Du maréchal Mobutu à Tshisekedi, en passant par Kabila père et fils, qu’est-ce qui y a changé, en RD Congo, en termes de régimes politiques ? Tous quatre, comme dans une course de relais, se sont passé le « témoin de médiocrité », avec, en germe, le tribalisme, le communautarisme et la dictature. Cela dure depuis 1965.
Ainsi en va-t-il toujours, à l’ex-Congo Belge : du temps de Mobutu, la province de l’Equateur fut portée aux pinacles . La tribu du président regardant le reste avec condescendance; de même, à l’époque des Kabila père et fils, la province du Katanga cherchait à prendre sa revanche et à « laver l’honneur » : les Katangais étaient donc aux manettes du pays. Roulant des mécaniques et disant au reste « vae victus » (malheur aux vaincus) ; tandis que sous le règne de Tshisekedi, la province du Kasaï-Oriental, quant à elle,se rêve carrément de porter un diadème. Est-ce une histoire d’ADN, puisque pendant les temps troubles de l’indépendance, en 1960, quelqu’un de ce coin-là se fut proclamé « roi du Kasaï autonome ? ».
Résultat total de cet imbroglio ? Un vrai mal. Invisible, caché comme dans la partie immergée de l’iceberg. Certes, il est vrai qu’en périphérie tournoient des réalités « sensibles », somme toute répugnantes, tels les détournements éhontés, la corruption irrésistible, le tribalisme ouvert, enfin, la dérive dictatoriale. Mais, le pire des pires, c’est la division du peuple congolais, en passe d’achèvement. Les lignes de fracture, pour qui veut y réfléchir, se découvrent vite. Les Congolais ne se regardent plus qu’en chiens de faïence.
Une femme, Premier ministre !
Les Bangala, les Bakongo, les Baluba et le Baswahili, pour ce qui est de ces quatre grands groupes linguistiques, chacun de leur côté ne cherche qu’à s’identifier et à se séparer violemment de l’autre. Ces scènes de stigmatisation ethnique sont maintenant légion dans tout le pays. C’est un véritable drame pour ce Congo uni, tel qu’il fut légué aux Congolais par Mobutu. C’est par ailleurs le seul versant lumineux de sa politique, laissé en héritage, après plus de trente ans de règne. Les Kabila l’ont obscurci. Tshisekedi s’est mis plutôt en devoir de le rayer de la carte.
Or, par inconscience ou par mauvaise foi, des langues s’élèvent pour accuser le peuple d’amorphe. Et pour cause. Celui-ci reste, année après année, sans réaction devant la chape de plomb qu’on lui fait porter. Pourtant, le peuple congolais n’est pas amorphe. Il a déjà payé de son sang pour arracher et l’indépendance et la « démocratie ». Il est plutôt à comparer à ce personnage de mythe de Sisyphe, soumis à l’impossible par les dieux. Epuisé, exsangue, il reprend ses forces. Il n’a jamais dit son dernier mot. C’est loin d’être une capitulation. C’est un héros.
Ainsi donc, le naufrage de la RD Congo – puisqu’il s’agit bien de cela – est à lier principalement à l’absence criante de bonne gouvernance, dont font preuve les dirigeants congolais. Le peuple, lui, en est victime. Les raisons exogènes n’en sont responsables qu’avec nuance. Car, le Botswana et la Tanzanie, par exemple, qui réalisent de bons scores sur le plan économique sont bien du continent africain.
C’est dans ce contexte de non rupture avec un passé négatif que Madame Judith Suminwa vient, récemment, d’être nommée Première ministre. Sera-t-elle en mesure d’attaquer le mal où il est logé ? Dans la « soute » de l’iceberg ? Pas sûr.
Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais réfugié en France.
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