Les talents littéraires de Dominique A irriguent la chanson d’ici depuis le début des années 1990.
La sortie en 2022 de son premier recueil de poésie « Le présent impossible » a débouché sur un compagnonnage avec le percussionniste « sacré » Dominique Mahut (Lavilliers, Higelin, Peter Gabriel…) et la chanteuse Lou, pour une version « lecture scénique ».
Telle était la formule choisie pour clore en beauté mercredi soir le festival Reconnexion Ramatuelle.
Arrivé de son refuge nantais via une étape hyéroise, l’homme qui a ouvert la voie à tout une scène tricolore prend le temps de converser en bordure de vignes alors que se profile la sortie de « Quelques lumières », double album qui revisite sous différentes formes orchestrales trente ans d’un parcours aux « lueurs » diaprées.
Le spectacle de Ramatuelle est-il semblable à celui présenté à la Maison de la Poésie fin 2023?
Oui mais on ne répète pas. Donc l’ossature des lectures est là, les titres chantés de la fin demeurent, mais la musique avec Mahut et moi est improvisée. Je ne voulais pas d’une formule figée. Ce qui fait que des fois c’est bien, des fois moins… (rires) Au départ, ce ne devait être que quelques représentations, puis ça s’est étendu. Là, c’est notre dernière a priori. Tout a une date de péremption… C’est aussi mon dernier concert de l’été avant les vacances!
Se produire avec Dominique Mahut est-ce aussi voir défiler une partie du patrimoine ‘‘Rock en France’’?
Il y a cela en arrière fond, étant donné ses références, c’est très valorisant de travailler avec lui, mais nous nous connaissons assez pour que je passe par-dessus ça. Indépendamment de sa stature et de son parcours, tout est très naturel avec lui. Ce qui m’a donné envie de partager la scène avec Mahut, c’était surtout l’humain. En croisant aussi Lou [de son vrai nom Pascale Geille, ex-Look de Paris, groupe 80’s qui verra l’acteur Jean-Pierre Kalfon lui succéder au chant, ndlr], j’avais envie d’un projet en trio et cette lecture musicale a été le bon prétexte!
Vous avez souvent chanté Barbara qui s’est produite sur cette même scène ramatuelloise en août 1990. Paralysant ou motivant?
Rien de tout cela car je viens de l’apprendre. Figurez-vous que Mahut m’en a parlé tout à l’heure puisqu’il était avec elle sur scène ce soir-là, donc le lien est direct! (rires) Il en garde un bon souvenir. Celui d’un personnage aussi fantasque que pétri d’humour.
Vous avez aussi rendu hommage à Daniel Darc dans la compilation ‘‘Cœur sacré’’. Le choix du titre était une évidence?
Oui, spontanément c’est le morceau ‘‘Les armées de la nuit’’qui m’est apparu! Et pourtant ce n’est vraiment pas mon titre préféré de Taxi-Girl. En fait, c’est celui que je sentais le mieux poah oui le pluriel mur me l’approprier, et ça, c’est inexplicable!
Toujours au rayon des défunts, comment encaissez-vous la disparition de Frank Darcel en mars dernier, co-leader de Marquis de Sade, après le suicide de Philippe Pascal sur lequel vous aviez écrit (Fleurs plantées par Philippe (2020), Médiapop éditions)?
C’est très troublant… Au niveau mythologie ‘‘rock’’, on peut difficilement faire mieux! Pour Philippe Pascal, son départ semble être assimilé à un ‘‘raptus’’. C’est-à-dire un passage à l’acte non prémédité, comme une ‘‘bouffée délirante’’… Bien sûr ça ne tombe pas sur n’importe qui… Cette tendance existait chez lui. Il avait déjà fait des tentatives, et là il était dans une période de stress [liée à la livraison des paroles d’un troisième album de Marquis de Sade reformé qui n’aboutira jamais, ndlr]… Darcel [retrouvé mort au pied d’une falaise, sur une plage de Galice, ndlr], je le connaissais beaucoup moins, mais je ne le percevais pas du tout comme quelqu’un de dépressif. S’il s’avère que c’est aussi un suicide, j’ai du mal à faire le lien avec le type plutôt bon vivant croisé quelques fois.
Pourquoi intégrer dans votre double album rétrospective, ‘‘Quelques lumières’’ à venir en octobre, des extraits de disques ‘‘mal aimés’’ comme ‘‘Si je connais Harry’’ ou ‘‘Tout sera comme avant’’?
Quand je critique un disque c’est moins lié aux chansons elles-mêmes qu’à leur réalisation. Finalement ‘‘Si je connais Harry’’ a du charme quand même. C’est un disque de feignant mais il a ses vertus. ‘‘La Fossette’’, album à qui je dois ma vie entière, est aussi un album de feignant au départ (rires). Disons en fait que je ne me suis pas vu le faire. Il n’était pas destiné à devenir ce qu’il est devenu. Quant à ‘‘Tout sera comme avant’’, la chanson-titre, reprise en format trio, pour moi c’est carrément la meilleure chanson des deux disques!
La tournée qui va suivre sera sur cette logique ‘‘best of’’ réorchestré?
Oui mais avec l’Orchestre de Chambre de Genève ce sera limité à des dates fin 2024 à Lyon et à la Philharmonie de Paris. Ensuite, à partir de mars 2025, ce sera en formule trio comme sur le second disque.
Ces artistes qui « desservent la cause »
Vous vous êtes exprimé sur les réseaux avant les législatives. Quels ont été les retours sur votre ‘‘billet citoyen’’ et votre sortie sur ‘‘l’argent magique’’?
Bon en général, c’était assez pulsionnel, mais certainement pas un appel au vote ni pour jouer les donneurs de leçons, celui qui a ‘‘la bonne pensée’’… Moi-même lorsque j’entends certains artistes prendre position, j’ai envie de leur crier ‘‘Ta g…! Tu ne te rends pas compte que tu es sur ton Olympe et que tu dessers la cause que tu défends?’’. Je suis conscient d’être un privilégié, mais j’avais envie de m’exprimer, dire les choses à ma façon. En relation avec mon histoire personnelle et ma vision de l’économie, notamment la ‘‘spéculation boursière’’ où Merlin et la Fée Clochette semblent avoir leurs entrées alors que l’on nous dit que ‘‘l’argent magique’’ n’existe pas. N’y a-t-il pas là une résolution du nœud du problème?
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