renforcer les institutions locales et travailler avec elles »

Chercheur au Center for Economic and Policy Research, cercle de réflexion basé à Washington, Jake Johnston s’est rendu à maintes reprises en Haïti depuis le séisme dévastateur de 2010. Il est l’auteur de l’ouvrage Aid State. Elite Panic, Disaster Capitalism, and the Battle to Control Haiti (St. Martin’s Press, 372 pages, non traduit) qui dénonce les échecs et les pièges de la politique d’aide internationale envers ce pays caribéen.

Votre livre fait le constat de l’échec de l’aide internationale en Haïti, que vous comparez à un piège. Pourquoi ce constat si sévère ?

Ce que nous voyons en Haïti, depuis plusieurs décennies, ce sont des politiques d’aide qui ont largement contourné l’Etat, les associations locales, les organisations citoyennes, et qui ont créé une sorte d’Etat parallèle externalisé. Non seulement cette assistance n’a guère produit les résultats escomptés pour le peuple haïtien, mais elle a également eu des effets politiques à long terme, en éloignant la population des autorités publiques. Et cela alimente une dynamique qui a toujours été présente en Haïti, depuis la guerre d’indépendance jusqu’à nos jours, à savoir que l’Etat n’a jamais été réellement représentatif de la majorité de la population. Pour ne rien arranger, le soutien constant des acteurs internationaux à des régimes non démocratiques en Haïti a érodé toute notion de démocratie souveraine. Il en résulte un effondrement de la foi dans les institutions et ce sentiment répandu, dans le pays, que les acteurs extérieurs ont toujours le dernier mot.

Vous affirmez que les résultats de l’élection présidentielle de 2010-2011 ont été truqués à la suite d’une ingérence directe de Washington. Pourquoi les Etats-Unis sont-ils intervenus ?

Cette élection s’est déroulée après le séisme catastrophique de janvier 2010, qui a causé plus de 200 000 morts et un million de déplacés. Les conditions dans lesquelles ce scrutin devait se dérouler étaient extraordinairement difficiles. Pourtant, les bailleurs de fonds internationaux ont insisté pour que l’élection ait lieu, coûte que coûte. Il était important, à leurs yeux, d’installer au pouvoir un interlocuteur avec lequel ils pourraient travailler pour superviser des milliards de dollars de dons destinés à la reconstruction.

Le scrutin, comme beaucoup l’avaient prédit, a sombré dans le chaos : le jour du premier tour, des milliers d’électeurs n’ont pas trouvé leur nom sur les listes électorales, provoquant des manifestations. Pourtant, la communauté internationale s’est obstinée. Les Etats-Unis ont exercé un chantage à la reconstruction sur les autorités haïtiennes pour que Michel Martelly figure au second tour du scrutin, alors qu’il était arrivé troisième. Il a été élu au second tour, le 20 mars 2011. Le degré d’influence exercée en coulisse par les diplomates sur le processus démocratique en Haïti était proprement choquant.

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