Rencontre avec Christophe Mali: « Ces chansons super intimes, je ne pouvais pas les chanter avec Tryo

Christophe Mali revient, après une tournée triomphale des 25 ans du groupe Tryo, pour nous dévoiler son nouvel album en solo, sorti récemment;

Au gré de sa venue sur Lyon, sur une petite péniche si intimiste, on a pu échanger avec lui pour évoquer sa carrière solo, son inspiration, sa vision artistique de ce nouvel album plus intime dans lequel Christophe Mali se dévoile dans des textes touchants nous comptant des histoires personnelles aux dimensions universelles.

« C’est peut-être dû à notre manière de fonctionner avec Tryo. Quand on démarre un album, Guizmo et moi arrivons avec plein de chansons. On choisit sur lesquelles le groupe a envie de travailler. Cela ne favorise pas les textes trop personnels. » Après une interview avec un journaliste qui me faisait remarquer que je ne parlais jamais vraiment de moi, il y a  eu comme un déclic. J’ai commencé à écrire sur ma famille, mes parents, mon frère, ma sexualité…

J’ai participé aussi à une session d’écriture avec des amis artistes, Lamarca, Vincha… Je suis arrivé avec juste des bouts de textes. J’ai découvert une autre manière d’écrire des chansons. J‘ai fait ce premier album solo en faisant une introspection sur moi-même et là j’écris sur mon père, sur ma famille, des choses que je n’avais jamais dit. Et puis, c’est des chansons que je ne pouvais pas chanter avec Tryo, ce sont des sujets hyper intimes. Chanson après chanson, l’album a commencé à naître. Il y a eu une espèce d’évidence ».

Christophe a commencé à écrire beaucoup de textes, des thèmes sur lesquels il ne s’était pas autorisé à s’engager, notamment la famille. 

 

 

Ses chansons sont une sorte de journal intime, avec une vraie introspection sur ses échecs amoureux, son passé, son enfance, des sujets impossibles à traiter au sein de Tryo.  « En me livrant sur des sujets personnels, cela me permet aussi de dire qu’il est important de préserver et de cultiver cette part d’humanité en nous, d’où aussi le titre de l’album ».

 Une des meilleures illustrations est sans doute ce touchant « Enfant doré ».

La chanson aborde l’idée de l’enfant préféré dans la famille, l’enfant privilégié, celui qui n’a jamais pu dire « pardon : « oui c’est un titre autobiographique, même s’il y a un peu de fiction pour enrichir l’histoire. Il parle de ma relation avec mon frère. Quand je lui ai fait écouter, il a été très touché Beaucoup de familles ignorent parfois qu’il y a un enfant préféré, mais c’est quelque chose qui peut créer des tensions, même si ce n’est pas toujours intentionnel. Je suis le cadet. J’ai toujours senti qu’il y avait cette préférence, même si mes parents me disaient que ce n’était pas le cas. C’est un sujet qu’on a abordé, et on a réussi à le régler ensemble. J’ai reçu énormément de messages privés de personnes qui se reconnaissent dans ce sentiment et qui, grâce à la chanson, ont pu mettre des mots sur une situation qu’elles n’avaient jamais osé aborder. Cela m’a profondément ému. »

 

 

Lorsqu’on trouve que son disque une coloration un peu « Souchonesque » alors que le premier essai en soli lorgnait plus du coté de chez Higelin,
Christophe Mali  ne peut qu’acquiescer    : « Alain Souchon a eu une énorme influence sur moi, notamment sur sa façon d’écrire. Il y a cette tendresse et cette mélancolie dans ses chansons qui me touchent profondément. D’ailleurs, il y a des morceaux dans cet album où j’ai vraiment voulu me rapprocher de son univers, et il y a même des références à lui dans les paroles. « À quoi ça sert ? » en est un bon exemple. Et sa participation sur cette chanson était une évidence, il a vraiment apporté quelque chose de précieux avec sa touche unique. »

En écrivant ce titre Christophe avait la figure d’Alain Souchon en tête, lui qui a si bien chanté ces plages du Nord. ce morceau se déroule sur les grandes plages du Nord où son père se promène, fait un point sur sa vie.

Une fois le stylo posé, Christophe envoie la chanson à Alain Souchon en lui précisant ceci “j’aimerais beaucoup que tu viennes juste à la fin du titre, juste finir la chanson” ce qu’il a accepté avec émotion.

« Dans cette chanson, je parle de la difficulté qu’il y avait à voir mes parents rester ensemble juste pour nous, les enfants. À l’époque, le divorce était beaucoup moins accepté, et je me suis souvent demandé « À quoi ça sert de rester ensemble pour les enfants ? » C’est une question qui, je pense, touche beaucoup de personnes. Et bien sûr, même si c’est impossible, il y a toujours un fantasme, une petite part de nous qui espère que les parents puissent se remettre ensemble, même quand on sait que c’est irréaliste. »

 

 

On lui dit qu’on aime aussi beaucoup  “Derniers humains”, une chanson que Christophe Mali interprétait seul au début, celle-ci met en scène deux personnes, pas forcément un couple, mais deux personnes qui s’aiment : l’idée d’un duo avec Lucie Lebrun du groupe L.E.J. va alors germer… 

Christophe faisait la mise en scène du concert du trio féminin, c’est à ce moment que le déclic lui est venu.

 

 

La chanson évoque un monde devenu une ruine, où un couple essaie de survivre. « C’est un peu un fantasme, une réflexion sur un monde qui s’effondre, mais dans le même temps, il y a un optimisme sous-jacent. L’idée n’est pas de rendre le morceau apocalyptique, bien au contraire. Il parle de reconstruction, de renouveau. Même après la destruction, il y a toujours la possibilité de repartir de zéro, de reconstruire quelque chose de plus fort et de plus durable. »

 

 

Le groupe Tryo attendra un peu avant de fêter ses trente ans de vie, mais c’est bien prévu, aucune tension entre eux, nous assure t-il

Et Christophe de toute façon n’a quand même pas pu s’empêcher d’y glisser quelques titres qui auraient très bien pu aller sur un disque de Tryo, comme « Toute la vérité » et « Le boulet », chansons potaches, ou encore Ça nous gêne et Les oiseaux, titres écolos.

Quand on lui fait remarquer que Ça nous gêne »  aborde l’injustice et le monde où on n’arrive pas toujours à changer les choses, même si on le voudrait, bref pas vraiment un message très optimiste,  il nous met alors un peu de nuance   » Vous avez raison même s’il y a aussi un côté un peu consolateur dans ce message. Parfois, malgré nos valeurs et nos convictions, on n’y arrive pas à changer les choses, et il faut accepter qu’on ne soit pas toujours à la hauteur. 

La vie est dure, et il faut se pardonner de ne pas réussir à tout faire. Et c’est aussi un constat que la société, poussée par des figures comme Bill Gates ou la Silicon Valley, nous transforme en consommateurs. C’est un message qui touche un peu tout le monde. »

 

 

Et le boulet, alors, chanson, sans doute avec Toute la vérité, la plus potache de l’album, elle vient de quelqu’un de son entourage ou pas? :  « Le boulet, c’est quelqu’un qui est un peu agaçant, mais qu’on réinvite quand même. Parfois, on peut être nous-mêmes le boulet de quelqu’un d’autre. Ça m’a inspiré une chanson qui est un peu humoristique, mais en même temps, il y a de la tendresse. 

Quand j’ai écrit cette chanson, je pensais à un ami qui m’a donné l’idée du thème. Le boulet peut saouler avec les mêmes histoires répétées, mais au fond, il reste quelqu’un qu’on garde dans notre vie parce que les amis, c’est pour la vie. Dans le clip aussi, le boulet est montré avec de la tendresse. »

 

 

Boulet ou pas boulet dans sa vie, Christophe Mali, semble en tout cas, ravi de sa vie actuelle :  » Quand je regarde mon parcours, je me rends compte de la chance que j’ai eue. Tous les artistes qui m’ont inspiré, qui m’ont donné envie d’écrire, je les ai rencontrés. J’ai partagé la scène avec eux, et certains sont même devenus des amis. J’ai passé des vacances avec eux. Je pense à Souchon, Higelin, Aubert…

Ce sont des gens qui m’ont porté. J’ai gardé cette capacité d’émerveillement. Je me dis que j’ai une chance incroyable. C’est aussi pour ça que j’écris beaucoup et que je travaille énormément : pour être à la hauteur de cette chance que la vie m’a donnée. Je veux toujours être à la hauteur. Et puis, depuis quinze ans, je fais aussi du coaching scénique. J’aide des artistes confirmés pour la mise en scène de leurs concerts, mais je travaille surtout avec de jeunes artistes qui sortent leur premier album. Mon rôle, c’est de la aider à gagner du temps et à se structurer. »

 

 

Quant au live qu’il joue actuellement dans les quatre coins de la France, Christophe Mali donne quelques clés à ceux qui n’ont pas encore eu la chance d’aller l’applaudir sur scène : « Pour l’instant on est encore dans une pré-tournée où je suis au piano,  et parfois un peu à la guitare, accompagné d’un seul musicien multi-instrumentiste. On passe par des moments intimes, et au fur et à mesure, le concert s’intensifie et devient festif. Le spectacle a un côté chaud-froid, avec des moments de tendresse suivis de titres plus dynamiques. L’idée, c’est de créer un spectacle théâtral, mais aussi de permettre à tout le monde de se lâcher. C’est cette liberté qui me plaît. »

Une liberté, cher Christophe, qu’il n’est visiblement pas prêt à lâcher….

 Album « Humain ». Frenchy/Pias

    En tournée