Les clichés ont la peau dure. Un reportage dans le centre de recherche (CDR) de la Fédération française de football (FFF) active un imaginaire de scientifiques en blouses blanches, maniant éprouvettes et superordinateurs, dans un immense hangar réaménagé. En arrivant à l’espace Michel-Hidalgo de Clairefontaine, temple du football français, il n’en est rien. Le CDR se situe dans une maison de plain-pied, avec baies vitrées et jardin. Les deux étoiles et le logo doré de la FFF, couplés aux lettres bleues indiquant le nom du lieu, distinguent le lieu. Adjoint du directeur technique national (DTN) Hubert Fournier, Franck Thivilier accueille à l’entrée, propose un café puis invite à s’installer dans l’un des quatre fauteuils de style scandinave de la salle d’accueil, lumineuse et verdoyante. L’ambiance rappelle bien plus la start-up que le laboratoire. Le coordinateur du CDR est vite rejoint par Chloé Leprince. Docteure en psychologie du sport, elle est responsable de l’opérationnel du centre, où elle travaille au quotidien. Ce duo chapeaute une dizaine de personnes, du salarié au stagiaire, qui œuvrent au développement de ce nouveau pôle de la FFF.
Financé par des fonds propres fédéraux, des aides externes et des crédits d’impôt de recherche, le Centre a ouvert à la rentrée 2022, comme une évidence. « Dans un champ concurrentiel comme le sport, il est impossible de faire l’économie de la recherche et de l’innovation. C’est une question de survie », pose Franck Thivilier. Le projet a été validé par la direction de l’époque et une étude de marché lancée dès 2021. L’idée : dresser un état des lieux de la recherche dans le sport et cibler des experts ou institutions inspirantes, comme la Fédération française de rugby ou le groupe Red Bull, cite Thivilier. En parallèle, un audit interne et national, mené auprès des différentes composantes de la Fédération (sélectionneurs, directeurs de pôle espoirs, membres de la DTN…) a été mené, afin de déterminer les besoins et les interrogations émanant du terrain. « L’audit et le benchmark ont fait émerger trois directions scientifiques, trois pôles », explique Chloé Leprince.
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Le pôle data au service de l’optimisation de la prise de décision
Chaque pôle possède son espace dans les petits locaux du CDR, sans luxe ni effusion de matériel, afin qu’ils « soient transposables, un jour, dans d’autres structures », explique Thivilier. La première salle, à droite du couloir qui jouxte la salle d’accueil, est composée de quatre écrans d’ordinateurs et d’autant de bureaux. Ici vit le pôle data, issu d’une vraie demande lors de l’audit interne. « Les entraîneurs nous disent, qu’à l’origine, la data est un outil pour faciliter leur prise de décision mais qu’ils ont le sentiment, aujourd’hui, d’être recrutés, managés, évalués et parfois même renvoyés par la data, explique Chloé Leprince. Il y avait une vraie volonté de leur part de parvenir à la manager. »
Franck Thivilier explique que « la science a mesuré qu’en moyenne, l’être humain est traversé par 60 000 à 70 000 pensées quotidiennes. L’entraîneur fait clairement partie de la moyenne haute. Comme disait Rémi Garde (ex-entraîneur de l’OL de 2011 à 2014), le plus dur, c’est toutes ces décisions à prendre. Et la data en a amené encore plus. » Pour répondre à ce besoin, le pôle data du CDR, dirigé par le responsable scientifique du centre Christopher Carling, possède un rôle de filtre. Sa philosophie est de proposer aux entraîneurs les ressources pouvant leur apporter une réelle plus-value, dans le management des données, comme dans celui des hommes qui la maîtrisent, nouveaux venus de staffs toujours plus denses.
Pour cela, le Centre est en lien avec de nombreuses entreprises (Catapult, Stats Perform) et universités (comme celle de Lyon-1). Il a, aussi, investi la plateforme « Mycoach Pro » qui centralise des données de performance de joueurs des pôles espoirs et de sélections nationales de jeunes. En somme, la volonté est d’apprivoiser les données pour prendre la meilleure décision finale. « Un jour, j’ai assisté à un match d’Arsenal, alors dirigé par Arsène Wenger, se souvient Thivilier. Mesut Özil fait un match fou, mais Wenger le sort à l’heure de jeu, à la surprise générale. Grâce à la data, il avait vu que son joueur était sur une pente descendante d’un point de vue physique, sujet aux blessures. Il lui a maintenu, à raison, sa confiance pour débuter le match, mais l’a vite sorti pour l’économiser. »
Dans le même temps, le pôle data conduit des travaux dans son domaine, comme cette étude sur l’attention dans le football, sur laquelle travaille le jeune Mathéo, qui effectue sa thèse sur le sujet. Le thème précis : ces fameuses cinq minutes de déconcentration qu’une équipe connaît après avoir marqué un but. Une quinzaine d’études, tous pôles confondus, sont…
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