RDC : l’ombre d’une catastrophe humanitaire plane sur la province de l’Ituri

Lors d’une réunion à Genève avec les États membres sur la situation humanitaire en RDC, Bruno Lemarquis s’est inquiété de l’évolution de la situation en Ituri, où des groupes armés tels que les Forces démocratiques alliées (ADF) et la Coopérative pour le développement du Congo (Codeco), selon lui parmi les « plus violents et meurtriers en RDC », profitent de la dispersion des forces de sécurité nationales pour intensifier leurs attaques contre les civils. 

« Sans action immédiate et déterminée pour contrer cette dynamique, l’Ituri pourrait rapidement sombrer dans une catastrophe humanitaire à grande échelle », a mis en garde M. Lemarquis.

Plus de 200 civils tués et 100.000 déplacés

Depuis janvier, plus de 200 civils ont été tués et plus de 100.000 personnes ont fui leurs foyers dans la province, qui comptait déjà 1,4 million de déplacés internes.

Bruno Lemarquis, Coordonnateur humanitaire en République démocratique du Congo, s’adresse à des journalistes au camp de Bulengo, au Nord-Kivu.

Ces tensions intercommunautaires déjà explosives sont aujourd’hui dangereusement exacerbées par le déploiement de milliers de soldats ougandais depuis le mois de février, dont la présence va bien au-delà des zones initialement convenues dans le cadre de l’opération Shujaa, une action militaire menée conjointement par la RDC et l’Ouganda contre les groupes armés opérant dans la région. 

« Je tiens à souligner clairement l’ampleur des risques actuels : le potentiel d’escalade de violences interethniques est alarmant », a prévenu le coordonnateur humanitaire. 

Selon M. Lemarquis, la situation actuelle ne se résume pas à la dégradation d’une crise prolongée. Il s’agit plutôt d’une « véritable polycrise », nourrie par plusieurs dynamiques majeures de déstabilisation, dont cette « spirale de violence » qui s’étend à l’ensemble de l’est de la RDC.

Des centaines de milliers de civils sans aide au Kivu

Outre la situation en Ituri, dans les provinces voisines du Nord- et Sud-Kivu, sous le coup d’une offensive du M23 depuis janvier, les civils font face à des risques extrêmes. Depuis la chute de Goma, le 27 janvier, et la prise de Bukavu, le 16 février, plus d’un million de personnes ont été déplacées de force. 

Les combats dans de nombreuses zones ont coupé des centaines de milliers de civils d’un accès à l’aide humanitaire. « Fuyant les violences, de plus en plus de personnes cherchent refuge dans les provinces voisines du Maniema, de la Tshopo et du Tanganyika, où les capacités de réponse sont très limitées », a précisé M. Lemarquis.

Dans toutes ces provinces, l’escalade du conflit a entraîné de graves violations du droit international humanitaire. Les femmes et les filles sont confrontées à des niveaux de violence sexuelle terrifiants, tandis que les enfants sont de plus en plus exposés à de graves abus, y compris le recrutement forcé.

Des familles fuyant les camps de déplacés autour de Goma.

Des familles fuyant les camps de déplacés autour de Goma.

Bouleversement de l’environnement opérationnel

« Celles et ceux qui tentent de les protéger paient également un lourd tribut : depuis janvier, 11 collègues humanitaires ont déjà perdu la vie – plus que pendant toute l’année 2024 », a déploré valoir M. Lemarquis. 

Ces hostilités conduisent selon lui à « un bouleversement radical de l’environnement opérationnel ». Dans de vastes zones du Nord- et du Sud-Kivu, les acteurs humanitaires opèrent désormais sous une autorité de facto mise en place par un groupe armé sous sanctions des Nations Unies. 

« Certains États membres et entités ont par ailleurs imposé des sanctions unilatérales à des acteurs non désignés par le Conseil de sécurité », a-t-il souligné. 

Sur le terrain, l’impact sur les opérations humanitaires et la vie quotidienne de la population est profond et multiple. « L’accès aux personnes dans le besoin est devenu plus complexe », a-t-il indiqué.

Reprise des distributions de nourriture à l'extérieur de Goma, dans le Nord-Kivu.

© WFP/Jerry Ally Kahashi

Reprise des distributions de nourriture à l’extérieur de Goma, dans le Nord-Kivu.

Impact du gel de l’aide américaine

Cette détérioration de la situation humanitaire intervient dans un climat de crise mondiale du financement de l’aide humanitaire. Le Plan de réponse humanitaire 2025 pour la RDC n’est financé qu’à hauteur de 8,3 %, selon un décompte effectué le 25 mars. 

Certains partenaires ont dû suspendre leurs activités. En réaction, les acteurs humanitaires mènent actuellement, sous la coordination du bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), un exercice de reprogrammation d’urgence visant à recentrer les ressources disponibles sur l’aide vitale aux plus vulnérables. 

Selon M. Lemarquis, ce changement radical de mode opératoire est inévitable compte tenu de l’ampleur du déficit. « Néanmoins, sans financements supplémentaires, des millions de personnes vulnérables seront privées d’une aide essentielle, avec une dégradation dramatique de leurs conditions de vie et de leur dignité », a-t-il relevé.

A noter qu’en 2024, près de 1,3 milliard de dollars, dont une contribution de 70 % par les États-Unis, ont été mobilisés pour atteindre plus de 7 millions de personnes dans le besoin.

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