Soudan du Sud | À Juba, les gens « s’attendent à ce que des combats éclatent d’une minute à l’autre »

(Juba) De nombreux habitants de Juba se sont réveillés mercredi au grondement de l’artillerie, alors que des affrontements entre l’armée loyale au président Salva Kiir et les forces soutenant le vice-président Riek Machar font ressurgir depuis des semaines le spectre de la guerre au Soudan du Sud.


« Les gens sont en panique », affirme l’économiste Ter Mammer.

Car si les forces soutenant les deux hommes s’affrontaient depuis des semaines dans le pays, notamment dans le Nord-Est, les combats sont arrivés aux portes de la capitale. Et ravivent pour ses habitants les pires souvenirs de la guerre civile, qui avait opposé les mêmes acteurs entre 2013 et 2018 et fait près de 400 000 morts et quatre millions de déplacés.

« Nos dirigeants doivent privilégier le dialogue plutôt que les armes », lance Lilian Sukeji, une habitante de Juba, qui se dit « inquiète de la situation ».

« J’ai l’impression que nous retournons à la guerre alors que nous avons besoin de la paix », dit-elle.

Mardi déjà, l’opposition sud-soudanaise appuyant Riek Machar avait dénoncé des frappes sur une de ses bases militaires près de Juba. Mercredi, elle a accusé les forces fédérales du président Salva Kiir d’avoir attaqué deux centres d’entraînement de ses hommes aux portes de la capitale.

« Vers 4 h du matin, nous avons entendu de l’artillerie lourde vers Rajaf », près de Juba, raconte Ter Mammer, interrogé par l’AFP.

Deux correspondants de l’AFP à Juba ont aussi entendu des détonations aux aurores provenant du sud-est de la capitale, où se trouve un centre d’entraînement des forces de l’opposition, destiné à ce que celles-ci rejoignent ensuite les Forces nationales unifiées (NUF), censées rassembler les armées des deux camps.

Mais cette disposition de l’accord de paix de 2018 reste peu appliquée, comme de nombreuses autres mesures de ce texte ayant permis la fin de la guerre civile en actant un partage des pouvoirs entre MM. Kiir et Machar.

Agricultrice à Rajaf, Imoyia explique avoir entendu des « tirs de fusil très près » de l’endroit où elle se trouvait.

« Partis en courant »

« Nous sommes partis en courant de notre ferme », relate-t-elle à l’AFP. « Les militaires sont venus dans notre secteur et ont dit aux enfants de quitter l’école et de rentrer chez eux », ajoute-t-elle, se plaignant de n’avoir « nulle part » où emmener les siens si la situation empire.

Après de premières heures tendues mercredi, où du personnel humanitaire a notamment été appelé à rester là où il se trouvait, la vie a repris son cours normalement à Juba.  

« La ville est calme en ce moment », selon une source humanitaire à Juba.

L’affluence était notamment revenue à la normale dans le quartier commerçant de Gudele, a constaté un correspondant de l’AFP, qui a également observé des mouvements de camions militaires vers l’ouest de la ville.

Interrogé par l’AFP depuis Nairobi, un autre humanitaire vivant dans la capitale sud-soudanaise craint toutefois que « cette recrudescence de la violence ne soit que le signe avant-coureur d’autres violences », qu’il envisage « dans les jours ou les semaines à venir ». « Honnêtement, l’accord de paix est presque mort », soupire cet étranger.

Les salariés sud-soudanais de son ONG, « déjà traumatisés » par le conflit précédent, vieux de sept ans à peine, ont commencé à prendre leurs précautions en « envoyant leurs familles en Ouganda », dit-il.

Dans Juba, « les gens sont juste tendus », observe cet humanitaire. « Ils s’attendent à ce que des combats éclatent d’une minute à l’autre » dans la capitale.


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