Regard percutant sur l’itinérance et funk virtuel

Cette semaine, je vous invite à découvrir le plus récent roman de Catherine Leroux sur la crise du logement et l’itinérance, un sujet évidemment criant d’actualité. Autre thème actuel, celui de la réalité virtuelle et de l’intelligence artificielle qui a inspiré le nouvel album du groupe Spoutnique du Madawaska.

Peuple de verre, Catherine Leroux 

Dans un monde où se loger est devenu un luxe, de plus en plus de travailleurs et de familles vivent dans des camps de fortune. La crise du logement a atteint son apogée, envoyant les gens à la rue, ne pouvant plus se permettre de se payer un loyer. Ce récit de fiction qui nous jette en plein visage la crise qui sévit actuellement au pays en la poussant à l’extrême nous ouvre sur un monde très sombre et révoltant. L’autrice livre un récit ébranlant sur la crise du logement et les victimes de la spéculation foncière. Un roman dystopique étonnant et brûlant d’actualité qui captive du début à la fin.

Sidonie, une journaliste frondeuse mariée à un chef cuisinier braque les projecteurs sur le problème de l’itinérance à Montréal. On appelle désormais ces personnes qui se retrouvent à la rue «les inlogés». Elle est très connue dans le milieu journalistique. Pour arriver à écrire de bons textes, elle est prête à tout. Des rumeurs circulent laissant entendre que des personnes disparaissent. Les camps de fortune se vident. «Ces gens ne disparaissent pas dans des voitures de police, mais dans des fourgons banalisés. Ils ne reviennent pas.»

Où ces gens sont-ils amenés? Sidonie veut faire éclater la vérité, mais à quel prix. Elle raconte l’histoire d’une femme itinérante disparue. Mensonge ou réalité?

La vie bascule pour Sidonie qui jusque-là vivait confortablement dans un condo. Elle se retrouve de l’autre côté du miroir parmi les «inlogés» dans un centre soi-disant de réinsertion sociale qui ressemble davantage à une prison, appelée ironiquement HAPPI. Quand elle soumet une requête pour quitter le centre, on lui demande si elle a une stratégie de transition.

«Comment voulez-vous que j’organise ça. On n’a pas accès à Internet…Je connais personne qui en a une. On flotte dans un bocal hermétique. C’est comme demander à des poissons d’aquarium s’ils ont un plan pour regagner la mer», répond Sidonie à sa geôlière.

Les gens sont entassés dans des dortoirs, sans contact avec l’extérieur et ils doivent effectuer un travail de recyclage inutile. Dans une langue vivante et féroce, l’autrice explore les notions de chez soi, de liberté, de survie et de vérité. La structure du roman est particulièrement intéressante puisqu’il y a plusieurs couches narratives parfois surprenantes. Le récit se déroule à la fois à l’intérieur des murs et à l’extérieur. À l’intérieur, Sidonie écrit son histoire dans un carnet. On apprend ainsi comment elle s’est retrouvée dans cette situation. À certains moments, on navigue un peu dans le surréalisme. Il y a des passages très difficiles, comme celui où la narratrice découvre un monde souterrain où des gens malades physiquement et mentalement sont enfermés dans des cages.

Ce roman percutant et troublant nous incite à réfléchir à notre rapport à la pauvreté et à l’itinérance.

«Le poison de la pauvreté avait enfin son antidote. Comme un bassin qu’on perce d’une voie d’écoulement, la ville se vidait de ce qui l’engorgeait, on respirait mieux. Et on pouvait dormir la conscience tranquille en adhérant à la ligne officielle: ils étaient mieux là-bas.»

À la fin, elle aborde l’importance d’un havre, la précarité, la nécessité de conserver ces lieux rappelant que plusieurs femmes écrivent des livres sur les maisons. Catherine Leroux signe son 5e roman, un œuvre que je suis loin d’oublier. Difficile d’en ressortir indemne. (Alto, 2024). ♥♥♥♥

 

Terrain virtuel, Spoutnique 

 

Avec son troisième album, le groupe Spoutnique s’aventure dans les territoires virtuels de belle façon. Une musique qui groove donnant envie de bouger, de danser ou de se laisser aller à rêver. Un sentiment de bien-être se dégage de cette nouvelle collection de huit titres de la formation d’Edmundston. Le quintette électro-disco alternatif, un peu funky et psychédélique, au son unique et envoûtant propose d’explorer les relations humaines à l’ère numérique.

L’auteur-compositeur-interprète Paul Bourgoin explique que cet album est inspiré de ce qui se passe autour de nous, avec la réalité virtuelle, l’intelligence artificielle qu’on «veut nous vendre à tout prix.»

«J’ai voulu exprimer ce que ça nous fait, pas juste à moi, mais à la société en général. La vraie vie, c’est pas des simulations, c’est des connexions, ça, on l’a comme oublié.»

À l’image d’une chronique musicale explorant différentes facettes de l’ère numérique, la formation jette un regard poétique sur les nouvelles technologies, la réalité virtuelle, les relations et la manipulation des images véhiculées sur le Net. Comment séparer le vrai du faux? «De la foudre aux yeux / les filtres sur ses photos / Je me souviens plus / À qui elle ressemble vraiment / l’image qu’on fournit correspond pas toujours à celle d’aujourd’hui.» (extrait de Terrain virtuel).

Ce nouvel opus paru en juin s’avère idéal pour la saison estivale. La collection comprend des pièces en français avec quelques paroles en anglais dispersées à travers les chansons. Parmi mes préférées, Intentions éphémères. En plus du chanteur Paul Bourgoin, la formation rassemble Jason Guerrette, Daniel Bérubé, Bruce Dupuis et Mario Cormier. ♥♥♥½

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