Depuis le 11 juin et l’extraction de son premier baril, le Sénégal est désormais un pays producteur de pétrole. Le site offshore de Sangomar, où est installée la plate-forme, se trouve au large du delta du fleuve Saloum, une zone riche en biodiversité et prisée par les pêcheurs et les transformatrices de poissons. Les acteurs de ce secteur affirment déjà ressentir un effet sur leur activité et la société civile demande à l’exploitant australien Woodside plus de transparence.
Avec notre envoyée spéciale à Djiffer,
Depuis quelques mois, les pêcheurs de Djiffer, au Sénégal, reviennent de plus en plus bredouilles. Dans la pirogue de Boubacar Diallo, quelques seiches, des crustacés, mais rien à voir avec ce qu’il a connu. « Quand nous comparons nos prises actuelles avec celles de la période avant l’installation de la plate-forme pétrolière, nous voyons que la quantité de poissons d’aujourd’hui est très faible, assure-t-il. Maintenant, on peut rester cinq jours, voire une semaine sans aller à la pêche. Et quand on part en mer, on revient avec des prises dont la valeur marchande ne dépasse pas 50 000 francs. C’est trop peu. »
À lire aussiLa sardinelle, le poisson le plus consommé au Sénégal, quitte les eaux du pays
Les premiers barils de pétrole sont sortis du site de Sangomar, à 90 km au large de Djiffer, en juin, mais le développement de la plate-forme pétrolière a commencé en 2020. Des travaux qui ont bouleversé les écosystèmes, selon le président du comité local de pêche artisanale, Souleymane Thiaw. « Tout le monde sait que les poissons sont attirés par la lumière. Donc, aujourd’hui, les poissons ont migré dans la zone des installations pétrolières. Et nos pêcheurs ne peuvent plus y accéder à cause du périmètre de sécurité. La conséquence, c’est que certaines espèces de poissons sont devenues rares dans le secteur, ce qui pose un véritable problème », se plaint-il.
« Il faut impliquer les populations »
Selon lui, 70% de la population de la région vit de la pêche. Sur le quai, les femmes transforment le poisson, mais là aussi l’activité tourne au ralenti. Le poisson, plus rare, leur coûte deux fois plus cher qu’avant, et les dizaines de séchoirs sont à moitié vides. Penda Niang range son étal faute de clients. « Notre travail n’est plus aussi difficile. Avant, on pouvait être sur les sites de transformation du matin jusqu’à minuit. Donc, vous voyez que là, on peut se permettre de venir avec nos belles tenues tout en sachant qu’on n’aura pas grande chose à faire comme travail », illustre la commerçante.
En 2018, dans son étude d’impact environnemental, la société australienne Woodside, qui exploite le champ pétrolier, reconnaissait un risque de perturbation de la vie marine, mais seulement temporaire. Les pêcheurs disent ne plus avoir de discussions avec la compagnie depuis plusieurs années, ce que déplore la société civile. « Les études d’impact sont toujours accompagnées d’un plan de gestion environnemental et social (PGES). Comment peut-on mettre en place un PGES pour gérer les impacts qu’on a identifiés dans les études sans pour autant impliquer les communautés ? Il faut impliquer les populations dans ce processus », réclame Lamine Diagne, membre de la coalition Publiez ce que vous payez.
Le gouvernement estime les recettes tirées de l’exploitation de ses hydrocarbures (pétrole et gaz) à 576 milliards de francs CFA, soit près de 900 millions d’euros, pour la période 2025-2027.
À écouter dans Appels sur l’actu :[Vos réactions] Sénégal : à quoi doit servir la manne pétrolière ?
Crédit: Lien source
Les commentaires sont fermés.