REPORTAGE. La Martinique et l’Europe, si loin et si proches à la fois

74 % des Martiniquais se sentent « fiers » d’être européens. C’est ce que révèle le sondage exclusif Ifop pour Ouest-France, publié ce jeudi 9 mai 2024. Il faut dire que l’Europe rattrape le visiteur à peine le pied posé sur le sol de la Martinique. L’extension de l’aéroport Aimé-Césaire, livrée en 2024, a ainsi bénéficié de 19 millions d’euros de fonds européens.

Premier transport collectif accessible à pied à quelques dizaines de mètres de la sortie, le Transport en Commun en Site Propre (TCSP), qui relie depuis 2018 l’aéroport du Lamentin à Fort-de-France, a nécessité un investissement de 395 millions d’euros, dont 87,6 millions de fonds européens. L’Europe est partout. 15 minutes de trajet en bus « à haut niveau de service » plus tard, l’agrandissement du port ou le nouveau lycée Schoelcher flambant neuf n’auraient, eux non plus, pu voir le jour sans l’Europe.

Un sentiment d’éloignement

Des réalités concrètes, palpables, sur ce territoire des Caraïbes mais qui contrastent, souvent, avec un sentiment d’éloignement. Les derniers taux de participation aux élections européennes de 2019 parlent d’eux-mêmes : près de 85 % d’abstention en Martinique. Et ce, malgré une enveloppe de 783 millions d’euros injectés dans l’économie martiniquaise, sur le programme européen 2014-2020.

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Fred-Michel Tirault, maire du Saint-Esprit, une commune de quelque 10 000 habitants, reconnaît que « l’institution mérite d’être mieux connue par le grand public, vu l’impact qu’elle a sur notre quotidien : grands projets, législation, positionnement à l’international ».

Deux exemples concrets sur son ressort : la restauration récente de l’hôtel de Ville ou le projet de reconstruction de l’hôpital communal. Il en convient : « Les fonds européens viennent favorablement compléter les plans de financements de nos grands produits. Pas un seul projet d’envergure ne se fait sans les fonds européens. »

« Parfois plus facile de se faire entendre à Bruxelles »

Charles Larcher, le président de l’Association Martiniquaise de Promotion de l’Industrie (AMPI) et du Coderum, le groupement de la filière Rhum, est un Européen convaincu. « Le pouvoir économique des Régions est beaucoup lié à l’Europe, elle tient compte des territoires et des spécificités, beaucoup plus que l’État, qui est très centralisateur. L’Europe vient contrebalancer. Il est parfois plus facile de se faire entendre à Bruxelles (qu’à Paris). »

Le statut de Région ultra-périphérique (RUP), territoires éloignés géographiquement du continent européen, permet diverses aides : fonds de cohésion pour les entreprises, fonds Feder (Fonds Européens de Développement Régional) ou Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural), notamment.

« C’est essentiel pour la compétitivité de nos entreprises. Il y a des aides à l’investissement mais aussi des dispositifs de compensation des surcoûts de production. Sans l’Europe, on aurait sans doute beaucoup plus de mal à développer notre industrie. »

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Erasmus « rompt l’isolement sur nos îles »

Pour Yveline Patron, professeure en lycée professionnel et référente à l’action européenne et internationale, l’Europe, c’est avant tout une opportunité d’émancipation pour ses élèves les plus en difficulté. Depuis 2016, elle pilote des projets Erasmus, dans le cadre des périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) à l’étranger ou de partenariats.

« Beaucoup d’élèves n’ont jamais quitté l’île. Sans Erasmus, ils n’auraient pu partir vu le coût des billets. C’est une façon de lutter contre le décrochage scolaire, de les redynamiser en les confrontant à d’autres cultures, à d’autres façons de régler les problèmes. Cela rompt l’isolement sur nos îles et donne du sens à l’Europe ».

Estéfany Jean-Mary, jeune étudiante de 25 ans, a profité d’une mobilité Erasmus l’an passé à Grande Canarie, une île espagnole. « J’ai été surprise par les différences entre le système français et espagnol mais aussi par les prix pour se déplacer en Europe. En étant en Martinique, je me disais qu’il faisait froid en Europe, que les gens étaient malheureux, en réalité, ils sont bien. On peut voyager pour pas cher. Aujourd’hui, grâce à Erasmus, j’ai des contacts partout en Europe, en Italie, en Espagne. Pouvoir découvrir différents pays, c’est une richesse. »

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