Dans un entretien accordé à France 24, l’ancienne première ministre du Sénégal, Aminata Touré a montré son embarras vis-à-vis de Macky Sall qui a accepté de présider le Pacte de Paris pour les peuples dès son départ de la présidence sénégalaise, à la demande d’Emmanuel Macron.
Correspondance à Abidjan, Bati Abouè
S’il y a une vie après la présidence de la République, celle-ci doit veiller à l’honorabilité du pays que l’on a dirigé. C’est, du moins, la leçon que tente de faire l’ancienne première ministre du Sénégal, Amanita Touré, à l’ancien président Macky Sall qui a pris les rênes du Pacte de Paris pour les peuples, quelques semaines seulement après l’investiture de Bassirou Diomaye Faye comme président de la République. L’ex-président n’aura donc chômé que quelques jours avant de trouver un nouvel emploi en France où ses bureaux sont logés au siège de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans le 16è arrondissement de Paris.
Mais quels que soient les honneurs que l’ancien président peut trouver dans son nouveau travail, son ancienne Première ministre estime qu’il devrait avoir un devoir de réserve à l’égard du Sénégal parce qu’il bénéficie des indemnités que lui accorde la Constitution. Au surplus, dit-elle, en tant que commandant en chef, Macky Sall part avec de nombreux secrets militaires ainsi qu’avec « la cartographie de nos ressources naturelles », a-t-elle dénoncé, qualifiant cette décision « de collusion » avec l’ancien colonisateur.
Les fantômes de 3 années de répression
Le 2 avril dernier, Macky Sall avait cédé le pouvoir à Bassirou Diomaye Faye, un inspecteur des impôts de 44 ans, élu 5è président de la République du Sénégal après trois années de crise politique et une violente répression qui a fait une soixantaine de morts et plus de 300 blessés, selon Amnesty International. Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, les deux nouvelles têtes de l’Exécutif, faisaient également partie des centaines de personnes emprisonnées. Tous les deux ont d’ailleurs été libérés dix jours seulement avant la fin de la campagne électorale qui a été reprogrammée sous la pression de la rue et en raison de l’intransigeance du Conseil constitutionnel sénégalais. Celui-ci avait notamment retoqué, pour inconstitutionnalité, le report de la date de l’élection présidentielle, ainsi que les décisions du dialogue national dont l’objectif final visait à permettre à l’ancien président de continuer à rester au pouvoir au-delà de la fin de son mandat.
Toutes ces manœuvres avaient provoqué de nouvelles flambées de violences à Dakar et dans plusieurs régions du pays, ainsi que de nouveaux morts qui ont alourdit le bilan de la répression du pouvoir. Mais voyant qu’il ne pouvait plus se maintenir, l’ex-président fit voter une loi d’amnistie couvrant les trois années de répression. Mais en dépit de cet obstacle légal, un collectif des victimes du régime de Macky Sall a vu le jour à Dakar. Elle demande au nouveau régime de lancer des mandats d’arrêt aux autorités marocaines pour que celles-ci lui livrent l’ancien président qui vit désormais à Marrakech.
Ce qui s’est passé durant ces événements sanglants
L’ancienne Première ministre qui s’était d’ailleurs opposée à ladite loi d’amnistie soutient les initiatives dudit collectif parce qu’il ne peut y avoir de paix durable sans justice, dit-elle. « Il faudrait éclaircir tout ce qui s’est passé durant ces événements sanglants pour qu’on sache ceux qui sont derrière ces morts de jeunes qui manifestaient. Afin qu’à la fin, les responsables soient condamnés par la justice. On l’a vu avec Pinochet mais aussi plus près de nous avec Dadis Camara », a-t-elle soutenu.
Cela dit, il faudrait d’abord passer la barrière de la loi d’amnistie, convaincre ensuite les autorités marocaines et, enfin, les dirigeants français avant d’attraire l’ancien président devant les tribunaux de son pays. Le fait que Macky Sall dirige désormais une organisation internationale devrait logiquement aider bétonner sa double immunité. D’ailleurs, il n’est pas exclu qu’il ait négocié ce poste avec le président français dont il devient désormais l’envoyé spécial avec cette arrière-pensée. Mais quoiqu’il ait pensé, Aminata Touré se gausse que l’ancien président sénégalais devienne l’employé de son ancien collègue.
Il n’empêche que ce n’est pas la première fois que la France recycle les anciens présidents sénégalais. En 2002, Jacques Chirac avait sorti Abdou Diouf de sa retraite pour être le secrétaire général de la Francophonie après 19 ans de règne à la tête de son pays. Dès son élection, le sénégalais n’avait d’ailleurs pas caché son agenda à la tête de cette institution : assurer « la consolidation et le rayonnement du français dans le monde », faire la promotion de « l’enseignement du français et son statut dans les organisations internationales » et faire en sorte « que tous les pays de l’espace francophone sentent l’obligation morale de s’exprimer en français dans les organisations et les conférences internationales. » Il n’y a donc rien de nouveau sous le soleil de la Téranga.
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