Une maladie mortelle inconnue frappe la République démocratique du Congo. D’après l’hypothèse de départ, elle aurait été transmise par une chauve-souris que trois enfants auraient mangée. L’Organisation mondiale de la santé enquête.
Les épidémies sont chose courante en République démocratique du Congo (RDC), où des groupes rebelles armés sèment la terreur et où la situation sanitaire est alarmante depuis des décennies déjà.
Mais voilà que pour la troisième fois cette année, un foyer infectieux au tableau clinique atypique s’est déclaré.
Selon les enquêtes préliminaires, l’origine de cette flambée semble remonter à des enfants qui auraient mangé une chauve-souris en janvier, et qui en seraient morts.
C’est à la mi-février que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a commencé à parler, dans un bulletin inquiétant, d’une « maladie inconnue » en République démocratique du Congo.
« La cause exacte demeure inconnue. L’Ebola et le virus de Marbourg sont exclus et un agent infectieux ou toxique sévère est grandement redouté. »
Forte mortalité
Le grand défi, ajoutait l’OMS, vient de « la progression rapide de la maladie, avec une moitié de décès survenus dans les 48 premières heures de l’apparition des symptômes dans l’une des régions touchées, et un taux de mortalité exceptionnellement élevé ».
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PHOTO GUY MASELE SANGANGA, ASSOCIATED PRESS
L’hôpital général de Basankusu, jeudi, où des victimes de la mystérieuse maladie sont traitées
« Une surveillance accrue des maladies a identifié un total de 1096 personnes malades et 60 décès à Basankusu et Bolomba », a précisé jeudi l’OMS. Ces deux villes se situent dans la province de l’Équateur, dans le nord-ouest du pays.
Les symptômes : fièvre, frissons, courbatures et diarrhées intenses chez 80 % des victimes. Les enfants qui auraient mangé la chauve-souris auraient aussi saigné du nez et vomi du sang.
Cas rarissimes ?
À quel point une toute nouvelle maladie dans ce pays est-elle envisageable ? Selon Cédric Yansouni, infectiologue au Centre de santé McGill et directeur du Centre J.D. MacLean pour la médecine tropicale et géographique, si des enfants sont bel et bien tombés malades après avoir mangé une chauve-souris, « cela pourrait potentiellement être inquiétant parce que ces animaux représentent des espèces réservoirs pour plusieurs virus, dont les fièvres hémorragiques », qui s’accompagnent de symptômes aigus.
Mais une toute nouvelle maladie ? M. Yansouni en doute.
« Il faut toujours rester vigilant quant à la possible émergence d’un nouveau pathogène, mais il demeure beaucoup, beaucoup plus probable que l’on observe seulement la confluence d’une ou plusieurs épidémies d’agents habituels dans des zones reculées où le système de santé est fragile », répond-il.
Les décès qui surviennent très rapidement après l’apparition des symptômes « pourraient aussi faire penser à des maladies connues, mais plus rares, comme la peste », observe-t-il.
La RDC vulnérable aux épidémies
La Dre Joanne Liu, cette Québécoise qui a fait des missions pour Médecins sans frontières à partir de 1996 et présidé l’organisation de 2013 à 2019, est allée plusieurs fois en République démocratique du Congo.
Là-bas, il y a de tout, dit-elle : Ebola, choléra, rougeole… « C’est un gros pays d’Afrique avec un système de santé extrêmement fragile où Médecins sans frontières est très présent », résume-t-elle.
À quel point les organisations comme MSF pourront-elles y maintenir une présence, dans la mesure où la violence des groupes armés est endémique depuis quelques mois ? (Le 23 février, le Conseil de sécurité de l’ONU a sommé le Rwanda de se retirer immédiatement du pays, aujourd’hui une poudrière sur fond de tensions ethniques.)
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PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE
Dre Joanne Liu
Dans ce pays comme ailleurs, signale la Dre Liu, dans les périodes particulièrement tendues, « on fait une évaluation sécuritaire ». « On peut, par exemple, réduire nos équipes, on peut se replier, jusqu’à, dans certaines circonstances, ne laisser en place que l’équipe chirurgicale qui peut sauver des vies. »
L’ONU demande un effort international de 2,5 milliards de dollars en aide humanitaire pour la RDC, et ce, à l’heure où l’administration Trump réduit son aide historique.
« Quantité de programmes ne fonctionneront plus, dont la lutte contre le VIH/sida mis en place par le président Bush », soutient la Dre Liu.
« On entend que dans certains pays d’Afrique, certaines personnes n’ont déjà plus accès à leurs antirétroviraux. Quand il y a rupture de traitement, la charge virale augmente et les gens deviennent contagieux, ce qui fait augmenter les cas », poursuit-elle.
Selon la Dre Liu, la République démocratique du Congo est l’un des rares pays où l’on voit encore des gens aux prises avec les symptômes les plus sévères du sida comme dans les premières années de l’apparition de la maladie.
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