre. Le 12 juillet 2024, lors de sa tournée dans la Nyanga, Oligui Nguema a lancé un avertissement à peine voilé : «si on a des points de vue divergents, il faut prendre votre route», autrement dit les concernés doivent quitter leur poste. Cette déclaration, qui résonne comme le célèbre ultimatum de Brice Laccruche «Celui qui boude, il bouge», semble directement viser Ndong Sima, de l’avis de nombreux observateurs.
Le point de non-retour : une interview vérité
Il serait reproché à Ndong Sima, entre autres, d’avoir jeté un véritable pavé dans la mare de la transition gabonaise, dans une interview à Jeune Afrique le 26 juin dernier. Ndong Sima y a, en effet, exprimé des positions en contradiction flagrante avec la ligne officielle du régime, notamment sur les résolutions du Dialogue national inclusif d’avril 2024.
Concernant la suspension des partis politiques et l’inéligibilité des cadres du Parti démocratique gabonais (PDG), Ndong Sima s’est montré particulièrement critique : «Cela relève de la démagogie. Je ne suis pas favorable à ce qu’on fasse sortir, sur un mode grossier, les gens du champ politique.» Et d’ajouter, non sans une certaine audace : «D’ailleurs, peut-on se dire démocrate quand on tente d’empêcher les autres de défendre des positions différentes ?»
Amené à se prononcer sur la question épineuse d’une Commission vérité, justice, réconciliation, le Premier ministre a adopté une position nuancée, mais potentiellement dérangeante pour le pouvoir en place : «Je constate qu’un débat porte sur ces questions complexes et crée un climat anxiogène, avec des revendications mémorielles et financières. Dans mon engagement en politique, j’ai fait le choix de défendre les principes et les valeurs. Donc oui, un peuple qui veut se régénérer par le haut doit se poser la question de son passé. Mais le temps de la transition est-il indiqué pour faire ce travail ?» Une hésitation pouvant être interprétée comme un manque de soutien aux initiatives du gouvernement.
Mais c’est peut-être sur la question de l’âge limite pour les candidats à la présidence que Ndong Sima s’est montré le plus incisif. Question sur laquelle Oligui Nguema a lancé, entre autres, une pique à Bilie-By-Nze à Tchibanga. Interrogé sur la pertinence d’écarter les candidats de 70 ans et plus, Ndong Sima, citant l’exemple de Nelson Mandela, a répondu sans ambages : «Rien ne me paraît plus démagogique que de poser le problème de cette façon. Je considère cela comme des billevesées car, dans la vie publique, qu’importe le pays, l’âge n’a aucune importance décisive. L’âge ne détermine ni la compétence, ni les capacités, ni la valeur en politique. À la limite, il peut même être un facteur de bonification quand il est avancé, dans certaines circonstances.» Une déclaration d’autant plus significative que Ndong Sima aura lui-même 70 ans en janvier prochain.
Ces prises de position, en contradiction flagrante avec la ligne officielle, s’ajoutent à un désaccord fondamental sur la durée de la transition. Alors qu’Oligui Nguema semble envisager une période plus longue, Ndong Sima a régulièrement insisté pour que celle-ci se limite aux deux ans initialement annoncés après le coup d’État.
Un remaniement inévitable ?
La presse gabonaise s’est largement fait l’écho de ces tensions. Des titres tels que «Raymond Ndong Sima se fait remonter les bretelles» (La Cigale Enchantée), «Ndong Sima sur une chaise éjectable ?» (Le Mbandja) ou «Qui sera le prochain Premier ministre ?» (Mibana) illustrent l’ampleur de la crise qui couve au sommet de l’État.
La situation est en tout cas délétère et elle révèle une fissure grandissante au sein de l’exécutif. Oligui Nguema, soucieux d’affirmer son autorité et de maintenir une image d’unité, pourrait être tenté de procéder à un remaniement. Un tel acte lui permettrait de s’entourer d’une équipe plus en phase avec sa vision de la transition gabonaise. Cependant, l’éviction de Ndong Sima, si elle venait à se concrétiser, ne serait pas sans risque. Elle pourrait être perçue comme un signe d’autoritarisme et fragiliser la légitimité d’un régime de transition quelque peu controversé sur la scène internationale et déjà critiqué dans l’opinion gabonaise.
Il apparaît cependant que Ndong Sima avait anticipé depuis longtemps la possibilité d’un tel développement politique. Lors d’une réunion avec les ressortissants de sa province à Libreville, juste avant la visite du chef de l’État dans le Woleu-Ntem, il avait, selon le journal Le Mbandja, lancé un message révélateur de son état d’esprit : «Maintenant, si vous voulez me virer, virez-moi. Certainement que vous m’aurez rendu service». Le sort de Raymond Ndong Sima semble, en tout état de cause, suspendu à un fil. Son maintien ou son éviction sera révélateur de la nature profonde de cette transition gabonaise. Entre volonté de dialogue et tentation autoritaire, le Gabon se trouve à la croisée des chemins.
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