Réunir des présentateurs météo et des climatologues a été la recette du succès du Journal Météo-Climat, regardé par des millions de téléspectateurs chaque soir.
Il ne dure que quelques minutes, mais le bulletin météo apporte une ambiance particulière en France. Tous les soirs à 20 heures, un présentateur familier de la chaîne publique France Télévisions entre dans les foyers avec « un bonjour chaleureux » et leur parle des conditions climatiques du lendemain.
Les prévisions télévisées font partie de la vie quotidienne depuis les années 1940. Aussi, il n’est pas facile de changer un format aussi fiable. Mais la façon dont la crise climatique perturbe notre météo exige de l’innovation. C’est pourquoi, l’année dernière, la chaîne a transformé son bulletin traditionnel en Journal Météo-Climat, un bulletin météorologique tenant compte du changement climatique, présenté par Audrey Cerdan.
« Nous considérons que la météo est une image fixe et que le climat est le film dans lequel cette image est présentée », explique Audrey Cerdan, rédactrice en chef pour le climat à France Télévisions. « Si vous ne voyez que l’image fixe, mais que vous ne montrez pas tout le film, vous ne comprendrez pas l’image fixe. »
La journaliste vient d’être couronnée l’une des trois « journalistes de l’année » pour 2024 par Covering Climate Now, une organisation qui célèbre le meilleur du journalisme climatique.
Qu’est-ce que le Journal Météo-Climat fait différemment ?
Le 13 mai 2023, l’émission a été diffusée pour la première fois avec de nouveaux éléments visuels essentiels pour replacer la météo dans son contexte : des bandes climatiques et un compteur en direct pour montrer à quel point la France est plus chaude qu’il y a un siècle.
Les téléspectateurs ont suivi en temps réel l’évolution du compteur, qui est passé de 1,18749863 Celsius au-dessus du niveau préindustriel à 1,18749864 C. Aujourd’hui, il dépasse 1,2.
L’émission est diffusée en prime time sur les chaînes France 2 et France 3 (pendant quatre et cinq minutes respectivement), avec une moyenne de 3,6 millions de téléspectateurs chaque soir.
Pour renouveler le format, un nouveau graphique indique combien des 365 derniers jours ont été plus chauds que la moyenne entre 1971 et 2000 (287 jours, au 26 juillet).
Les présentateurs ne parlent pas de ces outils tous les soirs mais, comme l’explique Audrey Cerdan, leur présence visuelle « envoie chaque jour au public le signal que c’est important ».
L’un des éléments récurrents est un code QR que les téléspectateurs peuvent scanner pour envoyer leurs questions, auxquelles des scientifiques et des experts en climatologie répondent ensuite directement.
Que veut-on savoir sur le changement climatique ?
Pour la plupart des gens, le message a été bien compris et ils sont maintenant avides de solutions.
Beaucoup de questions tournent autour de l’eau. « La crainte de manquer d’eau est plus préoccupante, je pense, que l’augmentation de la température », déclare Audrey Cerdan.
Une question revient souvent : « Pourquoi ne prélève-t-on pas l’eau des rivières avant qu’elle ne se jette dans la mer ? Les scientifiques expliquent que c’est plus compliqué que cela, tant au niveau de la biodiversité que du climat.
Le dimanche soir sur France 2, les scientifiques ont commencé à répondre aux questions des enfants, qui posent leurs questions directement à la caméra. Le nombre de téléspectateurs a nettement augmenté, affirme Audrey Cerdan.
Après la partie consacrée aux prévisions, la journaliste s’efforce de trouver un équilibre entre les sujets sur l’adaptation et ceux sur l’atténuation, qui n’apparaissent naturellement pas si souvent dans le nouveau cycle, mais qui sont porteurs d’espoir.
« Je pense qu’il est très important, lorsque le public souffre d’événements météorologiques extrêmes , de présenter également des solutions », explique-t-elle. Ces reportages vont des mesures prises par la Chine et les États-Unis pour réduire les émissions aux dépêches provenant d’un lycée local ou d’une entreprise française.
Pourquoi France Télévisions propose-t-elle désormais un bulletin météo-climat ?
Selon la chaîne, les audiences du Journal Météo-Climat ont augmenté en quelques semaines. Bien que certains téléspectateurs leur aient dit que c’était décourageant, la majorité des commentaires étaient très positifs, selon Audrey Cerdan.
Les présentateurs s’adressent à un public réceptif. L’été 2022 a été le deuxième été le plus chaud jamais enregistré en France après 2003, et le sud est une zone particulièrement touchée par la sécheresse et les incendies.
« Les Français sont très, très attentifs et comprennent les conséquences du changement climatique sur leur vie », explique-t-elle.
Ayant grandi dans une ferme près d’Aix-en-Provence, dans le sud du pays, la journaliste de 39 ans, a compris ces conséquences dès son plus jeune âge.
Ses études à l’École nationale supérieure Louis Lumière (cinéma et photographie) l’ont bien préparée à couvrir le « film » du changement climatique d’une manière plus visuelle que la plupart des journalistes.
Comment intégrer le changement climatique dans les bulletins météorologiques ?
Audrey Cerdan a quitté France Télévisions en 2022, alors qu’elle était rédactrice en chef de France Info, le site d’information de la chaîne publique, pour se consacrer à la crise. Elle a co-lancé Expertises Climat, une association à but non lucratif dont l’objectif est de mettre en relation des climatologues et des journalistes afin de créer un « terrain d’entente culturel » entre deux communautés qui ne parlent pas toujours la même langue.
Cet été caniculaire a été un catalyseur pour son ancien employeur. En décembre, elle était de retour à France Télévisions pour travailler à la transition du programme météorologique.
L’idée elle-même était dans l’air depuis longtemps, explique Audrey Cerdan. Les scientifiques français du GIEC avaient approché différents radiodiffuseurs avec l’idée de recontextualiser les bulletins météorologiques, et elle décrit ce projet comme un effort collectif au sein du réseau.
« Il a fallu une volonté très forte à la tête de l’organisme de radiodiffusion pour que cela se fasse aussi rapidement », dit-elle.
Mais il ne fait aucun doute que Mme Cerdan était la bonne personne pour mener à bien ce changement en tant que rédactrice en chef, en s’appuyant sur l’écosystème qu’elle avait mis en place à Expertises Climat, mêlant l’expertise de scientifiques de haut niveau au talent des présentateurs météo.
Elle a commencé par inviter des scientifiques dans la salle de rédaction et par créer des « liens humains » afin que les deux communautés puissent dialoguer ouvertement.
Selon M. Cerdan, les présentateurs sont « les meilleurs messagers pour parler de ce sujet parce qu’ils sont devant les familles tous les soirs pendant qu’ils dînent, pendant qu’ils font la vaisselle, etc.
Une grande partie du travail de M. Cerdan en tant que rédacteur en chef consiste à s’assurer que la communication est toujours présentée au bon niveau – la science complexe est simplifiée, sans que les raccourcis ne soient trop courts.
Quelles sont les prévisions pour le Journal Météo-Climat ?
Les phénomènes météorologiques extrêmes étant inévitables, l’équipe se réunit avant l’été pour se préparer.
« Nous essayons de traiter ces événements comme des nouvelles que l’on peut prévoir », explique Audrey Cerdan. « Tout comme nous avons préparé les Jeux olympiques, nous devons également prévoir les sujets à traiter en cas de canicule, de sécheresse et d’incendies. »
L’équipe continue d’innover pour relever ce défi qui évolue rapidement, en cherchant des moyens de rendre les histoires sur le climat et l’environnement encore plus accessibles.
À l’avenir, ils souhaitent utiliser davantage la réalité augmentée, avec des modèles en 3D pour expliquer des phénomènes difficiles à saisir, comme l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère.
La connaissance du climat est une chose dont toutes les parties de la salle de rédaction pourraient bénéficier. À cette fin, France Télévisions est en train de former tous ses journalistes – un processus qu’Audrey. Cerdan supervise en tant que rédacteur en chef chargé du climat pour le radiodiffuseur depuis septembre 2023.
« Je me sens très humble et honorée », déclare la journaliste à propos du prix Covering Climate Now, qu’elle a été surprise de recevoir. Bien qu’elle souligne les réalisations des autres, il est clair que l’avenir de Mme Cerdan est incroyablement prometteur.
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