Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo (S/2024/432) – Democratic Republic of the Congo
Résumé
Les conditions de sécurité et la situation humanitaire qui règnent dans l’est de la République démocratique du Congo, toujours en proie à une violence intense, ont continué de se détériorer. Les tensions régionales ont exacerbé le conflit et les combats dans les trois provinces orientales. Dans l’ouest de la République démocratique du Congo, le conflit larvé à Maï-Ndombe s’est poursuivi.
Au Nord-Kivu, les Forces démocratiques alliées (ADF), groupe armé faisant l’objet de sanctions, ont intensifié leurs attaques contre les centres urbains de la République démocratique du Congo et poursuivi leurs opérations en Ouganda. Elles ont causé le plus grand nombre de morts, principalement des civils. Elles ont établi de solides réseaux dans les prisons, en particulier à Kinshasa, où les détenus qui leur sont affiliés ont recruté et mobilisé des combattants et des collaborateurs.
Le Gouvernement congolais emploie officiellement des groupes armés Wazalendo pour combattre le Mouvement du 23 mars (M23) ; ce qui fait que dans l’est de la République démocratique du Congo, des groupes armés se prévalent de cette appellation pour justifier leur existence et leurs activités criminelles.
L’escalade rapide de la crise du M23 risquait de déclencher un conflit régional plus vaste. Le M23, aux côtés de la Force de défense rwandaise (RDF), et les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ainsi que la coalition de groupes armés locaux Wazalendo, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), groupe faisant l’objet de sanctions, et la Force de défense nationale du Burundi ont continué de s’opposer dans de violents combats. Les FARDC ont reçu un soutien opérationnel et militaire de sociétés militaires privées et des contingents de la Communauté de développement de l’Afrique australe, déployés en décembre 2023.
Ne se bornant plus à apporter un simple soutien aux opérations du M23 dans les territoires de Rutshuru, de Masisi et de Nyiragongo, la RDF s’implique désormais directement et de façon décisive, ce qui a permis aux deux groupes de dominer militairement dans le Petit Nord et d’étendre rapidement leur territoire jusqu’aux rives du lac Édouard. S’appuyant sur des technologies et du matériel militaires de pointe, le M23 et la RDF ont renforcé leurs opérations conjointes, modifiant ainsi la dynamique du conflit ; ils ont notamment cloué au sol tous les moyens aériens militaires des FARDC. Un nouveau mouvement politico-militaire, l’Alliance Fleuve Congo (AFC), n’a pas réussi à unir la majorité des acteurs politiques et armés contre le Gouvernement congolais.
Le Gouvernement a continué d’utiliser comme supplétifs les groupes Wazalendo et les FDLR pour combattre le M23 et la RDF. Aucune suite n’a été donnée à la consigne du chef d’état-major des FARDC de mettre fin à la collaboration avec les FDLR. Bien que sous pression, celles-ci ont continué de jouer un rôle important dans le conflit.
La participation de la Force de défense nationale du Burundi (FDNB) aux opérations contre le M23 et la RDF a exacerbé les tensions entre le Rwanda et le Burundi.
La violence armée prolongée a intensifié la crise humanitaire déjà très grave. En mars 2024, près de 1,7 million de personnes déplacées se trouvaient dans le Petit Nord comptait ; un autre demi-million de personnes déplacées dans le Sud-Kivu voisin. La criminalité et les troubles civils ont augmenté à Goma, principalement du fait de la prolifération des combattants Wazalendo et d’éléments indisciplinés des FARDC, qui jouissaient d’une impunité générale pour leurs actes. La proximité des combats et les tirs d’artillerie fréquents dans les zones urbaines et près des sites de personnes déplacées ont fait de nombreuses victimes civiles.
Tous les acteurs armés ont recruté et utilisé des enfants dans le cadre des hostilités à une échelle sans précédent. Le M23 et la RDF ont continué à punir les civils qu’ils soupçonnaient de collaborer avec les groupes armés ennemis, en particulier les Hutus, perçus comme proches des FDLR ou des Nyatura. Ils les ont exécutés, torturés, détruit leurs villages, pillé leurs biens ou les ont détenus de manière arbitraire. Les groupes Wazalendo ont appliqué une économie de guerre violente dans leurs zones d’influence (pillages, rackets, enlèvements et assassinats de civils), ce qui leur a permis de prospérer.
La plupart des acteurs armés opérant dans le Petit Nord tiraient illégalement profit de l’exploitation forestière ou de l’impôt sur le transport du bois dans les zones qu’ils contrôlaient, rien qu’une partie des possibilités encore plus grandes de création de revenus offertes par la crise actuelle dans le Petit Nord.
À Rubaya, la production de minerais sous le contrôle de la Coalition des patriotes résistants congolais-Force de frappe (PARECO-FF) et le commerce de minerais sous le contrôle de la PARECO-FF, des Wazalendo et du M23 se sont poursuivis sans relâche, de sorte que ces minerais ne remplissaient plus les conditions pour être commercialisés. Par ailleurs, la chaîne d’approvisionnement risquait d’être gravement contaminée.
En Ituri, les deux principaux groupes armés, le groupe Zaïre et la Coopérative pour le développement du Congo/Union des révolutionnaires pour la défense du peuple congolais (CODECO/URDPC) ont repris leurs affrontements armés et leurs rivalités, notamment autour de sites d’exploitation aurifère lucratifs. Le groupe Zaïre a promis de s’engager dans le processus de paix, mais cette promesse s’est avérée fausse et de courte durée, car le groupe a renforcé sa mobilisation et lancé des offensives. Le groupe CODECO/URDPC s’est également souvent heurté aux FARDC, a attaqué les soldats de la paix de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo et a mené des attaques aveugles et meurtrières contre des civils, dont des enlèvements et des exécutions. Des éléments des FARDC et de la Garde républicaine ont participé aux activités d’extraction de l’or. Les ressources financières et les soldats des FARDC ont été détournés de la lutte contre les groupes armés pour protéger des intérêts privés dans le secteur minier.
Dans le Sud-Kivu, la crise liée au M23 a continué d’influer sur la dynamique des groupes armés. Les vives tensions entre le Burundi et le Rwanda ont amené ces deux pays à se rapprocher des groupes armés étrangers basés au Sud-Kivu. Le Rwanda a notamment renouvelé son soutien à la Résistance pour un État de droit au Burundi (RED Tabara) et le Burundi a repris sa collaboration avec le Conseil national pour le renouveau et la démocratie-Forces de libération nationale (CNRD-FLN). Les liens entre les groupes armés locaux (M23, AFC) et le Rwanda ont créé de nouvelles tensions entre les groupes armés du Sud-Kivu. La mutuelle Banyamulenge « Shikama » à Uvira finançait les Twirwaneho dans les Hauts Plateaux du territoire de Fizi. Des chefs des groupes armés du Sud-Kivu, comme William Yakutumba, visé par des sanctions, se sont personnellement enrichis en imposant des taxes illégales sur les mineurs et leur production.
Dans le secteur minier, le développement du phénomène Wazalendo a fait peser de graves menaces sur le principe de diligence raisonnable. Les acteurs économiques s’en sont remis aux groupes armés pour leur sécurité.
Les exportations de la société Primera Gold ont fortement diminué depuis le rapport à mi-parcours du Groupe d’experts. La société a été affaiblie par des divergences avec ses partenaires des Émirats arabes unis. Ses prix sont devenus moins compétitive par rapport aux prix pratiqués dans d’autres pays de la région. La contrebande d’or s’est donc poursuivie, notamment vers le Rwanda et l’Ouganda.
Le conflit larvé à Maï-Ndombe s’est poursuivi, les milices Mobondo continuant d’occuper plusieurs groupements Teke dans le territoire de Kwamouth. Les Mobondo ont continué à attaquer des civils et ont mené des combats violents avec les FARDC et la Garde républicaine, acquérant une puissance de feu importante grâce à des attaques réussies contre des positions militaires. À la mi-mars 2024, le Président de la République démocratique du Congo, Félix-Antoine Tshisekedi, a mené des négociations de paix entre les chefs coutumiers Teke et Yaka et les membres de la milice Mobondo, qui ont abouti à un accord de cessez-le-feu. Cependant, la viabilité du processus de paix a été remise en question lorsque les milices Mobondo ont tué plusieurs civils le lendemain de la signature de l’accord. Plusieurs chefs Teke ont contesté l’initiative de paix, estimant qu’elle n’était pas suffisamment inclusive ou équitable.
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