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C’est un petit pas vers la reconnaissance des violences exercées par la France dans ses anciennes colonies. Six tirailleurs africains, exécutés avec des dizaines d’autres sur ordre d’officiers de l’armée française en 1944 à Thiaroye au Sénégal, viennent d’être reconnus « morts pour la France », une décision mémorielle inédite dans ce dossier douloureux de l’histoire coloniale française.
« Ce geste s’inscrit dans le cadre des commémorations des quatre-vingts ans de la libération de la France comme dans la perspective du 80e anniversaire des évènements de Thiaroye, dans la droite ligne mémorielle [d’Emmanuel Macron] qui souhaite que nous regardions notre histoire “en face” », a indiqué dimanche 28 juillet à l’AFP le secrétariat d’Etat français chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire.
Cette mention de « Morts pour la France » a été attribuée par une décision datée du 18 juin à ces six tirailleurs par l’Office national français des Combattants et des Victimes de Guerre (ONaCVG). Elle concerne « quatre tirailleurs originaires du Sénégal, un de Côte d’Ivoire et un de Haute-Volta », devenue le Burkina Faso. Cette première décision « pourra être complétée dès lors que l’identité exacte d’autres victimes aura pu être établie », a précisé le secrétariat d’Etat.
Dakar reproche à Paris une décision prise « unilatéralement »
Cette décision a suscité l’ire du Premier ministre sénégalais, pour qui la France « ne pourra plus ni faire ni conter seule ce bout d’histoire tragique ». « Ce n’est pas à elle de fixer unilatéralement le nombre d’Africains trahis et assassinés après avoir contribué à la sauver, ni le type et la portée de la reconnaissance et des réparations qu’ils méritent », a déclaré Ousmane Sonko sur les réseaux sociaux, signant son message comme chef du parti Pastef-Les Patriotes et non du gouvernement.
Au matin du 1er décembre 1944, au camp militaire de Thiaroye, près de Dakar, des troupes coloniales et des gendarmes français avaient tiré sur ordre d’officiers de l’armée française sur des tirailleurs rapatriés qui réclamaient leurs arriérés de solde. Le traumatisme et le souvenir de ce massacre sont toujours vifs au Sénégal et sur le continent africain.
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Ousmane Sonko, chantre d’un souverainisme et d’un panafricanisme social, demande « au gouvernement français de revoir ses méthodes, car les temps ont changé », et affirme que « Thiaroye 44, comme tout le reste, sera remémoré autrement désormais ».
Six soldats seulement sont reconnus « morts pour la France » quand au moins 35 tirailleurs avaient trouvé la mort, selon le bilan dressé par les autorités françaises à l’époque. Un chiffre qui reste encore sujet à controverse, des historiens l’estimant beaucoup plus élevé.
« Il est temps de regarder notre histoire comme elle fut »
Rompant avec une pratique du déni, l’ancien président français François Hollande avait rendu officiellement hommage lors de son mandat à ces tirailleurs massacrés par l’armée coloniale à Thiaroye. « Après la déclaration du président François Hollande il y a dix ans, c’est une nouvelle étape. C’était essentiel, il est désormais temps de regarder cette histoire, notre histoire, comme elle fut », a ajouté dimanche le secrétariat d’Etat français chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire.
La décision de reconnaître certaines des victimes du massacre comme « mortes pour la France » est « un choix cohérent qui permet de regarder l’histoire en face d’une page très douloureuse de l’histoire franco-sénégalaise », a réagi la présidente de l’Association pour la Mémoire et l’Histoire des Tirailleurs sénégalais, Aïssata Seck, interrogée par l’Agence France-Presse.
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« Ces soldats viennent d’avoir la reconnaissance qui leur était due », a-t-elle poursuivi, considérant que ce geste est « une grande étape vers l’apaisement d’une mémoire qui ne peut qu’être partagée entre nos deux pays ». Aïssata Seck juge également « important » de « travailler à ce que l’on permette les fouilles archéologiques des fosses communes qui permettront d’avoir le chiffre réel du nombre de victimes ».
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