REPORTAGE. En Guadeloupe, le « Creps », fabrique de sportifs de haut niveau, fait rêver les parents

Ce jour-là, sur le parking du Creps Antilles-Guyane, aux Abymes (commune du centre de la Guadeloupe), Emmanuelle attend son fils, comme n’importe quel parent à la sortie de l’école. Solenn arrive, souriant, après sa journée de cours. Il pratique le wingfoil, et, pour mener son double projet, sportif et scolaire, il a intégré la cité scolaire du Creps, à la rentrée, en classe de seconde. Externe, il mettra, avec sa maman, près d’une heure à rentrer chez lui, à Sainte-Anne. Et « le matin, avec les embouteillages, c’est une heure et demie », précise Emmanuelle avec bonne humeur.

« Locaux climatisés » et « un emploi du temps sans trou »

Si elle reconnaît certains « sacrifices », elle « ne regrette pas du tout » ce choix. « Ce sont des études de qualité dans ce lycée, qui leur laissent du temps pour leurs entraînements, même si c’est bien chargé », explique-t-elle. Elle apprécie aussi « les locaux climatisés, ce qui est très rare en Guadeloupe » et « une ambiance plus calme, plus sereine, c’est la première chose que mon fils m’a dite en arrivant ici », se souvient-elle. Emmanuelle apprécie aussi « un emploi du temps sans trou : ici, quand un prof n’est pas là, un autre prend le relais, même si ce n’est pas la même matière ».

L’établissement accessible à partir de la 4e, est enfin l’un des rares, en Guadeloupe où les transports en commun font défaut, à disposer d’un internat (il accueille 70 jeunes). Sans oublier des classes allégées : 17 élèves en 1re et en terminale, et 24 à 28 élèves dans les autres divisions.

De quoi faire « rêver » certains parents, comme Julie. Pour son fils, scolarisé en 6e dans un établissement classique de la Grande-Terre, elle « mise tout sur le sport », pour lui permettre, plus tard, d’intégrer le Creps et « lui assurer une bonne scolarité », confie-t-elle à Ouest-France.

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« 100 % de réussite au Bac et au Brevet »

« Si on a mieux que nous, je demande à voir ! On tend vers l’excellence ! », assume Chantal Cusset-Gaydu, directrice du Creps Antilles-Guyane. La directrice évoque les « 100 % de réussite au Bac et au Brevet », qui reposent sur « une évidence » que, selon elle, « la France n’a pas encore comprise : le travail le matin, le sport l’après-midi ! »

Elle rappelle toutefois que malgré ces bons résultats scolaires, au Creps « la sélection se fait sur la performance sportive : on prépare les futurs athlètes de très haut niveau ». Devant les photos de champions passés par l’établissement, elle énumère les grands noms des dernières années ou décennies : les athlètes Laura Flessel et Marie-José Pérec, le boxeur Keshan Jacoby Koaly, le judoka Kenny Liveze, ou encore les escrimeurs Coraline Vitalis, Yannick Borel et Ysaora Thibus…

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Chantal Cusset-Gaydu, directrice du Creps Antilles-Guyane. | OUEST-FRANCE, CÉCILE REMUSAT

Chantal Cusset-Gaydu, directrice du Creps Antilles-Guyane. | OUEST-FRANCE, CÉCILE REMUSAT

La scolarité est gratuite

« Et si des parents comptent sur le Creps pour assurer une scolarité « tranquillou » à leurs enfants, ils se sont trompés ! », martèle la directrice. « C’est la solution scolaire pour les sportifs en voie d’accès ou catégorisés comme sportifs de haut niveau, nous devons être une solution », insiste Gilles Gane, chef d’établissement de la Cité Scolaire du Creps. Il regrette qu’à un moment donné, « il ait pu y avoir un amalgame, on a pu penser que c’était un établissement privé, payant, ce qui a pu nous faire rater de potentiels sportifs ».

Or, la scolarité est gratuite et pas question, ici, de déposer directement un dossier d’admission à la Cité Scolaire : le processus de sélection « débute par la ligue et le Creps », explique-t-il. Quant au niveau scolaire, il doit rester correct « pour que le double projet ne se transforme pas en piège ».

« La principale exigence c’est le comportement : l’obéissance à la règle. Dans leur sport, tout le monde obéit à la règle et c’est exactement la même chose que nous voulons au sein de l’école », explique, d’une voix ferme, Chantal Cusset-Gaydu.

Gilles Gane, chef d’établissement de la Cité Scolaire du Creps. | OUEST-FRANCE, CÉCILE REMUSAT

Gilles Gane, chef d’établissement de la Cité Scolaire du Creps. | OUEST-FRANCE, CÉCILE REMUSAT

Des semaines de plus de 40 heures

Dans les couloirs silencieux de l’établissement, des applaudissements retentissent soudain. Gilles Gane vient d’annoncer à une classe de seconde que l’une des leurs est officiellement classée sportive de haut niveau (ils sont deux dans l’établissement, en motocross et jujitsu). Hélène Boureaud sourit timidement à ses camarades. « Ici, ça se passe plutôt bien, il y a une bonne ambiance, c’est aussi plus strict, ça fait un grand changement par rapport aux autres collèges, par exemple sur les devoirs, les évaluations », confie-t-elle à Ouest-France. L’une de ses camarades, Océane Tribon, judokate arrivée en 4e, reconnaît que si « à l’école, ils ont mis en place beaucoup de choses pour nous, ça reste un peu compliqué au niveau des cours, il faut beaucoup d’organisation, être discipliné ».

« Certains ont des semaines de 40 à 44 heures, sport et scolarité compris », souligne Gilles Gane. Les élèves commencent en général avec du sport à 7 avant d’enchaîner sur une matinée de cours et les entraînements l’après-midi. Pour accompagner ces jeunes, le principal et proviseur entend impliquer au maximum les 22 professeurs de l’équipe. Ils doivent faire preuve de « souplesse et de disponibilité » afin, par exemple, « d’accompagner un élève pendant les vacances ».

« Certains parents ont du mal à laisser partir leurs enfants »

Noémie Novar, judokate de 15 ans, originaire de Marie-Galante et interne au Creps, trouve « agréable » de pouvoir s’entraîner tous les jours sans avoir à effectuer les trajets depuis son île. Et elle apprécie « juste d’être en cours avec des sportifs : ils peuvent comprendre ce que tu ressens, la fatigue, contrairement à un collège normal ».

Cependant, « certains parents ont encore du mal à laisser partir leurs enfants », regrette Chantal Cusset-Gaydu. Elle voudrait désormais accueillir davantage de sportifs de la Martinique, la Guyane, ou « même des Saintes et de la Désirade qui ne sont pas représentées ».

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