Son intégrité territoriale est piétinée par les offensives militaires du pays voisin que le président dirige d’une main de fer depuis plusieurs décennies. Le conflit qui s’y déroule se compte en dizaines de milliers de morts par an et en millions de personnes déplacées. Un possible accord de type « aide militaire contre ressources minières » avec les États-Unis pourrait changer la donne alors qu’un cessez-le-feu de 30 jours vient d’être approuvé par les parties au conflit1. Il n’est pas question ici de l’Ukraine, mais bien de la République démocratique du Congo (RDC).
Dans ce pays, le sort de la population civile se joue sur fond de velléités expansionnistes d’un voisin agresseur, le Rwanda, et de l’exploitation du très riche sous-sol du Kivu, dans l’est du pays, où ont lieu les combats les plus violents.
Même si ce n’est pas encore suffisant, le Canada a commencé à agir en suspendant le 3 mars plusieurs accords commerciaux avec le Rwanda2. Peu de pays lui ont emboîté le pas, alors que la communauté internationale devrait se mobiliser, notamment en défendant l’intégrité du territoire congolais. Mais les intérêts économiques primeraient-ils la protection des populations, l’humanisme et le respect du droit international ?
Des groupes rebelles au service des intérêts étrangers
Si le Rwanda doit être sanctionné, c’est parce qu’il soutient activement la rébellion chez son voisin congolais, selon plusieurs rapports et résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Le groupe rebelle le plus important, le M23, est parvenu à prendre en ce début d’année le contrôle des plus grandes villes de l’Est congolais, Goma et Bukavu, en faisant plusieurs milliers de morts chez les civils.
La tâche du M23 a été facilitée par un soutien militaire important des forces armées rwandaises : plus de 4000 soldats sont actuellement présents sur le territoire congolais.
Face à eux, 3000 soldats sud-africains et malawites avaient été déployés par l’entremise d’une mission de la Communauté de développement d’Afrique australe (CDAA) en soutien aux forces congolaises. Un sommet de la CDAA le 13 mars vient d’entériner la fin de cette mission, déjà endeuillée par la mort de 14 soldats en janvier3.
Une véritable débâcle pour l’armée congolaise, également appuyée par des milices accusées d’abriter d’anciens génocidaires, selon le Rwanda. C’est d’ailleurs sur cette accusation que se base le président rwandais, Paul Kagame, réélu en 2024 avec 99 % des voix et à la tête du pays depuis 31 ans, pour justifier son intervention sur le sol congolais. Dans les faits, le Rwanda et d’autres acteurs étrangers pourraient aussi avoir des vues sur l’exploitation illégale du coltan, de l’or, du cobalt ou du cuivre. Plusieurs minerais exploités par les groupes armés dans l’est de la RDC transitent par les pays voisins avant d’être vendus sur le marché international.
Protéger le droit international en RDC
Cette stratégie rwandaise n’a fait l’objet d’aucune véritable sanction de l’ONU elle-même, ni des États-Unis ou de l’Union européenne qui se contente pour l’instant du gel des avoirs de certains hauts gradés rwandais et du M234. Pourtant, si les démocraties libérales veulent montrer qu’elles défendent encore le droit international, elles doivent agir plus fermement.
Les demandes de la RDC sont claires : retrait des forces rwandaises du sol congolais, embargo sur les minerais stratégiques en provenance du Rwanda, suspension du statut du Rwanda comme pays contributeur de troupes au sein des missions de maintien de paix des Nations unies et embargo sur le transfert d’armes vers le Rwanda.
Un autre levier de pression peut également être actionné : l’aide internationale représente un tiers du budget annuel du gouvernement rwandais. Cependant, plusieurs États occidentaux rechignent à taper du poing sur la table : seuls quelques États, dont le Royaume-Uni et l’Allemagne, ont imposé des sanctions économiques. Pour que le droit international soit respecté, il faut que le pays agresseur soit proportionnellement sanctionné et le pays agressé, indemnisé.
Minerais rares contre protection des populations ?
Le Canada a timidement commencé à agir en suspendant une partie de ses accords de coopération commerciale avec le Rwanda et en annonçant une aide humanitaire de 15 millions de dollars aux victimes du conflit dans l’est de la RDC.
En poursuivant dans cette voie, Ottawa pourrait montrer que la nouvelle stratégie Canada-Afrique, adoptée le 6 mars pour renforcer la présence canadienne sur le continent, inclut la défense du droit international, dont la protection des populations et de la souveraineté.
Hélas, ces valeurs deviennent peut-être obsolètes. Le droit international passera-t-il définitivement au second plan derrière les intérêts économiques ? À ce jeu, Donald Trump est une fois de plus au premier plan. Les États-Unis et la RDC discutent en ce moment même d’un éventuel appui sécuritaire en échange d’un accès facilité aux minerais rares5 dont regorge le sous-sol congolais et qui bénéficieraient certainement aux entreprises américaines.
L’aspect économique a toujours été au cœur des guerres dans l’est de la RDC. Mais c’est l’humanisme dans les solutions apportées qui devrait primer les gains économiques. Si la communauté internationale ne réagit pas dans les plus brefs délais pour faire prévaloir le droit international et les droits de la personne, l’assistance à la population congolaise pourrait donc devenir, si elle ne l’était pas déjà, une histoire de gros sous.
1. Consultez l’article de Jeune Afrique « Kinshasa annonce un cessez-le-feu décidé par Félix Tshisekedi et Paul Kagame »
2. Consultez la déclaration des ministres Joly, Hussen et Ng sur la participation du Rwanda au conflit dans l’est de la République démocratique du Congo
3. Consultez l’article de Jeune Afrique « Critiques et incompréhension en Afrique du Sud après la mort de soldats en RDC »
4. Consultez l’article « L’Union européenne sanctionne des responsables rwandais et congolais »
5. Consultez l’article « RDC : vers un partenariat sur les minerais rares avec les États-Unis ? »
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