sécurité défaillante, fréquentation en berne, envol économique, la situation très contrastée des installations
Focus sur les aérodromes de Guadeloupe. Ils sont au nombre de cinq et à eux seuls, concentrent une bonne partie du trafic aérien privé. Mais en creux, se dessine une réalité peu reluisante : fréquentation timide sur certains sites, balisage inexistant, rapport d’audit de l’aviation civile accablant, le modèle économique des aérodromes de Guadeloupe est-il à revoir ?
Vues du ciel, ce sont des infrastructures imposantes, des aérodromes conçus dans les années 60 et 70 pour désenclaver un territoire archipélagique. Certains équipements sont aujourd’hui flambant neuf, quand d’autres auraient bien besoin d’un rafraîchissement.
À Baillif, cela fait près de 55 ans que ce bout de piste fait partie intégrante du paysage. 615 mètres d’asphalte, nichés dans un écrin verdoyant. Depuis 8 ans qu’il travaille ici, Alain Ferté le sait, l’activité est en chute libre.
Je vais dire nous sommes environ à 70% de notre activité. Comparé à avant on était à 85%. On volait beaucoup plus mais l’essence a beaucoup augmenté et nous avons moins d’avions privés qui arrivent.
Alain Ferté, surveillant d’aérodrome
En 2024, 216 passagers de vols privés ont foulé la piste. Bien loin des 12 000 voyageurs réguliers enregistrés dans les années 70. Aujourd’hui, l’aérodrome sert surtout d’issue de secours en cas d’évacuations sanitaires. La volonté affichée est de le redynamiser.
On a établi d’abord un diagnostic pour voir les forces et les faiblesses de cet équipement et puis sur la base on s’est rendu compte qu’il y avait une demnde de fret des entreprises qui sont juste à côté. Il y a aussi une demande de personnes qui viennet se soigner au CHBT, des patients de la Caraïbe et permettre aussi à des jeunes Guadeloupéens de se former sur la Basse-Terre.
Michaël Cérival, Conseiller technique au Conseil départemental
Sur les 5 aérodromes de l’archipel, quatre sont gérés par le Conseil départemental. Il s’agit de celui de Baillif où nous nous trouvons, Marie-Galante, La Désirade, et Terre-de-Haut, aux Saintes. Mais il en reste un, celui de Saint-François, où c’est la municipalité qui en assure l’exploitation.
À l’aérodrome Amédée-Huyghues-Despointes de Saint-François l’activité fourmille : baptême de l’air, excursion en autogire, parachutisme. C’est la première base aéro-loisir de la Guadeloupe. Dans cet aéroclub, on réalise plusieurs dizaines de vols « découverte » par semaine. L’aéroclub possède trois avions dont ces deux aéronefs de voyage. Les engins campent toute l’année sur la piste. Pour le président de la structure, il faut réhabiliter les équipements de l’aérodrome.
En haute saison touristique, près de 150 avions décollent ou atterrissent ici tous les jours. Pourtant à bien y regarder, les défauts d’entretien de l’infrastructure sont criants. Dans un rapport d’audit, que nous avons pu consulter, la direction de l’aviation civile tire la sonnette d’alarme.
Lorsqu’il arpente cette piste, Didier Veyrier ne peut que constater les dysfonctionnements.
Entre le golf et l’aérodrome, vous le voyez il y a des parties qui ne sont absolument pas étanches. Plus loin, la clôture est tombée, en termes de sûreté, c’est pas bon.
Didier Veyrier, conseiller municipal de Saint-François en charge de l’aérodrome
Et pour cause, dans un rapport d’audit établi par la Direction générale de l’Aviation civile datant de 2023, 11 défaillances de niveau 2 ont été constatées sur l’aérodrome de Saint-François.
- « Défaut d’extincteur »
- « Défaut d’entretien des aires de dégagement des chaussées aéronautiques »
- « Imprécision de l’information aéronautique publiée »
En janvier 2024, dans un courrier le préfet de la Guadeloupe abonde en ce sens.
Il est mis en évidence une application insuffisante des dispositions prévues dans l’arrêté préfectoral de police de l’aérodrome signé en 2017.
Courrier du Préfet janvier 2024
Pour Didier Veyrier, « ça prend du temps, c’est de l’investissement et malheureusement la commune de Saint-François n’est pas au mieux financièrement. Gérer un aérodrome est beaucoup plus compliqué qu’on pourrait laisser supposer. »
D’ailleurs l’aérodrome était en gestion départementale jusqu’en 2011. Selon nos informations, des discussions entre la municipalité et le Département seraient en cours. La collectivité souhaite récupérer la gestion de l’aérodrome. Reste à savoir sous quelle forme juridique.
À la Pointe des Basses, à Grand-Bourg de Marie-Galante, la situation est toute autre. Une piste bitumée de 1 200 mètres, une aérogare immaculée, aujourd’hui, seuls les avions privés fréquentent cette piste. Mais tout cela va bientôt changer. Dès le mois de mars 2025, la compagnie Air Inter Îles met le cap sur Marie-Galante avec trois rotations par semaine. Comptez à peine 20 minutes de vol.
Avant, rappelez-vous, les bateaux c’était trois heures, on a fait beaucoup de progrès. J’espère que Saint-Barth-Executive saura avoir une offre accessible pour les Marie-Galantais.
Maryse Etzol, présidente de la communauté de communes de Marie-Galante
Nous avons déniché des documents sur le tourisme de l’époque en Guadeloupe. Il est question d’un trafic aérien exponentiel pour l’ensemble des aérodromes guadeloupéens dans les années 70. Voici l’exemple de Marie-Galante :
L’île est desservie par Air Guadeloupe à partir du Raizet, des Saintes, de la Désirade et du Baillif. (…) Le trafic a encore été multiplié par 2,5 entre 1972 et 1977, ce qui l’amène à près de 200 000 passagers à cette date.
“Tourisme et développement de la Guadeloupe”, Jean-Claude Baptistide (1980)
Prenons l’exemple d’une famille originaire de Bretagne. Elle vient de passer cinq semaines sur l’île et il inimaginable pour eux de prendre le bateau. Ils repartent directement à Paris après une escale au Raizet. Pour réserver cet avion, ils ont déboursé 400 euros. Les élus et entrepreneurs locaux espèrent un retour des Marie-Galantais à l’aérien et l’afflux d’une nouvelle clientèle touristique.
Après Marie-Galante, le Conseil départemental nous confirme vouloir que l’aérodrome de la Désirade reprenne du service avec l’arrivée d’une compagnie aérienne.
Quant à Baillif, des travaux de rénovation sur la piste devraient débuter très prochainement.
- (Re)voir : Gestion des aérodromes de Guadeloupe, l’état des lieux vol 1 de Lydia Quérin et Ludovic Gaydu
Aérodromes de Guadeloupe vol 1
•
- (Re)voir : la gestion des aérodromes de Guadeloupe, l’état des lieux vol 2 de Lydia Quérin et Ludovic Gaydu
Crédit: Lien source